Inflation : ces hausses de prix dont la raison nous échappe, des profiteurs de crise ?
Des hausses de prix pour le moins suspectes, c’est le coup de gueule de Michel Edouard Leclerc sur les antennes de BFMBusiness ce jeudi 30 juin.
vendredi 1er juillet 2022, par Denis Lapalus
La guerre en Ukraine a parfois bon dos...
Toutes les hausses de prix ne sont pas liées à la guerre qui se déroule à l’Est de l’Europe. Toutes les pénuries non plus. Les amalgames sont légion. La moutarde de Dijon en est le meilleur exemple (sécheresse au Canada...). De même, l’envolée des prix des locations de vacances en France de 7% n’a rien à voir avec l’Ukraine. Des secousses post-covid... Et du côté alimentaire, les distributeurs ont du mal à connaître les vraies raisons des hausses de prix.
Hausse du prix du cacao, liée aussi à l’Ukraine ?
"Quand vous avez des fabricants de produits à base de chocolat cacao qui vous invoquent l’Ukraine pour une augmentation de 15% de tarifs sur de la confiserie, sur des barres chocolatées, je parle de Nestlé, je parle de Mars, il faut quand même pas déconner ! On est sur l’autre continent pour le chocolat et le cacao !", s’est indigné Michel-Edouard Leclerc sur BFMTv. Pourtant les cours du cacao ont bien enflé en début d’année. Et ce n’est pas lié à la guerre en Ukraine. En décembre dernier, les deux plus gros producteurs mondiaux que sont le Ghana et la Côte d’Ivoire ont suspendu leurs livraisons pour s’assurer un prix de vente plancher de 2600 dollars la tonne afin de mieux rémunérer leurs agriculteurs. Les cours ont flambé de près de 20% jusqu’en février avant de se tasser depuis quelques semaines.
Des hausses de prix suspectes
Si certains industriels réalisent des marges copieuses, les hausses de coûts sont réelles et ne sont pas toutes liées à la guerre en Ukraine. Explications. "La moitié des hausses [de prix] demandées ne sont pas transparentes, elles sont suspectes. J’aimerais bien que les députés […] ouvrent une commission d’enquête sur les origines de l’inflation, sur ce qu’il se passe sur le front des prix." : lance Michel-Edouard Leclerc sur BFMTV.
En pleine négociation de prix avec les industriels le distributeur a pris les Français à témoin en jetant le discrédit sur ses fournisseurs. Si les prix augmentent, ce n’est pas de son fait, c’est parce que les industriels profitent de la hausse des coûts de production pour gonfler leurs marges. Et le patron des centres Leclerc d’étayer cette affirmation en pointant les marges conséquentes de ses fournisseurs ainsi que des entreprises de la logistique.
"Quand vous voyez que tous les fournisseurs arrivent avec des factures de transport en augmentation de 15, 20, 30%, et notamment les prix des conteneurs qui ont augmenté de 30%, et qu’en même temps, vous voyez que les sociétés de transport sortent des bénéfices par milliard l’année dernière, on voit bien que ce n’est pas l’indisponibilité des conteneurs qui a fait que ce qui est rare est cher", estime-t-il.
Depuis la fin de la pandémie, les armateurs réalisent en effet des profits colossaux. Les bénéfices du Français CMA CGM, numéro 3 mondial du secteur ont atteint des sommets historiques au premier trimestre avec 7,2 milliards de dollars engrangés. A tel point que le géant vient de promettre qu’il allait baisser ses tarifs "pour soutenir le pouvoir d’achat des Français".
Il n’empêche que si les prix des conteneurs ont explosé en trois ans (x 7,5 en trois ans) c’est bien à cause d’une pénurie mondiale largement documentée et qui ne devrait pas se résorber avant l’année prochaine.
Les marques de distributeurs flambent
C’est aussi le cas pour la plupart des matières premières qui entrent dans la fabrication des produits de consommation : emballages, papier, pétrole, produits agricoles, intrants... Bouleversées par la crise sanitaire, les chaînes logistiques n’ont toujours pas retrouvé leur efficacité d’avant crise alors que la demande est elle repartie.
En juin, selon NielsenIQ, la hausse moyenne des prix était de 4,4% dans les grandes surfaces françaises. Dont +8% pour les marques premiers prix et +5,8% pour les marques de distributeurs. Les marques nationales n’ont elles augmenté que de 3,69% en moyenne. Ce qui est logique, le poids des matières premières est plus important dans ces marques Leclerc, Carrefour et autres Casino.