BlockChain, FinTech & Intelligence Artificielle : des fantasmes tendances frôlant la supercherie

Difficile de passer à côté de ces termes, fintech, IA, blockchain...Tous les secteurs de la grande consommation jouent avec ces termes pour tenter de doper leurs ventes : des voitures intelligentes, de la domotique intelligente, etc. Le secteur des marchés financiers n’est pas en reste : des robo-advisors intelligents capables de doper vos rendements, ou pas. A se demander si nous sommes encore vraiment intelligents pour avoir besoin de s’entourer d’autant d’intelligence artificielle... Mais en réalité, beaucoup de marketing, pour bien peu de réelle intelligence. Une fois les vapeurs dissipées du marketing entourant les FinTech, l’IA et le BlockChain, que restera-t-il ? La réalité verra de nouveau le jour. Si toutes ces nouvelles tendances seront bien utilisées dans l’industrie financière de demain, leur place estimée devrait se réduire à une portion congrue. Un retour à la réalité s’impose.

dimanche 11 novembre 2018, par Denis Lapalus

Intelligence artificielle, un QI de 2 ?

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Rencontrez un expert en Intelligence Artificielle, il vous confirmera que les attentes du public envers l’IA sont totalement dé-corrélées de l’état de l’art du domaine. Cela relève du fantasme. Deux experts français en IA de Google ont témoigné lors du salon Patrimonia en septembre 2018, pendant la conférence "Mégatendances et disruption". L’IA sera certes une aide précieuse mais, en aucun cas, sans découverte majeure, un outil de remplacement. L’IA est sans commune mesure avec l’intelligence humaine, incapable de créer réellement, ni de s’adapter à des cas non prévus, et encore moins de raisonner.

 Une utilisation trompeuse des possibilités de l’IA

La traditionnelle confusion des genres est légion, mais nous avons franchi un sommet. L’intelligence artificielle n’a rien de réellement liée à l’intelligence humaine, mais pour le commun des mortels, la confusion est généralisée. Ces systèmes intelligents ne font preuve d’aucune initiative, d’aucun sentiment, et n’ont aucune capacité d’adaptation à des cas non connus. Si le programmeur n’a pas prévu le cas, le système "intelligent" est plus qu’idiot et se retrouve coincé. Bien loin des fantasmes de Mme Michue se voyant remplacer par un robot intelligent, la vérité est ailleurs.

 IA, pour donner un sens à ce qui n’en a pas

Les applications IA sur le domaine financier sont restreintes à des reconnaissances de formes graphiques, de tendances, etc. Rien de bien intelligent. Il suffit de programmer les "patterns" à reconnaître, mais l’avantage est de donner un sens aux choses qui n’en ont pas. Ainsi, le chartisme, bien connu des traders, permet de donner des raisons rationnelles à des variations de prix des actifs, qui n’en ont pas forcément.

Blockchain, informatique distribuée des années 80, en pire, car masquée

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La blockchain n’est la révolution décrite dans les médias. Si son utilisation permet de servir quelques cas pratiques, le soufflet autour de la blockchain devrait retomber assez rapidement. Exit le sulfureux bitcoin, lié historiquement avec cette notion de blockchain. Ce qui passionne la foule est bien cette technologie BlockChain de partage des données entre tous, et non pas cette crypto-monnaie, ni celle-ci ni les 2.300 autres répertoriées... Mais hélas, la blockchain n’a pas que des avantages. Environnement distribué par excellence, dans lequel l’information n’est détenue que par brides par chacun, gage de sa préservation, la forte représentation des Russes et des Chinois sur les noeuds de la blockchain est à ce jour proche des deux-tiers. Difficile de faire moins représentatif de la planète. La Chine étant le pays le plus peuplé au monde. Est-il est logique que la plus partie de l’information soit détenue en majorité par les Chinois ? Pas certain.

Par ailleurs, les introductions en ICO (monnaie virtuelle), via la BlockChain sont à 80% des arnaques. La blockchain est à ce jour effectivement l’instrument préféré des escrocs en tout genre. Du coup, les applications fiables liées à la Blockchain se réalisent sur des réseaux privés, donc rien à voir avec l’idée initiale.

Les robo-advisors, une nouvelle technologie datant d’une trentaine d’années

Les FinTech et leurs robo-advisors touchent du doigt ce qu’est le marketing de nos jours. Faire rêver les clients avec des systèmes innovants. Mais l’innovation dans les allocations d’actifs datent déjà d’une vingtaine d’années. Ce qui change est effectivement leur application sur des instruments financiers simples à gérer par ces programmes pour le moins basiques, avec les ETF. Bref, encore une fois, beaucoup de vent, mais bien peu d’air nouveau.

  • Robo-advisors, la grande distribution de l’allocation d’actifs

Un robot, pour la cuisine rapide, c’est bien d’en avoir un, mais à l’instar des grands chefs, rien ne vaut le tour de main. Pour les finances, c’est pareil. En utiliser un, c’est bien pour les investissements rapides, mais pour les investissements de qualité, rien ne vaut un gestionnaire ou un conseiller avisé. Aucun système automatisé ne sera capable de fournir une analyse plus pertinente qu’un expert humain.

Un programme informatique qui effectue une allocation d’actifs en fonction de la volatilité des supports, des espoirs de gains et de pertes acceptées par l’investisseur, son profil de risque. Bref, une feuille de calculs de votre tableur préféré, que tout un chacun devrait utiliser pour ses placements fera aussi bien l’affaire. Une vapeur de haute technologie serait derrière tout cela. Des algorithmes qui sont utilisées dans la finance depuis plus de 20 ans, dépeint par les médias aujourd’hui comme une révolution fintech. Mais peu importe, ça marche.

Les épargnants, les plus jeunes, ou les plus naïfs, sont séduits. Il suffirait de confier son capital à une feuille de tableau automatisée pour développer sa fortune personnelle. Où est l’intelligence ? Comment anticiper les risques géo-politiques ? Comment anticiper que le marché de l’immobilier va se retourner en 2019 ? En constatant des écarts sur la volatilité historique des actifs ? Arrêtons juste une minute de nous prendre pour des canards sauvages, nous sommes des oies, le plus souvent, prêtes à nous faire plumer.

Pourquoi tant de fantasmes ? A qui la faute ?

Les médias ? Oui, en partie. Cette propension à s’enflammer pour la moindre nouveauté qui n’en est pas une. Ainsi, des chaines de radio mettent en avant la longueur d’émission des startups qui n’ont le plus souvent rien inventées, mais juste transposée en ligne des idées existantes depuis bien longtemps. Étonnante pauvreté de la créativité. Ce besoin de s’entourer de nouveaux termes, de nouvelles notions, révèle la perte de repères actuelle. Des marchés financiers irrationnels, des politiques monétaires ubuesques, des élus politiques de plus en plus improbables... Le cerveau humain a besoin de se raccrocher à des notions tangibles pour donner un sens à ce qui n’en a pas. Ces nouvelles notions sur-exploitées au niveau marketing en font sans doute partie.

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