Les banques centrales attendues au tournant, une forte remontée des taux est inéluctable

Si la FED a compris son erreur et va tenter d’y remédier plus rapidement que prévu, la BCE persiste dans ses doutes. Emmanuel Auboyneau, Gérant associé chez AMPLEGEST, nous délivre sa vision experte.

mercredi 4 mai 2022, par Denis Lapalus

Les banques centrales doivent presser le pas

Aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe, les Banques Centrales sont sur le point d’accélérer leur mouvement de normalisation. Pourtant, nous pensons que le pic inflationniste est proche d’être atteint. Le consensus table désormais sur la mise en œuvre de l’une des hausses à hauteur de 250 points de base pour les taux courts américains d’ici à la fin de l’année, ce qui implique une nette augmentation du rythme des relèvements. En Europe, la BCE qui ne devait pas agir avant 2023 pourrait désormais procéder à sa première hausse aux alentours de septembre 2022. Le contexte inflationniste justifie cet ajustement rapide, avec des rythmes de hausse des prix très supérieurs aux objectifs des Banques Centrales. L’institution monétaire chinoise qui avait déjà remonté ses taux, peut désormais se consacrer à la préservation de la croissance domestique, menacée à court terme par la résurgence de la pandémie.

Les derniers changements de taux directeurs

Variations récentes des taux directeurs des principales banques centrales
Variations récentes des taux directeurs des principales banques centralesAncien TauxNouveau taux Dates Variations en %
BANQUES CENTRALES BCE (ZONE EURO) TAUX DE REFINANCEMENT 3.650 %3.400 %23/10/2024
Baisse de -6,85%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE DEPOT AU JOUR LE JOUR 3.500 %3.250 %23/10/2024
Baisse de -7,14%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE PRET MARGINAL 3.900 %3.650 %23/10/2024
Baisse de -6,41%
BANQUE DES USA (FED) 5.250 %4.750 %18/09/2024
Baisse de -9,52%
BANQUE D ANGLETERRE (BOE) 5.250 %5.000 %01/08/2024
Baisse de -4,76%
BANQUE DU JAPON (BOJ) 0.000 %0.250 %31/07/2024 NS
BANQUE DE RUSSIE (CBR) 16.000 %18.000 %26/07/2024
Hausse de 12,50%
BANQUE DU CANADA 4.750 %4.500 %24/07/0224
Baisse de -5,26%
BANQUE DE CHINE (PBC) 3.450 %3.350 %22/07/2024
Baisse de -2,90%
BANQUE SUISSE (SNB) 1.500 %1.250 %22/07/2024
Baisse de -16,67%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE REFINANCEMENT 4.000 %3.750 %06/06/2024
Baisse de -6,25%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE DEPOT AU JOUR LE JOUR 3.500 %3.250 %06/06/2024
Baisse de -7,14%
BANQUE SUISSE (SNB) 1.750 %1.500 %22/03/2024
Baisse de -14,29%
BANQUE DU JAPON (BOJ) -0.100 %0.000 %18/03/2024
Hausse de -100,00%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE PRET MARGINAL 4.000 %4.250 %27/07/2023
Hausse de 6,25%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE DEPOT AU JOUR LE JOUR 3.250 %3.500 %27/07/2023
Hausse de 7,69%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE REFINANCEMENT 3.750 %4.000 %27/07/2023
Hausse de 6,67%
BANQUE DES USA (FED) 5.000 %5.250 %26/07/2023
Hausse de 5,00%
BANQUE D ANGLETERRE (BOE) 4.250 %5.000 %22/06/2023
Hausse de 17,65%
BCE (ZONE EURO) TAUX DE REFINANCEMENT 3.500 %3.750 %15/06/2023
Hausse de 7,14%

Deux incertitudes majeures

Les deux incertitudes liées à la durée de la guerre en Ukraine et à l’importance de la vague de Covid en Chine rendent l’analyse aléatoire à court terme. Dans les deux cas, une amélioration rapide aurait des effets désinflationnistes immédiats (via les matières premières pour l’Ukraine et le rétablissement de la chaîne d’approvisionnement pour la Chine). Un prolongement de ces deux aléas ne ferait qu’arrimer l’inflation à des hauts niveaux.

Inflation mondiale : le pic est proche

Pourtant, il semblerait qu’un pic soit proche pour l’inflation mondiale. Tout d’abord, on remarque une augmentation récente de la production de pétrole dans le monde (notamment aux Etats-Unis avec la réouverture de puits exploitant le pétrole de schiste). Dans le même temps la demande stagne voire décroit légèrement. Un éventuel boycott du pétrole russe pourrait contrer cette tendance mais on constate que le monde finit toujours par s’adapter aux évènements, fussent-ils une guerre. Une baisse ou même une stagnation du prix des matières premières, compte tenu des effets de base, provoquerait une décrue de la partie conjoncturelle de l’inflation. C’est une hypothèse crédible à l’horizon du second semestre 2022.

La partie plus structurelle de l’inflation liée aux salaires, aux loyers ou au sous-investissement des entreprises touche surtout les Etats-Unis, même si en Europe la perception de l’inflation par les ménages provoque davantage de revendications salariales. On constate toutefois un ralentissement de la progression du salaire horaire américain, qui reste autour de +6%. Les loyers américains sont tirés par la pénurie de logements, qui mettra du temps à se résorber. L’inflation structurelle aux Etats-Unis est bien installée mais ne devrait pas s’accélérer à court-terme.

Une croissance mondiale solide

L’activité économique, qui était jugée trop forte par les Banques Centrales, va ralentir sous l’effet conjugué des politiques monétaires et des évènements internationaux. Mais la croissance mondiale reste solide. La valeur du PIB américain au premier trimestre (-1,4%) ne doit pas être surinterprétée car largement dépendante d’un effet commerce extérieur (-3,2%) et stocks (-0,8%). Les composantes internes de l’activité sont toujours fortes : la consommation tient à des hauts niveaux, aidée par une épargne abondante et l’investissement des entreprises accélère pour faire face au déficit d’offre par rapport à la demande. En Europe la croissance est également en léger repli mais les dernières statistiques de la consommation, des commandes de biens d’équipement ainsi que du niveau d’emploi laissent augurer d’une activité toujours solide. Une aggravation ou une extension du conflit ukrainien serait en revanche un facteur de faiblesse de l’activité.

Baisse des actifs risqués

Le contexte de hausse des taux et les évènements internationaux ont provoqué une baisse de l’ensemble des actifs risqués : les obligations ont subi des replis significatifs en avril alors que les marchés actions ont poursuivi leur déclin. La période reste compliquée et nous incite à une certaine prudence à court terme. Pourtant, la publication des bénéfices pour le premier trimestre 2022 est globalement rassurante et nous conforte dans notre volonté de conserver à moyen terme nos positions sur de belles sociétés à forte visibilité. Ces périodes de volatilité sont propices à quelques mouvements opportunistes sur les portefeuilles risqués pour tenir compte des exagérations constatées, tout en restant focalisés sur les actifs de qualité.

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