Organisation des JO 2024 : plus de 580 millions d’euros de masse salariale, ces salaires plus élevés que dans le privé
La grille des salaires du comité d’organisation des JO 2024 est pour le moins époustouflante, les salaires sont plus élevés que dans le privé.
mercredi 27 mars 2024, par Denis Lapalus
La grille des salaires du comité d’organisation des JO 2024 est pour le moins époustouflante : 13 directeurs sont rétribués à hauteur de 153 000 euros brut annuels, huit directeurs exécutifs sont payés plus de 200 000 euros, le salaire du directeur général est de 260 000 euros par an. Mais ce n’est pas tout, des hausses de salaires totalement irrationnelles sont également pratiquées...
JO 2024 : de l’OR pour les Français à la tête du comité d’organisation
L’émission "Complément d’enquête", sera diffusée jeudi 28 mars 2024 sur France 2. Ce documentaire s’est intéressé au coût des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, en particulier aux rémunérations des dirigeants du comité d’organisation. Vous trouvez que le prix des places pour assister aux JO 2024 était trop élevé ? Vous allez comprendre pourquoi. La masse salariale du comité d’organisation est digne de celle d’une multinationale !
584,8 millions d’euros de masse salariale
584,8 millions d’euros de masse salariale : cette somme concerne l’intégralité des salaires versés depuis 2017, de la trentaine d’employés des débuts aux 4 000 feuilles de paye qui seront éditées au moment des JO, explique Michaël Aloïsio, le porte-parole du comité d’organisation. "Lorsque vous organisez les Jeux olympiques, vous avez besoin des meilleurs experts au monde, et donc il n’est pas anormal que notre principal poste de dépense soit sur cette expertise !". "On a dû aller chercher les meilleurs talents, parfois en les débauchant, et c’est le comité des rémunérations, dont c’est l’objet, qui a défini les bonnes grilles de salaires."
Une masse salariale non maîtrisée
Michaël Aloïsio, porte-parole du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques à "Complément d’enquête". Si elle paraît assumée par le comité d’organisation, cette masse salariale est tout de même supérieure de 115 millions d’euros à la somme annoncée dans le dossier de candidature, soit un excès de 24.73 % ! La France n’est pas réputée pour savoir tenir un budget, encore un exemple supplémentaire. Par ailleurs, "Complément d’enquête" a exhumé un autre document qui met quelque peu à mal l’idée de salariés qui seraient payés au juste prix. Il s’agit d’un pré-rapport de la Cour des comptes daté de mars 2021, qui a servi de base de travail à l’institution. Celle-ci y évoque des niveaux de salaire plus élevés en moyenne au Cojop que dans le secteur privé.
Des salaires plus élevés que dans le privé
Dans un tableau récapitulant notamment la grille salariale des dirigeants du comité d’organisation, on découvre ainsi que 13 directeurs sont rétribués à hauteur de 153 000 euros brut annuels, que huit directeurs exécutifs sont payés plus de 200 000 euros, et que le salaire du directeur général est de 260 000 euros par an. Toujours selon la Cour des comptes, le coût total des cinq rémunérations les plus élevées s’élève à 2,2 millions d’euros par an, parts variables et primes de "fidélité" comprises.
Des augmentations conséquentes
"La Cour des comptes considère clairement qu’il y a beaucoup trop de gens payés beaucoup trop cher au sein du comité d’organisation", analyse l’économiste Wladimir Andreff. "D’ailleurs, si ce comité suit les recommandations de la Cour des comptes, on peut s’attendre à un peu d’austérité salariale, et donc à quelques grincements de dents à l’intérieur du Cojop, ajoute-t-il. Car pour cette dernière année, ils sont censés devoir baisser leurs prétentions."
Cette cure d’austérité n’est pourtant pas à l’ordre du jour, selon Claudia Rouaux, députée socialiste d’Ille-et-Vilaine, et membre du comité de rémunération de Paris 2024 depuis septembre. L’élue socialiste se dit très en colère après avoir constaté des augmentations salariales, encore en cours au sein du Cojop, malgré les alertes de la Cour des comptes. Documents confidentiels à l’appui, elle détaille en exclusivité à "Complément d’enquête" ces augmentations qui "concernent une dizaine de cadres dirigeants", validées lors de la dernière réunion du comité au mois de novembre.
Des hausses de salaires totalement indécentes
Claudia Rouaux, députée et membre du comité de rémunération de Paris 2024 : "Pour la majorité, c’est entre 7 et 10%, ce qui est déjà conséquent, explique-t-elle. Mais certains d’entre eux, font carrément des bonds de 15 000 euros sur un an... D’autres se voient augmenter de 32 000 euros supplémentaires... Il y a même une directrice de la communication qui voit son salaire passer de 150 à 195 000 euros annuels ! Vous vous rendez compte ? Pour moi, c’est irréel. Nous sommes à quelques mois des Jeux, on a l’impression qu’ils se lâchent complètement, alors qu’à l’inverse, c’est la période où l’on devrait faire preuve de plus de prudence budgétaire."
