Finance durable : un engouement certain, une offre pléthorique, mais une vision de plus en plus brouillée

Si l’engouement des investisseurs pour la finance durable est indéniable, la multiplication des fonds dédiés à cette thématique et des labels ESG ou Green ressemblent plus à des effets d’aubaines, un souhait de surfer sur la tendance, que d’une réelle volonté de clarification. Dans une étude publiée récemment par Novethic, intitulée Panorama des labels européens de finance durable, le constat est sans appel, une clarification s’impose.

vendredi 5 juin 2020, par Denis Lapalus

Alors que de plus en plus d’établissements financiers, à l’instar de Natixis ou encore de la MACIF, annoncent vouloir réduire, voire supprimer à terme, leurs investissements dans les entreprises liées à l’exploitation du charbon, la finance durable fait des émules. Les épargnants sont demandeurs de tels engagements. Savent-ils pour autant que l’exploitation des alternatives durables sont désormais davantage rentables ? Entre le green washing, cette volonté des entreprises financières de se verdir, et la réalité des investissements durables, le marketing joue son rôle à fond. Sur ce, se sont créés de multiples labels, afin de certifier les engagements durables et d’orienter les épargnants. Mais là encore, trop c’est trop, et cela frise le ridicule. Entre labels tendance ESG et les autres labels plus orientés Vert, la vision est brouillée... Ne peut-on avoir l’un et l’autre ?

935 fonds labellisés Finance Durable

Près de 1.000 fonds finance durable, selon 9 labels différents. De quoi s’y perdre, ou plutôt sans doute de quoi douter du bien fondé de ces labels. Pour aider les investisseurs à se repérer, une dizaine de labels européens ont été créés ces quinze dernières années. Avec 935 fonds labellisés et plus de 326 milliards d’euros d’encours à la fin du premier trimestre, le marché a fait un nouveau bond en 2020. Le label ISR français et le standard belge Towards Sustainability, dernier arrivé dans le paysage des labels européens de finance durable, constituent toujours le duo de tête, chacun dépassant les 300 fonds labellisés et les 100 milliards d’euros d’encours. A la fin du premier trimestre, le label ISR occupe la première place en nombre de fonds (395 contre 355) mais il est devancé par Towards Sustainability en volume d’encours (141 milliards contre 168 milliards d’euros).

Nombre de fonds labellisés par label © Novethic

9 labels Finance Durable

À l’heure où l’Union européenne prépare une nouvelle étape de sa stratégie de finance durable, les labels adaptent leurs référentiels pour pouvoir continuer à jouer leur rôle.

Liste des labels européens de la finance durable © Novethic

Une offre variée aux promesses confuses

Le spectre couvert par les labels est large mais on peut les séparer en deux familles :

  1. ceux qui s’intéressent principalement aux pratiques d’intégration de critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans la gestion d’actifs
  2. ceux qui sont axés sur les fonds thématiques environnementaux.

Certains labels émanent de places financières, d’autres d’associations professionnelles dédiées à la finance durable ou d’organisations spécialistes de la labellisation environnementale de tous types de produits. La France est le seul pays où le gouvernement a créé et porte deux labels publics : le label ISR pour les fonds se réclamant de l’investissement socialement responsable (ISR), acronyme toujours utilisé en France, et le label Greenfin pour les fonds environnementaux.

Tous les labels ont pour objectif de garantir une certaine qualité de la gestion d’actifs sur des critères durables dans un marché en pleine expansion, où règnent les démarches volontaires et l’absence de standardisation des pratiques. Le panorama, réalisé par l’équipe de recherche de Novethic, permet de comparer les référentiels d’attribution des labels et leurs exigences d’impact. Chacun d’entre eux combine des critères positifs portant sur les valeurs sélectionnées dans les portefeuilles avec des critères négatifs d’exclusion de certains secteurs. Enfin la variété des terminologies (ISR, ESG, Greenfin, Climate) donne une idée de la diversité de leurs objectifs.

Des labels finance durable en adaptation aux impulsions européennes

Le marché européen est d’ores et déjà sous l’influence des nouveaux cadres créés pour la finance durable par l’Union européenne : la taxonomie et les réglementations sur le reporting des fonds durables. Trois promoteurs de labels listés dans ce panorama ont anticipé sur ces nouveaux standards et d’ores et déjà amorcé l’intégration de la taxonomie européenne, ce référentiel d’activités à bénéfice environnemental, dans leur référentiel.

L’autrichien Umweltzeichen exigera par exemple des preuves de conformité au dispositif européen et étend sa labellisation aux comptes de dépôt et d’épargne. Le label allemand FNG, lui, va encore plus loin et utilise d’ores et déjà la taxonomie européenne pour les fonds verts et exige une « stratégie durable explicite » détaillée et motivée. De son côté, le belge Towards Sustainability travaille sur une proposition de refonte de son référentiel pour janvier 2021.

Obligations vertes

Le panorama des labels présente pour la première fois une analyse de la labellisation des fonds obligataires, plus de 200 fonds à ce jour dont une vingtaine de fonds d’obligations vertes. D’un label à l’autre, les critères d’exclusion environnementales sur les énergies fossiles varient fortement tout comme leur articulation avec des obligations vertes. Par exemple, le label public français Greenfin peut être attribué à un fonds qui investit dans l’obligation verte émise par une société gazière puisque ses exclusions ne s’appliquent pas aux green bonds. En revanche, le label autrichien ne valide pas les green bonds de l’État français puisque le critère d’exclusion du nucléaire s’applique aussi dans ce cas de figure.

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