Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) : 150 propositions, si peu innovantes, sans fort impact réel
La Convention citoyenne pour le climat a demandé dimanche l’introduction de la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution et la création d’un crime d’écocide par référendum, renvoyant l’exécutif et le Parlement à leurs responsabilités pour l’application des autres mesures, certaines radicales, adoptées après neuf mois de travaux.
lundi 22 juin 2020, par Zurbains avec AFP
9 mois de travaux pour accoucher d’une proposition de référendum ? D’une avalanche de mesurettes ?
La Convention citoyenne pour le climat a commencé ses travaux le 4 octobre 2019. Elle est constituée de 150 Français, dont l’âge allait de 16 ans (l’assemblée comportait en effet quelques lycéens) à 80 ans, tous tirés au sort. Leur feuille de route était aussi simple dans l’énoncé que ardue dans la réflexion entreprise et les objectifs fixés : trouver les moyens de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre en France d’ici 2030, le tout sans perdre de vue la concorde et la justice sociale.
600 pages, 150 propositions
Visiblement faire du volume rassure. Le rapport fait pas moins de 600 pages (ne pas imprimer et ne pas calculer le CO2 numérique correspondant, svp). Les observateurs noteront tout de même l’absence de propositions réellement innovantes, ou contraignantes pour les populations. Hors, il est certain que pour espérer avoir une influence sur le changement climatique il est nécessaire d’adopter des contraintes fortes, avec de forts changements comportementaux et de modes de consommations. Aucune mesure ne va dans ce sens. Toutes sous forme de compromis, des mesurettes, dont les impacts seront à la marge.
La presse reprend largement les propositions :
- Référendum : la proposition d’un référendum pour inscription dans la Constitution du climat,
- Droit français : la reconnaissance dans le droit français du crime d’écocide, désignant une atteinte grave à l’environnement,
- Taxes des grandes entreprises : taxation à hauteur de 4% des entreprises distribuant annuellement plus de dix millions d’euros de dividendes à ses actionnaires,
- Pesticides : réduction de moitié de l’emploi de pesticides d’ici 2030, une taxation plus forte des engrais azotés,
- OGM : interdiction des semences OGM.
- 110km/h sur autoroute : certaines des propositions devraient polariser l’opinion publique comme la réduction de la vitesse sur l’autoroute de 130 à 110km/h, qui a sans surprise déclenché l’ire des associations d’automobilistes, faisant écho à la grogne déjà déclenchée par les 80 km/h sur nationale.
- Moins de voiture individuelle : Avec notamment une "amélioration du forfait mobilité durable". La CCC propose aussi de renforcer le bonus-malus écologique sur les véhicules, d’aider la location longue durée et développer les prêts à taux zéro pour l’achat de véhicules propres, d’interdire dès 2025 de la vente de véhicules neufs très émetteurs (+110 gr CO2/km) et les centre-villes aux véhicules les plus polluants.
- La Pub mise à l’index : Parmi les autres mesures figure un encadrement fort de la publicité, avec interdiction des panneaux dans l’espace public extérieur et de la pub pour des produits à fort bilan carbone - comme les gros véhicules type SUV. A
- Interdiction d’éclairage la nuit : La liste comprend aussi l’interdiction des terrasses chauffées ou de l’éclairage des magasins la nuit.
La montagne qui accouche d’une souris
Pour Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit de l’environnement, ce rapport de 600 pages est loin d’être à la hauteur : "Qu’il s’agisse de l’énergie, des déchets ou de la fiscalité, il n’y a aucune innovation majeure, il y a même de grands oublis. Idem pour le nucléaire, c’est fabuleux de réussir à produire un rapport sans du tout parler du nucléaire. Il faudra s’interroger sur le lobbying de certains à l’occasion de cette Convention citoyenne. Donc oui, la montagne malheureusement accouche d’une souris."
29 juin, debrief avec Emmanuel Macron
Le chef de l’Etat, qui recevra les 150 citoyens de la Convention le 29 juin, avait décidé d’organiser cet exercice de démocratie participative inédit en France après la crise des "gilets jaunes", déclenchée par l’annonce d’une taxe carbone sur les carburants. Il avait indiqué dans la semaine envisager un référendum à questions multiples sur certaines de leurs propositions, hypothèse relayée par plusieurs membres de la majorité ou du gouvernement.
Réactions politiques
Le député ex-LREM Matthieu Orphelin s’est félicité de "l’ambition" et de "la cohérence" de ce travail, lançant dans un communiqué : "Aux responsables politiques, maintenant, de faire leur part du travail en le concrétisant". Greenpeace a salué une "première étape vers un nécessaire changement radical de nos sociétés", avertissant qu’une "réponse purement symbolique aux travaux de la Convention serait un désastre démocratique". Patrick Martin, président délégué du Medef, la principale organisation patronale, a salué un travail "sérieux", mais déploré l’absence de chiffrage des propositions, qu’il a jugé pour certaines "extrêmes". Les membres de la CCC ont de leur côté annoncé la création d’une association, "Les 150", pour assurer le suivi de leurs propositions.