Taux négatifs : votre banque va-t-elle commencer à ponctionner vos dépôts sur votre compte courant ?
Les banques subissent la politique monétaire ubuesque des banques centrales. Ces taux négatifs défient le bon sens. Avec une probable nouvelle baisse des taux directeurs, les banques françaises pourraient soit relever leurs frais bancaires, ou plus directement, soit ponctionner sur les dépôts de leurs clients les plus fortunés, au-delà des 100.000€. C’est ce qu’il se passe en Allemagne depuis 2014. Une répercussion fidèle de la politique monétaire de la BCE.
jeudi 1er août 2019, par Denis Lapalus, FranceTransactions.com (avec AFP)
Si la faiblesse actuelle des taux d’intérêts semble faire le bonheur des emprunteurs, les taux des crédits immobiliers n’ont jamais été aussi bas, elle fait le malheur des épargnants depuis de trop nombreux mois. Les taux négatifs, pratiqués par la BCE, pourraient même conduire à une situation redoutée par les usagers des banques : déposer des liquidités deviendrait payant.
Les banques doivent rétribuer la BCE pour le montant de leurs dépôts excédentaires (non utilisés dans le cadre d’affectation de crédits). Ce dépôt auprès de la BCE coûte aux banques 0.40% des montants versés. En France, les banques multiplient ainsi, parfois en prenant des risques financiers importants (cf alerte de l’ACPR sur les conditions d’octrois actuelles des crédits immobiliers), les affectations de crédits, afin de tenter de réduire leurs factures. Outre-Rhin, les banques ont adopté une autre attitude, plutôt que de prendre des risques sur le financement du marché de l’immobilier, en état de bulle, comme en France, elles répercutent directement ce coût sur les dépôts de leurs clients. Une action pour le moins peu commerciale, mais en vigueur depuis 2014. C’est même devenu au fil des mois un usage du marché...
Taux négatifs : les liquidités dormantes sur les comptes courant mises à contribution
Plus d’une centaine de banques et caisses d’épargne allemandes ont déclaré avoir répercuté les taux d’intérêt négatifs de la BCE sur les comptes à vue détenus par une partie de leurs clients, parmi 160 réponses obtenues lors d’une enquête réalisée par le comparateur en ligne Biallo pour le quotidien Süddeutsche Zeitung.
C’est la Deutsche Skatbank en 2014 qui avait lancé le mouvement, suivie dès 2016, par une petite banque coopérative bavaroise, la Raiffeisen Gmund. L’annonce de l’instauration de taux d’intérêt négatifs sur les dépôts de ses plus riches clients privés s’est propagée comme un feu de paille. Depuis, la quasi-totalité des établissement sondés par Biallo appliquent ce type de pénalité à leur clientèle d’entreprises et une trentaine d’instituts l’étendent à leurs clients privés fortunés, dont les dépôts atteignent au moins 100.000 euros.
Dans deux tiers des cas, le taux appliqué représente -0,40%, soit le même que celui frappant actuellement les encaisses excédentaires des banques déposées au guichet de la BCE. Une telle action devrait inciter les banques à davantage réorienter leurs liquidités dans l’économie, sous forme de prêts aux ménages et aux entreprises.
Des observateurs s’attendent désormais à ce que la BCE abaisse son taux de 20 points de base pour le porter à -0,60% d’ici la fin de l’année.
Écrêtage au-delà des 100.000€, -0.40% appliqué sur les liquidités
Il faut se rappeler que la garantie bancaire en Europe est de 100.000€ sur les dépôts. Depuis le 1er janvier 2016, la ponction des comptes bancaires est autorisée en France, au-delà de la garantie des 100.000€, mais uniquement en cas de dernier recours. Le principe de ce mécanisme, mis en place après la dernière crise financière, est donc d’ores et déjà appliqué outre-Rhin, tout comme en France. Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire.
Les banques françaises vont-elles sauter le pas ? Déjà fait pour les grands comptes
Alors qu’en France, le montant de l’argent dormant sur les comptes à vue des ménages ne cesse de progresser (475 milliards d’euros à fin mai 2019, selon les chiffres de la Banque de France), la question est de la mise en place d’une taxe sur les dépôts est légitime.
Certains banques françaises facturent d’ores et déjà leurs clients possédant "trop" de liquidités. Mais il s’agit de clients professionnels. Ainsi, le groupe Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE) taxe ses plus gros clients, tout comme le fait également Natixis. Mais Les banques françaises ne sont pas prêtes pour autant à annoncer cette mauvaise nouvelle à leurs clients particuliers. Dans tous les cas, avec la première baisse de taux annoncée par la Banque Centrale Américaine ce 31 juillet, depuis la dernière crise financière de 2008, il est probable que la BCE soit contrainte de suivre le mouvement. Les banques françaises pourraient alors revoir leur positions face à l’effondrement de leurs marges. A suivre.