Réchauffement climatique : du choix des essences d’arbres de nos forêts pour optimiser la capture de CO2
Comment choisir la composition des forêts pour améliorer leur capacité à fixer le carbone ? Une étude de l’INRAE apporte des précisions.
dimanche 6 mars 2022, par Zurbains
Les forêts : les poumons de la terre
Les forêts sont des écosystèmes cruciaux dans la lutte contre le changement climatique grâce à leur capacité à stocker du carbone dans leur biomasse végétale mais aussi dans les sols. Mais comment augmenter le stockage de carbone dans les sols forestiers ? Une étude INRAE a analysé les données de 136 sites expérimentaux à travers le monde représentant un total de 454 forêts pour identifier les types de forêts qui séquestrent le mieux du carbone dans les sols. Leurs résultats, publiés le 1er mars dans Nature Communications, montrent que les gestionnaires forestiers peuvent jouer sur plusieurs facteurs pour accentuer le rôle de « puits de carbone » des forêts. Avoir une biomasse d’arbres importante et favoriser des mélanges d’espèces, mais surtout choisir des espèces d’arbres adaptées au climat local et à la composition des sols, plus ou moins fertiles, seraient les principales clés de réussite.
Stockage du CO2 dans le sol
Les forêts jouent un rôle central dans la régulation des grands cycles planétaires et de son climat. Elles piègent d’énormes quantités de CO2, ce qui compense en partie les émissions d’origine humaine de ce gaz à effet de serre et en atténue les effets délétères sur le climat. Un des enjeux de la lutte contre le changement climatique est d’être capable de renforcer l’effet de « puits de carbone » des forêts. Toutefois, si la capacité des forêts à stocker du carbone dans la biomasse des végétaux, et notamment des arbres, est relativement bien connue, il n’en est pas de même pour les sols forestiers. En effet, lorsque les arbres perdent leur feuillage, et renouvellent leurs racines les plus fines, ils apportent au sol des débris riches en carbone dont une partie va s’accumuler sous la forme de matières organiques. Les forêts, en particulier sous climats tempérés ou boréaux, stockant plus de carbone dans leur sol que dans les arbres, il apparait urgent d’identifier les facteurs favorisant ce stockage.
C’est pourquoi INRAE a lancé une étude [1] pour identifier les caractéristiques des forêts qui optimiseraient la séquestration de carbone dans les sols [2]. Pour cela les chercheurs ont compilé et analysé les résultats de 114 publications scientifiques sur la quantité de carbone dans les sols de 454 forêts chacune composée d’espèces d’arbres différentes (178 espèces étudiées en tout) et représentatives de différentes régions du monde.
Le rôle central du choix des espèces en fonction du climat et du sol local
Les résultats de l’analyse montrent qu’il est important d’avoir une quantité importante de biomasse d’arbres dans les forêts. En effet, des forêts qui en sont bien pourvues produisent beaucoup de débris (feuilles, aiguilles et racines mortes) qui viennent alimenter le stock du carbone du sol. Les forêts composées d’un mélange de deux espèces peuvent ainsi stocker plus de carbone que les forêts à une seule espèce, à condition qu’elles poussent plus vite que ces dernières.
Mais c’est les caractéristiques de l’espèce d’arbre dominante dans la forêt qui contrôle le plus la capacité des forêts à stocker du carbone dans les sols avec des différences selon le climat et le sol de la région où se situent les forêts. Ainsi, sous des climats favorables à la croissance des végétaux (tropicaux, subtropicaux ou tempérés-chauds par exemple) et sur des sols fertiles, les espèces formant un type particulier de symbiose avec des champignons [3], comme les érables, les frênes, les cyprès ou les sequoias, vont favoriser la formation de matières organiques stables dans les sols et qui seraient plus résistantes aux perturbations environnementales telles que les incendies. A l’inverse, sous des climats défavorables (tempérés-froids, montagnards ou boréaux) et des sols moins fertiles, les espèces présentant une grande rusticité (comme les pins et sapins) permettent d’augmenter l’accumulation de carbone dans le sol.
Si des questions restent à approfondir sur les mécanismes favorisant le stockage du carbone dans les sols forestiers, cette étude permet déjà de suggérer des recommandations pour les sylviculteurs. Ainsi, favoriser une biomasse importante d’arbres, par une gestion extensive ou un mélange d’espèces, est une pratique qui peut être encouragée à condition de bien évaluer les risques environnementaux auxquels la forêt est exposée (incendies, sécheresse…). Mais il apparait surtout important de bien choisir les espèces d’arbres en favorisant les espèces écologiquement adaptées au climat et au sol de la région où ils sont implantés.