Les Français détiennent 3.000 tonnes d’OR, soit environ 105 milliards d’euros, une épargne de précaution inutile ?
Les Français figurent parmi les champions mondiaux de thésaurisation de l’or, véritable tradition nationale. Épargne de précaution bien avant d’être spéculation sur les cours du métal jaune, cette détention d’or ne profite en rien à l’économie réelle. Le point étant, est-ce bien pertinent de détenir autant d’or ? La question est posée, la réponse est claire. Non.
vendredi 20 octobre 2017, par Denis Lapalus
Un bas de laine en Or de 3.000 tonnes détenus par les ménages français
Avec notamment 515 millions de pièces Napoléon frappées entre 1803 et 1914, les spécialistes s’accordent sur un bas de laine détenu par les particuliers français estimé à 3000 tonnes d’or sous forme de pièces (2/3, notamment des Napoléons) et de lingots (1/3), principalement acquis (à 80%) sous le régime de l’anonymat par héritage familial et transmission de la main à la main.
Au cours actuel de l’or (35 000 euros le kilo), ce bas de laine or représente un potentiel de 105 milliards d’Euros détenu par les particuliers, et dans toutes les couches de la population : les ouvriers (13%), les employés (17%), les cadres (20%), selon une étude IPSOS « les Français, l’achat et la vente d’or » réalisée en mai 2014.
OR physique, transmis de génération en génération, en cas de coup dur
L’or n’est plus réellement une valeur refuge depuis le début des années 1970. L’OR est devenu un actif spéculatif sur les marchés financiers, synonyme d’aversion aux risques. C’est un usage des opérateurs de marchés que d’investir en or, tout comme sur la devise japonaise, le yen, en cas de craintes de risques financiers, mais n’est en rien un refuge au sens où nus l’entendons au niveau des finances personnelles.
Or valeur refuge ? Avant les années 1970, oui. Maintenant ? Non
Cette idée tenace dans les esprits date d’avant 1971, la fin des accords de Bretton Woods et la fin de la convertibilité du dollar en OR : la mise en place du système monétaire international. Avant 1971, le dollar était basé sur l’or, l’or étalon, et les parités entre les différentes monnaies étaient fixes. La conversion entre l’OR et la monnaie était alors possible. Ainsi, pour éviter l’inflation ou la dépréciation de la monnaie, il suffisait de convertir ses avoirs en OR, et ainsi le refuge était constitué.
Depuis 1973, les parités monétaires sont flottantes, et le dollar n’est plus basé sur l’OR. Ainsi, vous pourrez acheter autant d’OR que vous souhaitez, vous ne serez jamais en situation de refuge, ne serait-ce que de l’inflation, car l’OR lui-même est côté en dollar et non l’inverse...
Un marché de l’Or investissement bloqué et atone en France VS le dynamisme des voisins de l’UE
CPOR Devises dans une publication récente effectue deux propositions visant à libérer l’épargne Or des Français. Passé de 1.800$ l’once en 2013 à près de 1.300$ en octobre 2017, investir sur l’or n’est pas ce que l’on pourrait appeler une bonne affaire. Les particuliers peuvent se questionner sur l’intérêt de conserver leur or physique.
Les ventes d’or sont soumises, soit au régime de taxation des plus-values sur biens meubles à hauteur de 34,5% (option introduite en 2006), soit à la taxe forfaitaire sur les métaux précieux (TFMP, exercée sur la totalité de la vente, avec ou sans plus-value) de 10,5% (dont 0,5% de CRDS). Cependant, seuls les nouveaux acheteurs arrivés sur le marché de l’or investissement à la faveur de la crise de 2008, peuvent bénéficier de ce régime. L’essentiel du bas de laine ne pouvant pas justifier du prix et de la date d’acquisition (80% des détenteurs d’or), ces particuliers conservent leur or (73% d’entre eux depuis plus de 10 ans) en attendant des jours meilleurs (sources : enquête IPSOS 2014).
Par ailleurs, depuis dix ans, la TFMP a rapporté bon an mal an de 70 à 75 millions d’euros, exception faite de l’année 2012 où elle a culminé à 100 millions d’euros, essentiellement grâce à l’explosion de la vente de vieil or (bijoux et débris destinés à la fonte) et non aux pièces et lingots.
Contrairement à la France, ses voisins européens -* très actifs sur le marché de l’or investissement (ex : en Allemagne le marché pèse 120 tonnes contre seulement 9 tonnes en France*) -* ne taxent pas les ventes d’or pièces, lingots et lingotins (Belgique), sauf si elles sont réalisées dans les six mois après leur acquisition (Luxembourg) ou dans l’année (Allemagne) : un risque de sortie de capitaux pour des particuliers peu scrupuleux qui passent les frontières avec leurs lingots ou pièces d’or, et y dépensent le produit de leur vente.
Libérer le bas de laine Or et orienter les produits de la vente vers le financement de l’économie.
Selon l’enquête IPSOS de 2014, 50% des particuliers détenteurs se déclarent prêts à vendre leur or en cas d’évolution favorable de la fiscalité ; 8% précisent qu’ils vendraient « certainement » leur or si la taxe évoluait dans le sens d’une harmonisation à la baisse (par ex. alignement sur le régime des bijoux à 6,5%, avec une franchise de 5000 euros).