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Taux d’intérêt : Non, la zone euro n’est pas le Japon !

Christophe Morel, chef économiste de Groupama AM, livre son point de vue sur la situation actuelle en zone euro. Dans un contexte de taux d’intérêts à zéro, voire négatifs, et d’une inflation basse, le spectre d’une « japonisation » de l’économie européenne a resurgi avec force depuis le début de l’année. Si la zone euro présente en effet des similitudes avec le Japon des années 90, son potentiel actuel de croissance devrait lui éviter tout risque d’enlisement à conditions, toutefois, de progresser dans la gouvernance européenne.

© Groupama AM/FranceTransactions.com

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Depuis le début de l’année, le thème de la « japonisation » de l’économie européenne a fait un retour en force sur le devant de la scène médiatique. Il est vrai que le moment est particulièrement opportun alors que les taux d’intérêts de la zone euro ont atteint un nouveau point bas historique. Le contexte macro-économique sur le Vieux Continent, marqué par une croissance atone et une inflation désespérément faible, est également propice à la résurgence du spectre de la « japonisation ».

Force est de constater que la zone euro présente une trame commune avec la situation que vit le Japon depuis le début des années 90 : une crise financière et économique mondiale, un problème de dettes privées puis des dettes publiques et, enfin, une faible articulation entre politiques budgétaire et monétaire. Les marchés financiers, eux-mêmes, adressent très clairement ce message d’une « japonisation » avec, d’une part, des taux d’intérêts des pays « cœur » nuls, voire négatifs et, de l’autre, des marchés actions européens, à l’instar du marché actions japonais, qui n’ont pas eu récemment de tendance haussière. La faiblesse actuelle de l’inflation en Europe, malgré la reprise de la croissance économique, noircit encore un peu plus le tableau de la zone euro.

Un potentiel de croissance haussier en zone euro

Tous les ingrédients semblent donc, à première vue, réunis pour valider la thèse de la « japonisation » de l’économie européenne. Pourtant, il serait peut-être excessif, pour ne pas dire prématuré, de tomber dans un tel travers. Et pour cause : la zone euro n’est clairement pas le Japon ! De fait, à l’inverse du Japon où la croissance nominale du produit intérieur brut (PIB) est quasi-nulle depuis 30 ans, le PIB nominal en zone euro affiche une tendance haussière depuis quelques années. Cette tendance devrait d’ailleurs rester orientée à la hausse grâce, notamment, à la démographie du Vieux Continent.
Certes, comme bon nombre de pays développés, l’Europe fait face au défi du vieillissement de sa population et, in fine, au déclin de sa population active. L’ampleur du phénomène est toutefois sans commune mesure avec le Japon. De fait, la population active devrait arrêter de décliner en Europe en 2030 alors qu’elle diminue continuellement au Japon depuis le début des années 90 au point d’être un « puits sans fond ». En outre, contrairement au Japon qui affiche une tolérance quasi-nulle à l’immigration, l’Europe a démontré récemment sa capacité à s’attaquer au problème démographique par l’immigration, à l’image notamment de l’Allemagne. Cette politique migratoire en Europe, qui ne fut pas sans conséquences pour sa stabilité, permet en effet à la zone euro de conserver une population active dynamique.

Pas de scénario de déflation en Europe

Par ailleurs, le niveau d’endettement de la zone euro est loin d’être aussi affolant que celui du Japon. Les chiffres sont éloquents : la dette publique atteint 240% du PIB au Japon contre 85% en zone euro et la dette des entreprises est à 160% du PIB au Japon contre 105% en zone euro. Ainsi, ni la dynamique ni les niveaux d’endettements en zone euro ne peuvent aujourd’hui se comparer à la situation japonaise.

Qui plus est, le fonctionnement du marché du travail en Europe lui permet, à ce stade, de se prémunir contre tout risque déflationniste. De fait, la plus grande rigidité du marché du travail européen protège de la baisse des salaires nominaux, contrairement au Japon. Cette situation s’explique par le fait que le taux de couverture des négociations collectives et la protection des salariés sont plus élevés en Europe qu’au Japon. Ainsi, nous écartons aujourd’hui tout scénario de déflation pour la zone euro, contrairement à ce qu’a pu connaître le Japon au cours de ces dernières années.

Contexte de stagnation séculaire

Pour autant, la zone euro est loin d’être totalement sortie d’affaire. Elle continue, en effet, de présenter certaines caractéristiques d’un « processus de japonisation ». L’Europe reste fragilisée par le poids de ses dettes dans un contexte où les taux d’intérêt vont rester très bas pendant encore plusieurs années. Par ailleurs, si tout scénario de déflation est écarté à l’heure actuelle, la zone euro demeure confrontée, à l’instar de l’ensemble des pays développés, à un environnement de stagnation séculaire marqué par une croissance molle, un vieillissement de la population, une inflation basse, des anticipations d’inflation long terme menacées de « désancrage », un endettement élevé et, enfin, des politiques monétaires avec des marges de manœuvre réduites. L’Europe a donc tout à gagner à renforcer et à consolider son architecture institutionnelle pour aboutir à une meilleure articulation des politiques monétaires et budgétaire, et ce afin d’éviter tout enlisement dans la crise économique.

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