Emploi : la grande démission en France, une vague d’opportunités, sur fond de hausse de salaires, qui n’a rien d’un tsunami
Les salariés ont la main. Avec les difficultés actuelles de recrutement, les entreprises revoient les salaires à la hausse. Ces opportunités de changer d’emploi dynamise le marché de l’emploi, endormi après deux années de crise sanitaire.
vendredi 19 août 2022, par Denis Lapalus
Contrairement aux informations relayées par quelques médias à grande audience, toujours prêts à faire passer des simples faits pour des phénomènes extraordinaires, l’augmentation du nombre de démissions en France, depuis le début de l’année 2022, est certes remarquable, mais n’a rien d’historique. Le phénomène du "Big Quit", ressenti aux USA, la grande démission en français, n’a également rien d’historique. Il s’agit essentiellement du cumul de deux faits : la recherche de meilleures conditions de vie/travail, la recherche d’une rémunération plus élevée. Les hausses de salaire en France étant restées trop faibles. Aux USA, c’est la hausse des salaires qui a provoqué une vague d’opportunités, dont notamment une vague de débauchage entre entreprises.
Un taux de démission élevé mais pas inédit
Ainsi la DARES remet les pendules à l’heure. Afin de tenir compte des fluctuations de l’emploi, le nombre de démissions peut être rapporté à celui des salariés. Le taux de démission ainsi obtenu atteint 2,7 % en France au 1er trimestre 2022. Il est au plus haut depuis la crise financière de 2008-2009, mais reste en deçà des niveaux qu’il avait atteint juste avant, début 2008 (2,9 %). Sur les seules entreprises de 50 salariés ou plus, le taux de démission est actuellement parmi les plus élevés depuis 1993 : avec 2,1 %, il est toutefois inférieur à celui observé au début des années 2000 (2,3 % au 1er trimestre 2001).
Nombre élevé de démissions
Le nombre de démissions a atteint un haut niveau depuis le début d’année, avec près de 520.000 démissions par trimestre, dont 470.000 démissions de CDI. Le record précédent datait du 1er trimestre 2008, avec 510 000 démissions dont 400 000 pour les seuls CDI. Le risque d’une « grande démission » est désormais évoqué en France, faisant référence à une expression décrivant la situation du marché du travail américain courant 2021 : suite aux premières vagues de la crise du Covid, le nombre de travailleurs quittant volontairement leur poste a nettement augmenté aux États-Unis, que ce soit pour changer de travail, chercher un autre emploi ou se retirer de la population active.
Difficultés de recrutement, des débauchages plutôt que de réelles démissions...
Le niveau élevé des démissions est à relativiser, au vu des tensions actuelles sur le marché du travail. Les difficultés de recrutement sont à des niveaux inégalés dans l’industrie manufacturière et les services, et au plus haut depuis 2008 dans le bâtiment. Cette situation créée des opportunités pour les salariés déjà en poste et est susceptible en retour de conduire à des démissions plus nombreuses. Le débauchage de la main-d’œuvre entre entreprises, dans un contexte de forte demande de travail et d’offre limitée est courant. Cette interprétation est notamment confirmée par les trajectoires des démissionnaires, qui correspondent le plus souvent à un changement d’employeur sur un même type de poste (à qualifications égales) et dans le même secteur. En France, selon les premières analyses de la Dares à partir de la déclaration sociale nominative, les retours à l’emploi des démissionnaires semblent rapides malgré le niveau élevé des démissions : environ 8 démissionnaires de CDI sur 10 au second semestre 2021 sont en emploi dans les 6 mois qui suivent et cette proportion est stable par rapport à l’avant-crise sanitaire.