Comme un parfum de scandale avec ces labels ISR, critères ESG, article 8 (SFDR), ces fonds labelisés investissant en Russie ou en Chine... Les épargnants, de braves pigeons ?
Il est étonnant de constater, que même après les premiers émois autour de l’affaire ORPEA, que nombre de fonds restent classés à des hauts niveaux ESG en investissant principalement en Russie ou en Chine. Comme respect des critères sociaux et environnementaux, l’on doit pouvoir trouver mieux, non ?
Le fonds en euros EURO+ proposé par Swiss Life a publié une performance annualisée de + 4.10 % en 2023, sans bonus de rendement ni autre artifice marketing. Accessible via le contrat d’assurance-vie monosupport Placement-direct EURO+. Sans frais sur les versements, seulement 0.60% de frais de gestion, ce contrat EURO+ peut être considéré comme étant un des meilleurs plans épargne sans risque. Le portefeuille obligataire du fonds EURO+ affichait un rendement actuariel de 5.56% à fin 2023 !.
Épargnant soucieux de donner du sens à votre épargne, vous constatez avec stupeur que votre argent peut servir encore au financement de produits chimiques utilisés durant les conflits armés, aux sociétés de vente d’armes ou encore d’entreprises implantées en Chine ou en Russie, ne respectant que, sur dossiers, des engagements sociaux et environnementaux. Au fait, un investissement socialement responsable chinois, cela engage à quoi exactement ? Et bien... Demandez donc à votre intermédiaire financier.
RSE, ESG, ISR...
RSE, ESG, ISR... Tout est bon pour faire souscrire des produits financiers. L’épargnant est avant tout sensible aux impacts de ses investissements. Et évidemment, entre deux produits relativement similaires, il sera tenté d’opter pour celui labelisé ISR ou affichant des critères ESG forts, ou encore affublé d’un "Article 8" selon la réglementation européenne. Toutefois, les récentes actualités ont confirmé, une fois de plus, que ces labels ne tiennent pas la route. Un manque de rigueur, de sélectivité, car la sélection est sans doute trop complexe. L’explosion du nombre de fonds ISR le montre bien. Quand tous les fonds seront labelisés ISR, pourra-t-on vraiment que nous sommes allés au maximum de nos efforts en matière de respect social responsable ? Le doute est certain.
Un flou qui ne date pas de 2022...
Dès le lancement de ces labels, il s’est produit comme un malaise. Comment sur de simples déclarations des sociétés peuvent obtenir une labélisation concernant leur impact social ou environnemental. Quid de leurs sous-traitants ? Qui va vérifier sur le terrain ? Concrètement, comment mesure-t-on les impacts ? Et c’est bien là que l’erreur de communication s’est produite. Les sociétés s’engagent à œuvrer dans le "bons sens", mais les résultats ne seront pas quantifiables. Aucun engagement sur des preuves tangibles, juste de la documentation administrative. Et cela va bien au-delà de ne plus avoir au charbon d’ici 2050, ou ce genre d’engagement pour le moins stupide. Pour preuve, le nucléaire banni 10 années de cela, revient aux yeux du monde, comme la solution écologique par excellence en seulement quelques mois. Tous les pays vont s’y mettre, même ceux qui étaient les plus farouchement opposés... Alors qu’une centrale nucléaire reste une gosse bouilloire permettant de faire passer de la vapeur d’eau dans une turbine, le principe n’a pas changé depuis les années 1960. Ceci pour indiquer qu’un Label ISR ou autre attribué pour 3 ans, ce n’est pas tenable. Le monde bouge rapidement.
Labélisation, les premiers couacs sont rapidement survenus
Cette banque française se targuant de ses fonds labelisés ESG, prenait la décision de délocalisation de son service informatique installé en région parisienne à Porto. Un gain financier à la clé, en dépit du tout respect social. Surprenant pour une entreprise souhaitant porter l’ESG a un haut niveau. Certes, mais cela n’a rien à voir. Ce sont les fonds de cette banque qui sont labelisés ESG, pas ce que la banque fait elle-même. La banque s’engage à investir sur des entreprises qui s’engagent à respecter certains critères ESG, voilà tout.
Des fonds labelisés ISR par l’Etat Français, investissant en Chine ou en Russie
Socialement responsable, vous êtes certain ? La pilule est évidement bien plus difficile à avaler maintenant. S’il est toujours facile de critiquer après coup, après cette invasion russe, il apparaît, tout de même, une fois de plus, que les bonnes questions ne sont posées qu’une fois que l’on est devant le mur. La Chine est un modèle de la gestion socialement responsable ? Pourquoi des fonds proposés aux épargnants investissant en Chine peuvent-ils être labelisés ISR ?
Ainsi, Vincent Auriac, Président d’Axylia (cabinet de conseil spécialisé dans la finance responsable depuis 2005) s’étonne, à juste titre que des fonds investissant en Chine ou en Russie puissent être labelisés ISR par l’Etat.
7 fonds labellisés ISR par l’Etat 🇫🇷investissent en Chine. 6 fonds dits article 8 de la réglementation 🇪🇺 SFDR investissent en Russie. Quelles certitudes ont pu réunir les gérants pour investir dans deux régimes autoritaires ? Les reportings n’évoquent pas le sujet🤔 pic.twitter.com/2ycAwZEBDd
L’affaire Orpea a montré une fois de plus que les notations ESG, pourtant censées refléter la performance environnementale, sociale et de gouvernance des entreprises, n’arrivent pas à communiquer une information fiable qui permette d’identifier d’éventuels problèmes dans ces domaines. Orpea, entreprise privée spécialisée dans la gestion d’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), se vantait dans son rapport RSE (responsabilité sociétale et environnementale) 2021 d’une belle progression dans les classements proposés par certaines agences, alors que le livre « Les Fossoyeurs » du journaliste d’investigation Victor Castanet, publié en 2022 après trois ans d’enquête de terrain, dévoile des problèmes structurels conduisant à des cas de maltraitance des personnes âgées.
Aux USA, le meilleur contre-exemple est Phillip Morris, avec d’excellentes notations ESG (parmi les meilleures !). Cette société est pour autant le fabricant de cigarettes des marques les plus consommées au monde. Aussi bien au niveau du respect de l’environnement que des individus, il est tout de même surprenant que le critère de la santé des personnes ne soient pas pris en compte.
BP était bien notée en termes de responsabilité sociale juste avant l’explosion de sa plate-forme pétrolière Deepwater Horizon en 2010, Volkswagen aussi avant que le scandale « Dieselgate » n’éclate en 2015, et en 2019, La Poste s’était vue décerner le meilleur score jamais attribué par l’agence de notation ESG Vigeo-Eiris, la même année où un reportage d’Envoyé Spécial dénonçait une vague de suicides.
Bref, la coupe est pleine. Du marketing pour se donner bonne conscience... Rien de plus.
La Société Générale, investie en Russie, ESG ? Tout va bien ?
Je vous mets çà là. Notation ESG de la Société Générale, publiée le 10 février lors de la présentation des résultats. En DLU et déjà collector.
Pour rappel Total de bilan : 1 464 milliards € Engagement en Russie : 2,7 milliards € Capitalisation boursière : 20 milliards € pic.twitter.com/LrOeh7pMC1
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