Natixis va délocaliser de nouveau plus de 240 postes au Portugal (plan Magellan). Quid des critères ESG et ISR ?
Drôle de monde. Alors que les banques ne cessent de se targuer de labels ESG, ISR, et autres distinctions sociétales, les délocalisations de postes au Portugal passent visiblement hors des écrans radars. Quelqu’un peut-il expliquer en quoi ces banques peuvent se targuer de respecter les critères ESG en délocalisant des postes hors de France ?
lundi 25 janvier 2021, par Denis Lapalus
Natixis : plan Magellan, à la découverte du Portugal et de ses bas salaires
Rien d’une surprise. Comme plusieurs banques, Natixis cède plus largement aux sirènes des postes délocalisés au Portugal. Un non sens sociétale, mais un pur sens financier. Des économies importantes à la clé. Quinze années de cela, cette délocalisation aurait été effectuée en Inde, ou en Afrique du Nord. De quoi ravir les actionnaires donc, à court terme. Tout reste au sein de l’UE. Le plan Magellan avait été annoncé en 2020, lors de la publication des mauvais résultats financiers de la banque. Ce plan "Magellan" vise 350 millions d’économies d’ici 2024.
Magellan, cet explorateur portugais, naviguant sous couronne espagnole
Aucun licenciement sec. Les quelques 245 postes supprimés en France dans la première phase du plan Magellan sont occupés par des collaborateurs partant en retraite ou quittant le navire. Cela représente tout de même près de 2% de l’effectif de Natixis. En revanche, des postes seront créés au Portugal, où les banques françaises ont créé ex-nihilo, depuis quelques années, une base de ressources et d’infrastructures. Une véritable délocalisation en bonne et due forme. Juste pour bénéficier des salaires locaux moins élevés et des prix de l’immobilier attractifs. Le coût de la vie est moindre au Portugal qu’en France, de 23% selon l’indice Big Mac.
Les postes sont créés au Portugal évidemment avec des contrats locaux. Natixis amplifie donc son mouvement vers le Portugal, initié depuis 2016. BNP Paribas et le Crédit Agricole avaient montré la voie en délocalisant nombre de postes.
Détroit de Magellan, une route dangereuse
Et ces critères ESG, de bonnes gouvernances sociétales et humaines, dont se targuent ces banques ? Elles s’assoient ouvertement dessus. Mais elle n’oublient de compenser. Tout comme les industriels avec leur quota carbone, il suffit d’acheter la quantité de quota de CO2 pour apparaître comme un bon élément respectueux de l’environnement. De la finance verte ou plutôt de la finance sur un tapis vert ? En 2017, Natixis renforçait ses ambitions stratégiques en matière d’économie verte et soutenable et crée un « Hub Green & Sustainable » au sein de la Banque de Grande Clientèle. Constitué d’experts, ce hub opérationnel accompagne, à l’échelle mondiale, les clients émetteurs et investisseurs en leur offrant un continuum transversal de solutions et d’expertises en matière de finance verte et soutenable. Ce n’est qu’exemple. La fondation Natixis est mécène pour de nombreux projets à caractère humain, de bonnes actions effectuées dans le monde entier. Les collaborateurs de la banque votent même afin de choisir les projets à mener. Quel idéal sociétal ! Bref, l’on pourrait se croire dans une société ayant des vertus humaines. Mais dès lors qu’il s’agit de rentabilité, ces bonnes intentions sont cachées sous le tapis. Les critères financiers priment. Tout l’inverse des critères ESG, ISR et autres.
Critères ESG, ISR ?
Alors quand ces banques, Natixis, BNP Paribas, Crédit Agricole, etc. viendront vous proposer des fonds labelisés ISR ou ESG, mettant en avant les critères sociétaux ou environnementaux, vous devrez quand même vous demander si l’on ne vous prend pas pour un explorateur cherchant à vous convertir davantage aux ratios de rentabilité qu’aux bienfaits sociétaux de votre investissement.
Magellan a été tué d’une flèche empoisonnée aux Philippines alors qu’il était à la recherche d’une route encore plus rapide pour ramener des épices d’Asie. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existés ne peut être que fortuite.