Déficit de la France, le pays au pied du mur de la dette pour la Cour des Comptes
Sans surprise, la Cour des Comptes lance une nième alerte sur la gestion des dépenses publiques. La situation serait désormais sérieuse.
mardi 12 mars 2024, par Denis Lapalus
C’est bien au pied du mur que l’on voit mieux le mur...
Toujours la même rengaine ?
Les rapports de la Cour des Comptes se suivent, mais ne se ressemblent pas toujours. Le dernier opus publié ce 12 mars 2024 tranche par son niveau d’alarme. Le pays ferait fausse route sur ses anticipations de recettes à venir. La situation serait "préoccupante", voire "sérieuse". L’institution s’inquiète de prévisions qui s’appuient sur un scénario initial "improbable" pour 2024 et une trajectoire "peu ambitieuse et fragile" sur le déficit public.
Dette de la France
Dette la France au 31 décembre 2023
Dette de la France | Dette totale au 31 décembre 2023 | Variation vs Trimestre précédent |
---|---|---|
Montant total (en milliards d’euros) | 3101.20 M€ | |
Montant en % du PIB (%) | 110.60 % | |
(Source des chiffres de base INSEE, données calculées FranceTransactions.com) |
Répartition de la dette de la France au 31 décembre 2023
Secteurs | Montant en milliards € | Part de la dette du secteur en % de la dette totale |
---|---|---|
État | 2587.20 M€ | 83,43 % |
Organismes divers d’administration centrale | 73.70 M€ | 2,38 % |
Administrations publiques locales | 250.40 M€ | 8,07 % |
Administrations de sécurité sociale | 263.70 M€ | 8,50 % |
TOTAL | 3101.20 M€ | 100% |
Coût annuel de la dette de la France
Montant total (en milliards d’euros) | 3101.20 Milliards d’€ |
Taux moyen d’emprunt de la dette de la France (en %) | 3.10 % |
TOTAL COÛT ANNUEL DE LA DETTE (*) | 96,14 Milliards d’€ |
((*) Estimation FranceTransactions.com basée sur le montant total de la dette publiée par l’INSEE et le taux moyen historique des emprunts français). |
Des estimations trop optimistes
"Nous sommes au pied du mur. Nous ne pouvons plus différer cet effort, nous l’avons trop fait. Il ne s’agit pas de l’austérité, parce qu’on peut et on doit le faire intelligemment, sans couper la croissance et sans abimer la cohésion sociale ", a déclaré Pierre Moscovici, premier président de la Cour des Comptes, sur France Culture mardi matin. "Le respect de l’objectif de déficit" public à 4,4% du PIB pour 2024 "n’est pas acquis", a averti Pierre Moscovici, même avec les récentes coupes de dix milliards d’euros dans le budget de l’État, prises en compte dans ce rapport qui donne une photographie à fin février 2024. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire les avait annoncées mi-février, en même temps qu’il avait abaissé la prévision de croissance française pour 2024 à 1%, contre 1,4% lorsque le budget avait été bâti - un scénario "improbable" dès le départ, estime la Cour. Ces annulations de crédits étaient "impératives" mais risquent de ne pas être "suffisantes pour maintenir la trajectoire du déficit", a estimé Pierre Moscovici.
La trajectoire présentée par le gouvernement dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023 à 2027 "conjugue trois faiblesses", estime la Cour : "Un scénario macroéconomique trop optimiste dès 2024" , un "retour tardif" du déficit public sous les 3% du PIB , en 2027, et "des efforts de maîtrise des dépenses inédits mais non documentés et renvoyés à la période 2025-2027".
295,8 milliards d’euros
Combler le trou en faisant un autre trou. En 2024, l’Etat français devra lever pas moins de 295.8 milliards d’euros de nouvelle dette sur les marchés financiers. En 2024, le besoin prévisionnel de financement de l’État atteindra 295,8 milliards d’euros, du fait principalement d’un déficit budgétaire de 144,4 milliards d’euros et de 156,4 milliards d’euros d’amortissement de dette à moyen et long terme venant à échéance en 2024. Ce besoin sera couvert essentiellement par les émissions à moyen et long terme (OAT) nettes de rachats pour 285,0 milliards d’euros et par 3,8 milliards d’euros de variation de l’encours des titres de court terme.
Coût de la dette estimée à 52,2 milliards d’euros en 2024
Cependant, l’Etat compte couvrir ses besoins de financement en se passant des disponibilités du Trésor. "La trésorerie excédentaire qui avait été accumulée en 2020 ayant été utilisée au cours des exercices 2022 et 2023, nous n’avons plus l’intention de mettre à contribution cette ligne", a commenté Cyril Rousseau, directeur général de l’AFT.
Taux d’intérêt moyen d’emprunt de la dette de la France
Années | Taux moyen d’emprunt | |
---|---|---|
2023 | 3.15 % | |
2022 | 1.04 % | |
2021 | -0.28 % | |
Source Agence France Trésor (AFT) |
Des économies impossibles à faire ?
Selon la Cour des comptes, ces économies seront "d’autant plus difficiles" à réaliser que "la hausse des charges d’intérêts et de nombreuses lois de programmation sectorielle (Défense, Justice, Intérieur, Recherche) orientent déjà la dépense publique à la hausse", outre les futures dépenses sur la transition écologique. La Cour des comptes estime ainsi que les finances publiques "resteront en 2024 parmi les plus dégradées de la zone euro" , risquant d’exposer la France "à des discussions difficiles avec la Commission et ses partenaires européens", y compris dans le cadre des nouvelles règles en cours de discussion. Avec une dette publique prévue à 109,7% du PIB en 2024 et 108,1% en 2027, "on est solidement installé sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro" , regrette Pierre Moscovici. Les deux autres pays sur ce podium fin 2023 sont la Grèce et l’Italie, selon Eurostat.