Apprentissage en France : un succès éclatant, coutant une fortune et d’une efficacité toute relative, selon la Cour des Comptes
C’était le souhait rêvé de nos gouvernants : suivre le modèle allemand pour l’apprentissage. Deux ans après, c’est fait ! Mais la France s’est pris les pieds dans le tapis, les primes à l’apprentissage favorisent ces jeunes diplômés de l’enseignement supérieur qui n’auraient eu aucun souci pour dénicher un emploi.
jeudi 23 juin 2022, par Denis Lapalus
8000 euros de prime pour un jeune qui n’aurait aucun souci à trouver un emploi ?
La Cour des comptes a vivement critiqué mercredi 22 juin 2022 la réforme « non financée » de l’apprentissage de 2018, dont le succès quantitatif « indéniable » s’est fait au prix d’un « doublement » du coût tout en bénéficiant peu aux jeunes ayant le plus de difficultés à s’insérer dans l’emploi.
Apprentissage : un essor fulgurant
Grâce notamment à ces primes, l’apprentissage a connu un essor, avec 731.000 contrats signés en 2021, soit une hausse de 37% après déjà 42% en 2020. Le gouvernement s’est fixé l’objectif de porter ce chiffre à un million de contrats signés. "Pour atteindre un million, il faut prolonger les aides à l’apprentissage", avait insisté le ministre. M. Dussopt.
Aides financières
- 5 000 € pour un alternant de moins de 18 ans,
- 8 000 € pour un alternant majeur (jusqu’à 29 ans révolus) pour la 1ère année de chaque contrat d’apprentissage conclu entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2022 préparant à un diplôme jusqu’au master (bac + 5 – niveau 7 du Répertoire national des certifications professionnelles - RNCP).
L’alternance, une impasse financière
« L’alternance connaît une impasse financière », souligne la Cour dans un rapport dédié et un référé aux ministres de l’Économie et du Travail sur la « situation financière préoccupante » de France compétences, l’organisme qui gère les dispositifs d’alternance et de formation professionnelle. Prévu à 3,2 milliards en 2021 – malgré une subvention exceptionnelle de 2,75 milliards – le déficit de France compétences, qui finance notamment les centres de formation d’apprentis (CFA) à partir de la contribution des entreprises, pourrait grimper à 5,9 milliards cette année, ce qui nécessitera un nouveau coup de pouce financier. En cause, la réforme du financement conjuguée à l’explosion des entrées de jeunes en apprentissage qui a quasiment doublé en deux ans pour atteindre le niveau record de 730 000 en 2021 et permis une hausse du taux d’emploi des jeunes. « Le développement des effectifs d’apprentis, objectif affiché de la réforme, n’a pas été anticipé, pas plus que la croissance du coût unitaire par apprenti », déplore la Cour.
Depuis 2020, le financement des CFA repose, non plus sur des subventions régionales complétant les versements des entreprises, mais sur un financement au contrat (5 000 € pour un CAP maçon par exemple) dans une logique de guichet ouvert. Ce changement a fait augmenter le coût moyen par apprenti « d’au moins 17 % », selon la Cour, qui recommande une diminution des niveaux de prise en charge, à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration de France compétences le 30 juin.
Des apprentis majoritairement diplômés de l’enseignement supérieur
La hausse des effectifs a été surtout portée par les apprentis du supérieur qui sont devenus majoritaires depuis 2020. Or, à partir de la licence, « la plus-value sur l’insertion professionnelle est faible », selon la Cour même si cela « contribue à démocratiser, professionnaliser et financer l’enseignement supérieur ». Autre bémol, la multiplication des formations s’est faite davantage dans des secteurs tertiaires que dans les secteurs en tension comme l’industrie ou le BTP.
Si le nombre d’apprentis dans le secondaire augmente peu, « c’est en raison du profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de la classe de troisième, peu mobiles, probablement hésitants à entrer dans une formation plus exigeante », estime la Cour pour qui l’apprentissage « reste mal connu et moins considéré » par les professeurs de collège. La Cour des Comptes appelle à « sécuriser les parcours en favorisant les passerelles entre voie scolaire et apprentissage » et à renforcer l’accompagnement des jeunes pour limiter le taux de rupture des contrats.