Compteurs électriques communicants Linky Enedis : une commission d’enquête pour évaluer les risques pour la santé
Alors que le tribunal de Bordeaux a ordonné le 23 avril 2019 à Enedis de poser des filtres sur les compteurs Linky de 13 personnes sensibles aux ondes électromagnétiques, une commission d’enquête a vu le jour afin de faire le point sur ces questions, restant aujourd’hui sans réponse scientifique. Linky injecte dans les câbles non blindés du courant porteur en ligne (CPL), d’une fréquence d’au moins 60 khz, soit près de mille fois supérieure à celle existante jusqu’à présent (50 hz ou 170 hz pour les EJP, effacements des jours de pointe). Des personnes hyper-sensibles aux ondes ressentiraient une gène.
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En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres chargée d’évaluer les conséquences diverses du programme d’installation des compteurs communicants « Linky » par Enedis. Elle sera également chargée de formuler des recommandations visant à suspendre, poursuivre ou modifier les modalités du déploiement.
Suite à l’adoption le 22 juillet 2015 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 « relative à la transition énergétique pour la croissance verte », en application de directives européennes, l’ex-ERDF devenue Enedis s’est engagée à installer, à compter de décembre 2015, des compteurs communicants Linky dans trente-cinq millions de foyers français avant 2021. La couverture devrait alors concerner 90 % des abonnés.
Pour autant, les directives européennes de 2006 et 2009 n’imposent pas ce déploiement et de nombreux pays ont, pour des raisons diverses, limité ou suspendu ce type de projet. En effet, la directive européenne n° 2009/72 prévoit que « les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure […] mais elle peut être subordonnée à une évaluation économique à long terme de l’ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur ».
En France, ce déploiement de grande ampleur fait l’objet de controverses et contestations de la part de particuliers, d’associations de consommateurs et de collectivités locales au regard des conséquences qu’il pourrait avoir sur la santé, l’emploi, l’environnement, l’utilisation des données personnelles, le coût de l’abonnement et de l’énergie, la maîtrise publique de la production et la distribution de l’énergie. Les pétitions se multiplient et de nombreux recours ont été engagés depuis des années sur le plan judiciaire.
Dans ce contexte difficile de suspicion et d’interrogations, une enquête indépendante et transversale permettrait de mieux connaître les avantages et inconvénients de ce programme pour la collectivité, les consommateurs, les entreprises, les finances publiques. Des propositions sur la poursuite, la suspension ou la modification de ce déploiement pourraient être formulées à la suite d’une analyse objective des questions soulevées.
Au niveau sanitaire
Linky injecte dans les câbles non blindés du courant porteur en ligne (CPL), d’une fréquence d’au moins 60 khz, soit près de mille fois supérieure à celle existante jusqu’à présent (50 hz ou 170 hz pour les EJP, effacements des jours de pointe).
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié en juin 2017 une révision de son avis de décembre 2016, confirmant que le CPL produit un champ magnétique supplémentaire en amont mais aussi en aval du compteur Linky, donc dans l’installation du logement. En outre, il a été constaté une durée d’exposition plus longue que prévue, mais sans pour autant constater une augmentation du niveau de champ électromagnétique.
Bien que l’exposition mesurée in situ soit six mille fois inférieure à la valeur limite d’exposition, des études pourraient être menées pour confirmer, si c’est le cas, l’innocuité d’une exposition à ce champ magnétique qui s’ajoute à la pollution globale. Aucune étude sur l’impact sanitaire n’a en effet été effectuée dans des quartiers ou villages qui sont totalement équipés en nouveaux compteurs.
Certaines associations avancent aussi :
Que le CPL peut provoquer des dysfonctionnements d’appareil, voire des dommages irréparables, et causer des incendies en raison des risques de surchauffe des câbles.
Que le Linky nécessiterait l’installation de sept-cent-mille concentrateurs destinés à renvoyer par CPL ou via le réseau de téléphonie mobile (GMS) les informations collectées localement.
