Bulle financière, crise immobilière : pourquoi le coût du risque des banques françaises n’augmente-t-il pas ?

Les banques ont publié leurs résultats pour le premier semestre, leur coût du risque reste très bas, contrairement aux autres banques européennes, notamment allemandes, italiennes ou encore espagnoles. Pour quelles raisons ?

mercredi 2 août 2023, par Denis Lapalus

Créances douteuses : le bal des casseroles va bientôt débuter

Plusieurs grandes banques européennes, dont Deutsche Bank et Lloyds Banking Group, ont mis en garde fin juillet 2023 contre un risque accru de créances douteuses dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale et d’inflation élevée. Les incertitudes liées à la conjoncture et les tensions sur le crédit ont conduit les autorités de régulation financière et les investisseurs à surveiller de près la manière dont les banques opèrent. Les dernières publications trimestrielles du secteur en Europe ont témoigné notamment de difficultés dans la banque d’investissement avec le ralentissement des transactions, tandis que la hausse des taux d’intérêt a été bénéfique pour les banques commerciales.

Hausse du risque de crédit

Lloyds a comptabilisé une charge en hausse de 76% à 662 millions de livres sur ses prêts potentiellement défaillants et a raté le consensus sur le bénéfice au premier semestre dans un contexte de ralentissement de l’économie britannique. Selon les analystes de JPMorgan cette charge, conjuguée à la baisse des volumes de prêts vont entraîner une révision à la baisse des perspectives de la banque pour l’ensemble de l’année.

Risque fort en Allemagne et en zone euro

La Banque centrale européenne (BCE) a également indiqué cette semaine que la demande de crédit par les entreprises auprès des banques de la zone euro était tombée à son plus bas niveau historique au deuxième trimestre et qu’une nouvelle baisse était probable au cours de l’été, les banques continuant à restreindre l’accès au crédit. La BaFin, l’autorité allemande de régulation financière, a demandé aux banques d’accroître le montant de leurs provisions pour créances douteuses.

Deutsche Bank

Deutsche Bank a déclaré mercredi que ses provisions pour créances douteuses avaient presque doublé au deuxième trimestre sur un an, à 401 millions d’euros. Deutsche Bank s’attend désormais à ce que les provisions pour les créances douteuses se situent dans le "haut de la fourchette" des prévisions initiales.

Santander

La banque espagnole Santander, elle, a pointé du doigt la faiblesse du marché brésilien, où son bénéfice net a chuté de 52% en rythme annuel au cours du trimestre, en raison notamment d’une hausse des coûts sur fond d’inflation élevée et d’une baisse de 4,3% des revenus nets d’intérêts. Le directeur financier de Santander a souligné que les créances douteuses au Brésil avaient peut-être déjà atteint leur pic.

Stress tests : les banques françaises dernières de la classe

Les banques françaises ont passé avec succès les stress tests lancés par l’ABE. Toutefois, les banques françaises se sont classées parmi les plus faibles de la zone euro à l’issu de ces tests. La Banque Postale ressort même comme étant la plus faible de toutes.

Pas de hausse du coût du risque en France ?

La publication des résultats des banques françaises est l’occasion de connaître leur coût du risque. Surprise. Les banques françaises sont à des niveaux très bas. La Banque Postale est même au niveau de 11 points de base, alors BNP Paribas affiche 31 points base. Le Crédit Agricole, premier producteur de crédits immobiliers en France en volume, affiche sereinement un coût du risque de seulement 26 points de base. Les banques françaises sont-elles devenues folles ? Minimisent-elles les risques ?

À priori, non. Ce serait encore une exception française. À l’instar de notre livret A (sic). Les Français ne font jamais comme les autres. Les banques sont exposés à deux typologies de risques clients, les entreprises et les particuliers. Concernant les particuliers, les risques émanent majoritairement des crédits immobiliers octroyés. Une récession pourrait fragiliser les finances des emprunteurs, la valorisation de leur bien immobilier pourrait chuter, les rendant ainsi insolvables. La capital restant dû devenant supérieur à la valeur de marché du bien financé. Les risques seraient faibles. En effet, le marché du crédit immobilier en France est essentiellement orienté sur des taux fixes, réduisant ainsi le risque de défaut de remboursements. Les emprunteurs restent exposés aux conditions économiques, à l’inflation, à la baisse de la valeur de leur bien immobilier financé, mais ne sont pas exposés aux variations de taux d’intérêt. Ce n’est pas le cas en Angleterre, en Italie ou encore en Espagne où les crédits immobiliers sont majoritairement à taux variables.

Du côté des entreprises, les banques françaises sont encore plus vigilantes. Le taux de défaut de remboursement n’augmente pas sensiblement en 2023. L’économie française semble apparaître comme robuste, pas de récession à l’horizon, du moins pour le moment. Le cas échant, avec l’arrivée de nuages attendus pour la rentrée, les banques pourront modifier leur couverture de risques ce trimestre à venir.

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