Quand l’équité homme/femme a bon dos
Questionné sur cette augmentation de 45 000 euros annuels pour sa directrice de la communication, le comité d’organisation assume : "Sur ce point précis, nous avions un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : celui de l’égalité salariale. Notre comité des rémunérations nous avait alertés sur certains profils féminins qui n’étaient pas à la hauteur des meilleurs salaires. Cette situation a donc été corrigée avec la promotion de cette directrice en tant que directrice exécutive. Et le montant du salaire associé à cette fonction (195 000 euros par an) est à la hauteur des responsabilités sur ce type de poste."
Le cas particulier du président Tony Estanguet
Parmi toutes les rémunérations, une en particulier suscite l’intérêt du Parquet national financier, celle du visage des Jeux : Tony Estanguet. La justice a ouvert en début d’année une enquête sur les conditions de rémunération du président du Cojop et se penche actuellement sur le montage mis en place pour payer l’ancien champion olympique de canoë, qui facture ses services en tant que travailleur indépendant via une société créée pour l’occasion. Sur ce point, le Cojop explique que l’ex-céiste, parce qu’il est président d’une association, ne pouvait pas avoir le statut de salarié. Dans un rapport de 2021, l’Agence française anticorruption évoquait à ce sujet un "montage atypique". Le montant des factures est plutôt conséquent, comme a pu le vérifier "Complément d’enquête" à partir de données internes au comité de rémunération. En 2022, Tony Estanguet a par exemple perçu 239 328 euros net, auxquels s’ajoute une part variable de 47 387 euros, soit un total de 286 715 euros net. En outre, si Tony Estanguet reste en poste jusqu’à la fin des JO, il aura droit à une sorte de prime dite "de fidélité", qui équivaudra à 10% de la totalité de ses revenus. Selon nos calculs, il aura donc touché en moyenne autour de 300 000 euros net par an pendant sept ans.
JO 2024 : le prix des places plus élevé que pour d’autres Jeux
Tickets pour la cérémonie d’ouverture pouvant atteindre 2 700 euros, et entre 170 et 999 euros pour certaines sessions d’athlétisme… Lors de la mise en vente, le prix des billets pour assister aux Jeux a été très critiqué. "Un certain nombre de places ont un prix élevé. Cela permet que la grande majorité des places soit accessible au plus grand nombre", justifie le ministère des Sports, qui ajoute que "ces prix sont dans la lignée des précédents Jeux". Sur les 10 millions de places mises en vente, 10% étaient proposées à 24 euros et 5 millions à 50 euros et moins. Pour les Jeux paralympiques, le premier prix est de 15 euros. En comparant avec d’anciennes éditions, on constate que les prix sont légèrement plus élevés pour les Jeux parisiens. Lors de ceux de Tokyo de 2020, le prix minimum était de 19 euros, et pour la cérémonie d’ouverture, les prix étaient compris entre 92 et 2 296 euros. Quant à ceux de Londres, en 2012, il fallait compter au minimum 23,5 euros pour assister à une épreuve.
Le budget des JO 2024 sera dépassé
"On sera dans les temps et les budgets !", se félicite le ministère dans son "bingo des idées reçues". L’enveloppe consacrée à l’événement a toutefois été revue à la hausse. D’environ 6,8 milliards d’euros estimés dans le dossier de candidature déposé en 2017, le budget des Jeux devrait finalement atteindre 11,8 milliards d’euros, selon les estimations du cabinet de conseil Asterès. FranceInfo a effectué une vérification, et le budget des JO 2024 devrait pourtant bien être dépassé. Dans un rapport publié en juillet 2023, la Cour des comptes retraçait les différentes augmentations survenues depuis la présentation du budget en 2018. Fin 2022, l’addition avait ainsi augmenté de 10%, notamment à cause de l’inflation. Mais les Sages estimaient tout de même que les deux tiers de l’augmentation du budget adoptée fin 2022 résultaient "d’une sous-estimation évidente du budget de candidature et d’une méconnaissance peu compréhensible de la complexité du cahier des charges du CIO". Reste que les Jeux de Paris devraient être moins onéreux que les autres événements similaires. S’il reconnaît que "comparer le coût d’organisation des différentes éditions des Jeux olympiques est un exercice complexe et imprécis", le cabinet Asterès juge que la facture finale devrait être "nettement" inférieure à celle "de la plupart des éditions passées". "Les Jeux de Paris devraient être les troisièmes les moins chers depuis 1988, après Atlanta et Sydney", écrit le cabinet de conseil.