Épargne : proposer comme alternative au livret A un placement à risque de perte en capital, même réduit, comme les SPCI , tient du défaut de conseil

Comparer le rendement du livret A à celui des SCPI constitue un biais trompeur, sanctionnable par les autorités de contrôle des conseillers en investissements financiers.

lundi 14 novembre 2022, par Denis Lapalus

Multiplication des plateformes d’épargne et des comparaisons biaisées

Les applications et plateformes de popularisation de l’épargne ne cesse de se multiplier et c’est bien ainsi, car épargner est nécessaire. Le pactole d’épargne constitué durant la crise sanitaire aiguise les appétits. La cible principale de ces apps conviviales vise évidemment les jeunes actifs. Toutefois, sous couvert d’apprendre à épargner, le but est évidemment de faire souscrire des placements financiers (le plus souvent, ce sont d’ailleurs les mêmes sur ces différentes plateformes, mais sous des noms commerciaux différents...). Ces apps sont publiées par des courtiers en placements financiers (assurance-vie), mais également par des CIF (Conseillers en Investissements Financiers) pour la distribution notamment de SCPI. Et, à force de vouloir gommer toute la complexité de l’épargne, ces plateformes prennent des raccourcis qui peuvent induire les néophytes en erreur. A noter, parmi les principaux écueils, des arguments biaisés. La principale cible étant le livret A.

Livret A : l’ennemi à abattre pour ces plateformes d’épargne

Sous couvert de rendement réel négatif, inflation déduite, du livret A, de nombreux acteurs du marché de l’épargne en ligne sont tentés d’inciter les épargnants à investir sur des placements à risque de perte en capital. Il s’agit ni plus, ni moins, d’un défaut de conseil. Un placement sans risque ne peut être comparé à un placement à risque, même réduit, à l’instar des SCPI.

Des comparaisons trompeuses...

Le livret A, avec son taux net d’impôt et net des prélèvements sociaux de 3,00 % induit actuellement une véritable distorsion de la concurrence sur le secteur de l’épargne. Cela agace au plus haut point les sociétés dont le métier est de distribuer des placements financiers, parmi lesquelles, certains distributeurs de SCPI, peu regardant sur la qualité des informations diffusées. Profitant de l’engouement des Français pour l’immobilier, ces sociétés n’hésitent pas à tenir des discours comparant le rendement du livret A à celui des SCPI. Réglementairement, ce type de comparaison est totalement interdit. D’un côté, le livret A est un placement sans risque dont le capital bénéficie d’une garantie de l’Etat. De l’autre côté, les SCPI sont des placements à risque de perte en capital ne bénéficiant d’aucune garantie, ni sur le rendement, ni sur le capital. Comparer les rendements de deux placements n’ayant pas les mêmes garanties financières n’a aucun sens financier et constitue un biais qui peut être sanctionné par les autorités de contrôle.

SCPI : placements à risques faibles ?

Certes, les SCPI sont classés comme étant des actifs relativement peu risqués, le SRI moyen des SCPI est de 3 sur 7. Toutefois, le capital investi en parts de SCPI n’est pas disponible de suite, comme tout placement en immobilier. Actif illiquide par essence.

Des communications trompeuses...

Un épargnant m’a adressé un courriel reçu de la part d’un conseiller en investissement financier en me questionnant sur l’écart de rendement entre les SCPI (7% cité dans le texte) et le livret A. Le contenu du courriel est copié ci-dessous (en italique) avec mes notes :

L’investissement immobilier est un rempart contre l’inflation pour 3 raisons :

  1. Le montant des loyers est légalement indexé sur l’inflation : quand il y a inflation, les loyers perçus augmentent ! [C’est faux ! Le plafonnement de la hausse des loyers de 2022 montre bien, que même pour les biens immobiliers d’entreprises, les loyers n’augmentent pas de l’inflation. Pour l’immobilier résidentiel, la situation est pire. Le plafond des loyers, mis en place dans de plus en plus de communes, empêche totalement les hausses de loyers de suivre l’inflation.]
  2. Certaines SCPI distribuaient plus de 6 % en 2021 (Néo : 6,49 %, IROKO ZEN : 7,10 %). En guise de comparaison, le Livret A rapporte aujourd’hui 2 %. [Cette comparaison des rendements n’a aucun sens : pas le même niveau de garantie du capital, pas la même fiscalité (les revenus des SCPI sont imposées à hauteur de 47.2% !). L’on aurait pu écrire, et cela aurait été également faux : En guise de comparaison, l’obligation Predilife sur 5 ans sert un rendement de 7% par an... Et donc ?]
  3. Les rendements immobiliers sont stables d’une année sur l’autre. Rien à voir avec l’investissement Boursier (-19 % pour le CAC40 depuis le début de l’année). Sans même parler des cryptomonnaies [Faux : les rendements immobiliers ne sont pas stables, ils varient chaque année, cf. rendements moyens des SCPI, après une longue période de baisse depuis de nombreuses années, mais en revanche, il est vrai qu’ils sont moins volatiles que les marchés financiers.]

Une communication commerciale trompeuse

Pour résumer, ce type de communication ne respecte pas la réglementation, la société relayant cette information peut à ce titre être sanctionnée par son autorité de contrôle et/ou son association professionnelle dont elle dépend. La DGCCRF peut être également saisie pour communication trompeuse induisant le consommateur en erreur par un organisme dument agréée par une autorité de contrôle. Les épargnants ayant subis des pertes financières suite à une souscription de parts de SCPI pourront demander réparation du préjudice subi pour défaut de conseil.

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