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Les marchés exigent une réaction des banques centrales et après le carnage qu’ils ont subi la semaine dernière, un scénario se dégage, comme le montre l’évolution de la courbe des taux à terme. Mais les remèdes traditionnels des banques centrales sont quasiment sans effet lorsqu’il s’agit de soigner une économie en proie à un arrêt fondamental de l’activité économique réelle. Nous envisageons ici trois scénarios quant à la tournure que peuvent prendre les événements dans le sillage de l’épidémie du coronavirus.
Après le carnage
Les marchés cherchent à se stabiliser après une semaine marquée par un « carnage » boursier quasiment sans précédent. Le choc a été tellement violent que les historiens boursiers ont analysé les données disponibles depuis presque un siècle pour essayer de trouver un moment où le marché a dévissé aussi brutalement après avoir atteint un nouveau sommet historique. Le principal coupable est le coronavirus : l’épidémie a frappé alors que le marché s’aventurait avec insouciance en zone dangereuse en terme de risque de crédit et de volatilité. Le marché des matières premières est celui qui nous en apprend le plus sur les conséquences de cette épidémie.
L’épidémie de coronavirus est loin d’être terminée
En l’état actuel des choses, pour que les marchés parviennent à se stabiliser, la clé immédiate sera de montrer clairement que la propagation du coronavirus a été endiguée. Nous en sommes encore loin. La Chine est peut-être en train de se redresser mais, en ce qui concerne les capitalisations boursières, les inquiétudes se concentrent surtout sur l’Europe et sur le marché affichant la plus grosse capitalisation boursière : les États-Unis. Il s’agit bien entendu d’un problème mondial.
3 scénarios envisagés
Nous présentons ci-dessous trois scénarios quant à la tournure que pourraient prendre les événements à partir de maintenant, du plus optimiste au plus pessimiste. Il est tout à fait possible qu’aucun de ces trois scénarios ne se produise. Il convient donc de préciser qu’il s’agit d’une esquisse des résultats potentiels, conçue pour susciter une réflexion sur la manière dont la situation pourrait évoluer, et non d’une prévision ! Etant donné que des épidémiologistes responsables et raisonnables ont déclaré que 40 % à 70 % de l’humanité pourrait contracter le coronavirus, il convient d’analyser ce que cela pourrait signifier réellement.
Quelle que soit l’évolution de la situation, nous serons confrontés à deux impératifs dans les semaines et mois à venir en raison de l’impact du coronavirus sur nos vies et nos portefeuilles : conserver un effet de levier soutenable et une liquidité suffisante en vue d’une éventuelle crise ou correction boursière, car c’est dans ce genre de situation que le marché offre les meilleures opportunités spéculatives.
La baisse des taux d’intérêt par la Fed et les autres banques centrales pourrait provoquer une volatilité importante, voire un « rallye haussier » avec risque de rechute (« sucker rally »). Nos scénarios ne tiennent pas compte de la phase de réaction face à cette situation. L’objectif est d’essayer d’identifier le point le plus bas du marché, de comprendre comment les actifs se comportent lorsque c’est le cas, et lors des phases de rebond qui s’ensuivent. Nous essaierons également de voir comment les investisseurs peuvent se protéger et déceler des opportunités lorsque le marché est dans une phase pessimiste et lorsque les intervenants de marché s’efforcent de réduire leur effet de levier.
Enfin, quelle que soit l’évolution des marchés à partir de maintenant, nous pensons que cette crise accélérera la tendance à la démondialisation. Ce risque était déjà présent lors de la mise en place des droits de douane par Donald Trump et lors de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui a abouti à la signature d’un accord fragile. Nous pourrions également assister à un conflit commercial entre les États-Unis et l’Europe, que Donald Trump soit réélu ou non. Mais le coronavirus a souligné le danger de l’étalement des chaînes d’approvisionnement dans un contexte de démondialisation et a mis en lumière la nécessité de créer des capacités supplémentaires ou de procéder à une intégration verticale au niveau des chaînes d’approvisionnement. Nous anticipons une évolution radicale des comportements des entreprises car les dirigeants d’entreprise vont désormais appréhender ces risques différemment. Ainsi, l’impact immédiat du coronavirus sera probablement déflationniste, mais les politiques de relance de grande ampleur et la démondialisation suggèrent que nous approchons du point bas séculaire des taux d’intérêt mondiaux.
Scénario n°1 : le meilleur scénario – une reprise en V différée
Notre scénario le plus optimiste repose sur l’hypothèse d’une récession technique mondiale et de nouvelles perturbations importantes au cours des deuxième et troisième trimestres. Pour autant, nous pouvons constater que les mises en quarantaine permettent de ralentir la propagation de l’épidémie, qui finira par être totalement vaincue. Parallèlement, les baisses des taux et les mesures de relance budgétaire de grande ampleur (et surtout les conditions accommodantes de financement) commencent à produire les résultats escomptés dans le système et alimentent l’espoir d’une reprise en V en fin d’année. L’annonce d’un vaccin contre le coronavirus, pourrait concourir à la réalisation de ce scénario et pourrait permettre à la production de tourner de nouveau à plein régime en l’espace de quelques mois. Nous n’avons aujourd’hui pas la possibilité de déterminer la probabilité de réalisation de ce scénario.
Comment investir en bourse si ce scénario se produit :
Volatilité longue (options de vente sur le S&P), tester les 2500, options de vente sur le taux de change USD/JPY (test sous la barre des 100), position courte sur les obligations (ETF JNK et HYG) mais objectifs de prise de bénéfices au T2.
Conserver une position longue (20 %) sur les métaux précieux.
Commencer à investir progressivement dans les matières premières procycliques et les valeurs minières et énergétiques aux deuxième et troisième trimestres.
