ICO : nouveau mode de levée de fonds, en structuration, afin d’éviter les arnaques
L’AMF avance grandement sur le sujet. En France, les ICO sont d’ores et déjà encadrées, afin d’éviter les écueils des ICO dans le reste du monde. 80% des ICO seraient de simples arnaques, et seulement 1% de levées de fonds réussies. Ce nouveau mode de levée de fonds en France connaît ses premiers succès, avec 15 levées de fonds en 2018. Une confiance, sans quoi, les investisseurs risqueraient bien de continuer de s’abstenir...
mardi 20 novembre 2018, par Denis Lapalus
L’AMF a publié un rapport sur les ICO, notamment françaises, rédigé par Caroline Le Moign. Les écueils des ICO rencontrés dans les autres pays (malversations, arnaques...) ne semblent pas se produire en France. Le marché des ICO en France reste encore balbutiant, 15 ICO seulement ayant été initiée pour le moment.
Contourner les établissements financiers traditionnels
Dix ans après le document de travail fondateur de Satoshi Nakamoto créant le Bitcoin, les crypto-actifs se sont multipliés de façon spectaculaire. Au début du mois de novembre 2018, ce sont plus de 2 000 crypto-actifs différents qui sont échangés alors que plus de 900 n’existeraient déjà plus. Si l’objectif de Nakamoto était de répondre à la crise de confiance envers les institutions financières publiques et privées, en créant une nouvelle forme de monnaie d’échange sans l’appui d’un tiers de confiance, les crypto-actifs les plus récents visent principalement à lever des fonds directement auprès des investisseurs sans intermédiation des acteurs traditionnels.
Initial Coin Offerings - ICO
Les Initial Coin Offerings (ci-après les « ICO ») peuvent être définies comme des opérations de levées de fond, effectuées à travers une technologie de registre distribué qui donnent lieu à une émission de jetons (« tokens »), ceux-ci pouvant être ensuite, selon les cas, utilisés pour obtenir des produits ou services, échangés sur une plateforme (marché secondaire) et/ou pouvant rapporter un profit. Cette nouvelle forme de financement, qui ressemble par certains aspects aux canaux de financement plus traditionnels (offre publique, capital-risque, crowdfunding), présente toutefois des caractéristiques propres particulières, en bénéficiant par exemple des effets de réseau et de la liquidité potentielle issue d’une possible cotation du token sur un marché secondaire. En conséquence, ce caractère hybride des tokens le rend difficile à qualifier juridiquement.
ICO : 1% de levées de fonds réussies dans le monde...
Au niveau mondial, ce mode de financement demeure encore marginal,représentant au total 22,2 milliards de dollars de levées de fonds par l’émission de tokens, principalement en 2017 et durant les trois premiers trimestres 2018 (respectivement 6,8 et 15,2 milliards de dollars). Néanmoins, on observe une professionnalisation et une structuration des ICO, se traduisant par un phénomène de concentration des montants et du nombre de projets, avec 17 ICO qui ont collecté plus de 100 millions de dollars chacune durant les deux dernières années, représentant à elles seules 40 % des montants totaux levés par ICO (et seulement 1 % du nombre de levées de fonds réussies). En parallèle, la nature des projets a évolué des secteurs technologiques vers une une plus large palette de secteurs d’activité, témoignant de la diversité croissante des acteurs qui envisagent d’avoir recours à ce nouveau type de financement.
Un an après le lancement du programme UNICORN3 d’accompagnement des levées de fonds en crypto-actifs en France, l’AMF a lancé un questionnaire auprès des porteurs de projets d’ICO françaises, c’est-à-dire dont la structure juridique est en France, afin de mieux comprendre les modèles d’affaires utilisés par ces émetteurs rencontrés dans le cadre du programme.
L’analyse de cette base de données originale fait ressortir les caractéristiques principales des levées de fonds finalisées et tente d’observer les tendances des ICO à venir.
ICO en France : 15 levées de fonds sur les 9 premiers mois de 2018
Si les montants levés demeurent faibles à ce stade (89 millions d’euros pour 15 émetteurs), les ICO ont représenté 4 % du financement en actions durant les 3 premiers trimestres 2018. De plus, si cette première vague d’émetteurs français étaient davantage tournés vers des secteurs technologiques et cherchaient à collecter des montants relativement faibles (entre 200 000 et 20 millions d’euros), les projets à venir se diversifient dans d’autres secteurs et espèrent collecter entre 1 et 180 millions. À la différence des ICO terminées, ces projets ont par ailleurs déjà eu accès à des financements, ce qui tend à indiquer que l’ICO n’est pas uniquement un moyen de lever des fonds pour les entreprises n’ayant pas accès aux modes de financement traditionnel. Parmi les raisons motivant le recours à une ICO, on retrouve le souhait de développer une communauté engagée sur leur plateforme et de bénéficier des avantages de la technologie blockchain.
Une ICO pour ne pas diluer le capital de l’entreprise
Néanmoins, la deuxième raison évoquée est celle de l’absence de dilution du capital. Au total, parmi tous les projets d’ICO terminés ou à venir, 89 % auraient des caractéristiques utilitaires (utility tokens). Enfin, afin de nourrir la réflexion sur l’avenir de ce nouveau mode de financement, cette étude présente également les principaux résultats issus de la littérature économique récente en matière de facteurs de succès des ICO, qui mettent principalement l’accent sur la transparence de l’opération et la qualité du signal envoyé aux investisseurs. Ces facteurs sont d’ailleurs également identifiés par les acteurs français en tant que bonnes pratiques à mettre en œuvre.
Afin d’assurer la protection des consommateurs, qui peuvent se trouver exposés aux risques de fraude, d’asymétrie d’information ou de volatilité de leurs investissements, les régulateurs internationaux s’interrogent sur la qualification de ce mode de financement hybride et la meilleure manière d’encadrer les abus. La France a choisi de proposer un encadrement optionnel de ces levées de fonds, afin de permettre l’identification des projets français vertueux par le plus grand nombre, et d’assurer un juste équilibre entre la protection des investisseurs et l’accompagnement de l’innovation. Néanmoins, compte tenu du caractère transfrontalier des projets et de ce type ’investissements, une coopération internationale en matière de régulation et d’identification des fraudes apparaît indispensable.