Que des dysfonctionnements ont été répertoriés sur certains compteurs Linky, soit par défaut de conception, soit plus probablement par défaut de fabrication ou d’installation (ce dernier point pouvant s’expliquer par la pression exercée sur les prestataires externes chargés du déploiement).
Sur les factures des abonnés et les conséquences sociales
Le coût de ce projet industriel Linky a été estimé à 5,7 milliards d’euros, mais des économistes avancent 8 à 9 milliards d’euros. Dans son rapport publié en février 2018, la Cour des comptes a estimé que le Linky est « coûteux pour le consommateur mais avantageux pour Enedis » ; elle préconise de réduire le coût à la charge des usagers, qui devrait être étalé sur plusieurs années à partir de la fin du déploiement.
Enedis argue que les clients paieraient désormais au fil de la consommation réelle (ce qui est déjà le cas lorsque l’usager relève et déclare lui-même les index).
Cependant, le disjoncteur classique tolère un dépassement limité de la puissance souscrite, ce qui permet le démarrage des appareils nécessitant une surintensité temporaire de départ. Ce ne serait plus le cas avec le Linky, qui pourrait supprimer désormais cette tolérance en coupant l’alimentation en cas de dépassement. De plus, le compteur Linky serait beaucoup plus précis sur la consommation réelle mesurée. L’unité de consommation calculée jusqu’à présent en KW se ferait dorénavant en KVA (kilovoltampère), ce qui entraînerait aussi une augmentation jusqu’à environ 20 % du montant des factures.
L’installation du Linky entraînerait donc une augmentation de certaines factures des abonnés, tant au niveau de la consommation qu’au niveau de l’abonnement avec l’obligation de passer à une tranche supérieure. Enedis aurait estimé ces recettes supplémentaires à 750 millions d’euros.
À sa décharge, Enedis, filiale à 100 % d’EDF, doit supporter des contraintes et obligations supplémentaires de la part de l’État qui exige un taux de versement de dividendes de 60 % du bénéfice net. La somme totale des dividendes attendus entre 2018 et 2021 atteindrait ainsi 2,4 milliards d’euros ! De plus, le Linky peut avoir un rôle social essentiel dans la lutte contre la précarité énergétique s’il est associé à un service public de qualité et de proximité. Cependant, en réduisant le personnel de proximité, il rendra plus difficile, en cas de coupure, l’obligation d’une présence physique du technicien au domicile de l’usager.
En termes d’emploi
Après une période temporaire de fabrication et de pose de ces nouveaux compteurs, pouvant générer environ dix-mille emplois chez les fournisseurs et sous-traitants chargés de leur installation, une forte baisse est inévitable.
Quant à la mise en place généralisée des interventions à distance (relève, changement de puissance, interruption sans contact préalable et préventif du distributeur), elle réduira inéluctablement les emplois de l’opérateur.
Dans ce contexte, après avoir connu une augmentation temporaire de son effectif statutaire, Enedis s’était engagée à retrouver un nombre de postes identique à celui d’avant le déploiement, soit environ trente-six-mille ETP en 2013. Or la société a annoncé que son effectif serait réduit à environ trente-quatre-mille ETP en 2021, soit deux-mille de moins que prévu.
Concernant la transition énergétique
L’électricité étant difficilement stockable, le Linky permettrait de mieux gérer à l’instant T le réseau électrique en adaptant la production aux besoins immédiats, en optimisant la production des énergies renouvelables, de natures délocalisées et intermittentes, et l’autoconsommation, en forte augmentation, lorsque l’abonné dispose de sa propre installation de production. Ce pilotage permettra-t-il de diminuer le recours aux énergies carbonées, facilitant donc la transition énergétique ?
Grâce à une meilleure connaissance de la consommation du logement et de ses équipements, le Linky permettrait aussi d’évaluer les économies possibles et de proposer des projets de rénovation fiables.