Position longue sur les emprunts d’État refuge, mais réduire l’exposition car les rendements des bons du Trésor à 10 ans se rapprochent de zéro.
Réduire les positions longues risquées (position longue sur les options d’achat sur le S&P, etc.) lorsque le marché atteint de nouveaux points bas mais que la volatilité implicite diminue (divergence).
Passer d’une position longue à 50 % lorsque le marché dévisse fortement et que la confiance est au plus bas à une position longue uniquement dès lors que l’actualité sur le coronavirus se révèle plus réjouissante et que le marché rebondit.
Position courte sur le dollar américain au sein d’un panier de devises (vs. devises des marchés émergents ou devises des marchés développés) dès que la situation sur les marchés s’améliorera et que l’actualité deviendra plus réjouissante.
Scénario n° 2 : le scénario de base – une reprise en U
Le scénario de base repose sur l’idée que les mises en quarantaines, forcées ou volontaires, provoquent une récession telle que nous n’en avons plus connue depuis la crise économique mondiale de 2008. Malgré les mesures héroïques visant à relancer la croissance, l’activité économique réelle tarde à repartir car de nouveaux épisodes de contamination provoquent des perturbations et de nouvelles mesures de mise en quarantaine. Cela étant, lorsque le rebond prévu dans le cadre de ce scénario adviendra, le passage des craintes déflationnistes à l’espoir d’une issue inflationniste pourrait être plus marqué que dans le meilleur scénario. En effet, dans le cas du scénario de base, le secteur de l’énergie et les autres secteurs subissent une contraction importante de l’offre à cause d’un resserrement du crédit aux deuxième et troisième trimestres, de sorte que lorsqu’un rebond survient, la demande et le regain de liquidité poussent les prix à la hausse car l’offre peine à rattraper son retard.
Comment investir en bourse si ce scénario se produit :
Pour la phase de réduction de l’effet de levier :
Position longue sur les options de vente sur le Nasdaq 100 et le S&P 500 (scénario de base pour tester la moyenne mobile sur 200 semaines du S&P 500, aux alentours de 2650, et pareil pour le Nasdaq 100, aux alentours de 6531).
Position longue (20 %) sur les métaux précieux pour la duration => actifs refuge et protection contre l’inflation.
Position longue sur le JPY via options de vente sur la paire USD/JPY et position courte EM vs. JPY
Une fois la phase de réduction de levier arrivée à maturité :
Investir dans des marchés émergents sous-valorisés, une fois que les banques centrales auront rehaussé leurs taux d’intérêt pour protéger leurs monnaies
Investir dans des valeurs liées aux matières premières (minières et énergétiques) sous-valorisées
Position longue sur les valeurs du secteur de la consommation cyclique (rebond de la consommation induit par une reprise de la demande)
Renforcer l’allocation à l’argent (métal à double usage)
Rotation vers les actions sous-valorisées (« value ») dans une optique de long terme car ces dernières vont voir leurs cours rebondir à la faveur d’un rebond de l’inflation. Voir les publications de Peter Garnry et Eleanor Creagh pour plus d’informations sur les perspectives des marchés des matières premières et des marchés actions.
Renforcer la position courte sur le dollar américain comme panier de devises.
Scénario n° 3 : le pire scénario – une reprise en L
Le pire scénario serait celui où le PIB mondial s’effondre à un niveau que l’on n’avait plus vu depuis la Grande Dépression des années 1930, car la propagation mondiale du coronavirus alimente les craintes de contamination et empêche ainsi de lever les mises en quarantaine. Ce qui signifie que la poursuite des affaires ravive les craintes de contamination et de propagation du virus. Le « carnage » se poursuit car les mesures de relance budgétaire des banques centrales ne parviennent pas à atteindre les PME, qui, confrontées à un tarissement des lignes de financement, font faillite et cessent leurs activités. Cette tendance s’alimente d’elle-même et les suppressions d’emplois amplifient le ralentissement de l’activité économique. Les signes de reprise n’apparaitront pleinement qu’en 2021.
Comment investir en bourse si ce scénario se produit :
Pour la phase de réduction de l’effet de levier :
Conserver une position longue sur les obligations américaines car le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans tombe à -0,50 %
Position longue sur les options de vente à faible delta sur le marché (S&P 500 à moins de 2400, par exemple)
Position courte sur les obligations (JNK et HYG).
Position longue sur le JPY.
Conserver une position longue (20 %) sur les métaux précieux pour la duration
Une fois que la phase de réduction de l’effet de levier sera parvenue à maturité :
Dans un contexte de pessimisme généralisé, augmenter les positions longues sur les secteurs et instruments qui bénéficieront le plus des mesures extrêmes de relance, qui finiront peut-être par déclencher une reprise (des prix au moins, à défaut d’un rebond du PIB réel). En haut de liste figure la position courte sur le dollar américain face à des devises plus risquées comme les marchés émergents dans un premier temps, puis face à des actifs libellés en monnaie forte par la suite. Rappelons que l’un des plus importants rebonds du marché des actions a eu lieu en 1932-1933 après que Franklin Delano Roosevelt ait secoué le marché en dévaluant le dollar face à l’or.
Augmentation de l’allocation à l’argent (double usage comme métal industriel et métal précieux).
Prendre très progressivement des positions longues sur des devises sensibles aux matières premières (RUB, BRL, CLP par exemple), et sur des valeurs sensibles aux matières premières. Cela, seulement à partir du moment où l’offre se tarit plus rapidement que la demande, par exemple dans un contexte marqué par des cessations d’activité, sur des valeurs pétrolières et sur des valeurs du secteur de l’exploitation industrielle des métaux précieux. Pour plus d’informations, voir les publications de Peter Garnry et Eleanor Creagh sur les perspectives des marchés des matières premières et des marchés des actions.
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