Bouclier tarifaire contre la hausse des prix de l’énergie : un vaste enfumage ?
La mise en place d’un bouclier tarifaire contre les hausses des prix de l’énergie a été annoncée le jeudi 30 septembre 2021, de novembre 2021 jusqu’en mai 2022. Ce bouclier n’annule pas la hausse prévue de +12.6% du prix du gaz réglementé au 1er octobre 2021.
vendredi 1er octobre 2021, par Denis Lapalus
Il n’aura fallu que quelques heures aux associations de consommateurs pour réagir vigoureusement à l’annonce effectuée par le Premier Ministre, concernant la mise en place de ce bouclier tarifaire sur les prix du Gaz et de l’électricité. Et pour cause, personne n’est dupe... Cette mesure fait suite à l’annonce d’un record de hausse du prix du gaz, de +12.6% au 1er octobre 2021. Le gouvernement avait déjà proposé une prime de 100 euros aux bénéficiaires du chèque énergie, mais cela ne suffisait évidemment pas. La question du pouvoir d’achat est primordiale durant la période de campagne présidentielle.
Bouclier tarifaire pré-électorale
Sans surprise, les associations de consommateurs, à l’instar de UFC-Que Choisir montent au créneau après l’annonce par Jean Castex de la mise en place d’un pseudo bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie. L’annonce d’une hausse de +12.6% du prix du gaz règlementé avait jeté de l’huile sur le feu. Le fameux pouvoir d’achat, si cher aux Français, pourtant peu attentif à l’inflation pour leur épargne, était mal en point. Le gouvernement, ç quelques mois de l’élection présidentielle, a donc décidé de geler les futures hausses de prix du Gaz. Mais ce prix actuel est déjà très élevé. L’expression de "bouclier tarifaire" utilisée par le Premier Ministre lors de cette annonce de gel des tarifs fait réagir vivement les consommateurs. Ce bouclier ne protège pas, mais possède juste un effet retardant.
Bouclier tarifaire, juste un effet retardant
"C’est simplement un gèle, donc on paiera ces hausses plus tard. C’est surtout un gèle pour les augmentations des mois à venir. Ça ne revient pas sur les grandes hausses qu’il y a eu ces derniers mois. Ça, seul un geste sur la TVA permettrait d’amortir quelque peu les hausses qu’on a eu ces derniers temps", explique François Carlier, membre de l’association Consommation, Logement, Cadre de vie (CVLC) .
Gel du prix du Gaz jusqu’à élection présidentielle
L’annonce d’un gel des prix du tarif réglementé de vente de gaz (TRVG) ne constitue en rien une mesure protectrice du pouvoir d’achat des consommateurs. En effet, si d’ici le printemps prochain les tarifs du TRGV resteront figés au haut niveau actuel, le « lissage » des prix évoqué par le Premier ministre imposera en réalité aux consommateurs de payer par la suite, à une période sans risque électoral, ce qui ne l’aura pas été d’ici-là. Autrement dit, au global les consommateurs ne tireront aucun bénéfice d’un gel des tarifs, ils paieront la note. Le gel des tarifs, le bien mal nommé « bouclier tarifaire », ne trompe personne. Il correspond en réalité à un gel du pouvoir d’achat, dont on ne comprend pas comment le gouvernement pourrait sérieusement se vanter.
Tarifs de l’électricité
Alors que sur la base d’hypothèses prudentes l’UFC-Que Choisir avait établi [1] que le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) augmenterait de 10 % début 2022 si rien n’était fait, l’explosion des prix de l’électricité sur le marché international ces derniers jours (3) aurait pu en réalité aboutir à une hausse de 15 % des factures sans action du gouvernement. Dès lors, l’engagement du Premier ministre de plafonner la hausse du TRVE à 4 % via la modulation de la Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (la TICFE, qui aujourd’hui représente 13 % de la facture) constitue à l’évidence un moindre mal.
Cela étant, outre le fait de montrer par l’exemple que l’utilisation de l’arme fiscale aurait parfaitement pu être prise pour faire baisser le prix du gaz [2], cette mesure, dont rien ne garantit qu’elle soit pérennisée, ne permet pas de mettre un coup d’arrêt à la spirale inflationniste des prix de l’électricité qui ont augmenté de 50 % au cours des 10 dernières années [3], alors que cet objectif aurait parfaitement pu être réalisé en cas de modification de la régulation française du secteur.
En ne modifiant pas le plafond de l’ARENH comme le demande l’UFC-Que Choisir depuis plus de deux ans et comme le permet la loi, le gouvernement acte son choix de ne pas faire pleinement bénéficier les consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire, dont ils ont pourtant financé le déploiement, pour permettre à EDF de vendre chèrement son électricité sur les marchés internationaux. Compte tenu des prix actuels sur ces marchés et le prix de l’ARENH [4], censé refléter les coûts de production du nucléaire, c’est une potentielle plus-value de l’ordre de 4 milliards d’euros que réalise EDF, sur le dos des consommateurs !
Les ersatz de solutions avancées par le gouvernement montrant son aveuglement quant aux problématiques énergétiques rencontrées par les consommateurs, l’UFC-Que Choisir demande aux parlementaires de voter dans le cadre de la loi de finances 2022 :
- La baisse de la TVA sur la consommation de gaz et d’électricité a minima jusqu’à un retour à la normale des prix du gaz et de l’électricité sur les marchés internationaux ;
- La fin de l’aberration fiscale que constitue l’application de la TVA sur les taxes énergétiques qui permet à l’État de ponctionner les consommateurs à hauteur de 4,6 milliards d’euros par an.
(source : UFC-Que Choisir)