À contrario, l’installation du Linky va engendrer la destruction de millions de compteurs électriques en état de marche, qui pouvait fonctionner encore quelques décennies. Quant aux nouveaux compteurs, ils sont prévus pour être remplacés tous les quinze à vingt ans, voire moins, alors que l’obsolescence programmée est interdite par l’article L. 213-4-1 du code de la consommation, instauré par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015.
Sur la vie privée et les données personnelles collectées
L’article R. 341-5 du code de l’énergie précise que « chaque utilisateur des réseaux publics d’électricité a la libre disposition des données relatives à sa production ou à sa consommation enregistrées par les dispositifs de comptage ». Or, même si le Linky collecte des données en temps réel pouvant être utiles au « consomm’acteur », il ne permet pas de lecture directe et l’abonné ne peut consulter sa consommation que vingt-quatre heures après. En outre, cet accès n’est possible qu’avec une connexion internet et après téléchargement d’un programme spécifique, ce qui est discriminant pour les abonnés non équipés ou non desservis par internet, voire non-initiés aux outils numériques.
Cependant, le captage, l’enregistrement et la transmission de nombreuses informations personnelles au gestionnaire du réseau électrique posent un problème de traitement des données et de respect de la vie privée, garanti par l’article 9 du code civil : « chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ».
Au-delà des informations personnelles sur la consommation électrique, l’analyse des données permet de connaître avec une grande précision les appareils utilisés, les heures de présence des membres du foyer, les habitudes de vie. Il s’agit de données particulièrement sensibles et intrusives dont la valeur peut être décuplée par recoupements avec d’autres bases de données personnelles géolocalisées. Ces données personnelles collectées ne pourraient-elles pas être revendues, détournées ou piratées par des intérêts privés ou dans le cadre d’une politique sécuritaire ? L’article R. 111-30 du code de l’énergie prévoit déjà la levée de la confidentialité des données « en cas de menace pour la sécurité des personnes et des biens ou pour la sécurité et la sûreté des réseaux publics ».
Sur le choix de société et la maîtrise publique de l’énergie
Un problème de démocratie ? Le processus même de décision de déployer le Linky soulève la question du respect du droit des citoyens. En effet, les textes en vigueur, et notamment la loi n° 2002-285 du 28 février 2002, prévoient un dispositif de participation du public aux décisions publiques ayant un effet important sur l’environnement. De ce fait, la décision de déployer le Linky, qui n’a fait l’objet d’aucune consultation publique, apparaît contestable sur le plan juridique, car prise au terme d’une procédure irrégulière.
Un risque de discrimination ? En permettant au gestionnaire du réseau d’identifier et de géolocaliser rapidement les pannes sur les équipements, Linky pourrait aussi induire une discrimination à l’égard des zones rurales par la suppression de services et personnels décentralisés.
Une facilité à privatiser ? La gestion en temps réel permettrait d’intégrer plus facilement la production d’électricité d’origine renouvelable non régulière, comme le solaire ou le photovoltaïque, afin de ne pas déstabiliser le réseau. Elle pourrait ainsi ouvrir la voie à une gestion privatisée et financière de la production, de la fourniture d’électricité et de l’effacement de consommation. En effet, les producteurs et/ou distributeurs privés auraient la liberté de négocier, réduire ou accroître leur production ou leur distribution en fonction du prix instantané du KW sur le marché. Les critères financiers de gestion des producteurs et des fournisseurs privés conduiraient alors à une déstabilisation du réseau, à l’imposition d’effacement ou de délestage des abonnés qui seraient alors obligés soit de réduire leur consommation soit de payer le KW à un prix très supérieur.
Une marchandisation des données ? L’utilisation, la commercialisation et la maîtrise des données personnelles représentent un enjeu politique majeur au regard de la valeur économique et financière de cette matière première dématérialisée.
Telles sont les nombreuses questions, non exhaustives, que serait amenée à traiter la commission d’enquête.
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