Idée reçue : Non, les banques ne réalisent pas forcément davantage de profits quand les taux grimpent !
Idée reçue pour la moins tenace, reprise largement dans les médias financiers, selon laquelle les banques réaliseraient davantage de profits lorsque les taux d’intérêts de marché sont en hausse ou sont élevés. C’est faux. Détails.
samedi 11 juin 2022, par Denis Lapalus
Ne vous inquiétez pas pour elles, les banques gagnent de l’argent, que les taux soient bas ou élevés... Le seul risque majeur est le non remboursement des crédits octroyés.
Faut-il avoir été banquier pour le savoir ?
Visiblement aucun journaliste ou influenceur financier n’a déjà été banquier dans une vie précédente... Le métier d’une banque de détail est de vendre de l’argent aux particuliers et aux entreprises, cela s’appelle le crédit. La marge d’une banque sur les crédits provient non pas seulement de l’écart entre le taux auquel elle se procure l’argent qu’elle prête, et le taux auquel elle vend cet argent. Le profit d’une banque est tiré du principe que pour un même euro, la banque va le prêter jusqu’à 13 fois. La marge sur la différence entre les taux pratiqués évoluent peu, que le niveau des taux soit bas ou élevé. Ce qui compte davantage pour les banques est donc bien le volume de crédits octroyés et non pas l’écart entre l’achat et la vente de l’argent.
Des taux historiquement bas, et pourtant... Un détail aurait du vous choquer
Si vous pensez encore que les profits des banques grimpent massivement avec la hausse des taux d’intérêts, vous devriez vous demander comment les banques ont-elles fait pour afficher tous ces milliards d’euros de bénéfices (cf résultats et bénéfices des banques) durant ces années de taux d’intérêt inférieures à 1% ? Le tout sachant que les commissions des apporteurs d’affaires sont de l’ordre de 1% du montant du capital emprunté, étonnant, non ? Et bien non, pas du tout. Durant ces périodes de taux extrêmement bas que nous avons connu ces dernières années, les banques de détails n’ont jamais réalisés autant de profits sur les crédits. Comment expliquer alors cette idée tenace que les banques réaliseraient davantage de profits en période taux d’intérêt élevés ? Des périodes de taux fortement élevés ont existé par le passé, et pourtant les banques n’ont jamais réalisé autant de profits qu’en cette période de taux bas. En fait, plus les taux d’intérêt sont élevés et moins les banques commercialisent de crédits, tout simplement, car le risque de défaut augmentant de façon exponentielle avec les taux, moins d’emprunteurs remplissent toutes les cases pour emprunter. Et par effet de réduction de volume de crédits octroyés, les banques gagnent moins d’argent, car leur volume d’argent vendu s’affaiblit.
Hausse des taux = hausse des risques ?
La hausse des taux d’intérêts s’accompagnent également d’une hausse des risques de défauts de remboursements. Et pour une banque, cela signifie que le coût du risque droit grimper. Ce n’est pas un choix, c’est une obligation, et la BCE veille. Ainsi, avec la forte hausse des taux d’intérêts sur le début d’année 2022, la BCE a placé 31 banques européennes sous surveillance renforcée... Ce qui en dit long sur le sujet.
Des profits non liés directement à l’évolution des taux d’intérêts
Tous les banquiers expérimentés pourront vous le confirmer. La variation des taux d’intérêts n’est pas un critère majeur de fluctuation des profits des banques. Ce qui compte davantage est le volume de crédits octroyés. Et contrairement à ce que les médias financiers annoncent régulièrement, la hausse des taux d’intérêt est, pour les banques, plutôt une mauvaise nouvelle. Si leur marge peut augmenter, sans que les clients ne rechignent, le volume de crédit octroyé sera en baisse. Paradoxalement, en bourse, les titres des banques voient leurs cours grimper, dès lors que les taux d’intérêt de marché sont orientés à la hausse. Un réflexe pavlovien, du même acabit, que lors des périodes de crainte, l’or apparait alors comme un placement refuge. Cela n’a aucun sens rationnel, mais ce sont des habitudes de marché.
Retour à un monde financier à l’endroit
Le monde financier marchant sur la tête, avec des taux négatifs, c’est terminé ! Cet effet booster sur les titres des valeurs bancaires n’est pas lié aux profits réalisés sur les crédits lors des hausses de taux, mais au fait que les banques soient moins pénalisées par les contraintes de dépôts de garantie auprès de la BCE. C’est le coût des actifs financiers apportant un niveau de garantie (AAA) qui seront désormais moins coûteux. Les lignes de crédit de l’Etat français à taux négatif, c’est terminé depuis quelques semaines déjà. La BCE a confirmé récemment son calendrier de hausses de taux directeurs, la récréation est terminée. Retour au monde financier à l’endroit.