Rentier : combien faut-il au minimum pour le devenir ?
Vous rêvez de ne plus travailler et devenir rentier ? Quel capital faut-il au minimum pour pouvoir le devenir ?
Acheter de nouveaux vêtements, aller dîner dans un restaurant japonais ou louer une maison sont des choix qui impactent nos dépenses et notre épargne. Des biais cognitifs nous induisent en erreur sur notre réelle aisance financière, la réaction par rapport aux prix, aux valeurs des choses.
Crise financièreSurendettement
Publié le par Alberto CardaciChaque jour, des milliards de personnes prennent des décisions économiques. Acheter de nouveaux vêtements, aller dîner dans un restaurant japonais ou louer une maison sont des choix qui impactent nos dépenses et notre épargne. Certains de ces choix, comme l’achat d’un livre par carte de crédit ou la souscription d’un crédit auto, augmentent aussi le montant de notre dette. En agissant ainsi, pesons-nous toujours le pour et le contre, sommes-nous bien informés et respectons-nous les objectifs que nous nous sommes fixés à long terme ? La recherche en économie comportementale indique que non.
De nombreux Américains, par exemple, reconnaissent qu’ils devraient épargner davantage pour leur retraite, mais déclarent qu’ils dérogent fréquemment à cette règle.
Les psychologues et spécialistes du comportement observent depuis longtemps que les écarts entre les intentions d’un individu et son comportement sont souvent dus à des biais cognitifs, des erreurs systématiques qui affectent leurs décisions et leurs jugements. Ces biais cognitifs expliquent pourquoi nos décisions économiques semblent souvent parasitées par des problèmes de maîtrise de soi, de vision à court terme, de changements de préférences et d’autres incohérences comportementales.
Des scientifiques ont notamment constaté que ce biais cognitif conduit souvent à sous-estimer le coût réel d’une dette et donc à emprunter davantage que ce que l’on peut se permettre. La recherche en économie comportementale montre en effet que le prix subjectif d’un article est perçu par le consommateur comme inférieur à son tarif réel quand ce dernier le rapporte à des ressources financières supérieures, plutôt qu’inférieures.
Ce qui signifie par exemple que si une personne sait que le prix objectif d’un T-shirt est de 25 euros, elle est plus susceptible de l’acheter quand elle rapporte son prix au montant disponible sur son compte bancaire (par exemple, 23.000 euros) plutôt qu’à la somme disponible dans son portefeuille (disons 100 euros).
Dans cette même optique, j’ai récemment démarré un nouveau projet sur les « biais cognitifs, perception de la richesse et instabilité macroéconomique » au Complexity Lab in Economics (CLE) de l’Università Cattolica del Sacro Cuore, à Milan, grâce à une bourse post-doctorale du Axa Research Fund. En combinant les résultats de l’économie comportementale et de la psychologie sociale cognitive avec les techniques de l’économie expérimentale, le projet teste essentiellement l’hypothèse selon laquelle certaines personnes ont tendance à dépenser plus qu’elles ne le devraient parce qu’elles ont une perception erronée de leur richesse.
En d’autres termes, notre hypothèse de travail est la suivante : selon la valeur du levier (c’est-à-dire le ratio dette-valeur nette), une personne aura l’impression d’être plus riche, même si sa valeur nette n’a pas changé, et donc psychologiquement plus encline à dépenser et emprunter. Nous appelons cela « l’hypothèse du biais de levier ».
A cet effet, nous avons effectué quelques expériences préliminaires en laboratoire. Nos premiers résultats (à paraître) confirment qu’environ 78 % des participants ont une perception erronée de leur richesse et que cette perception varie en fonction de la composition de la richesse, même lorsque la valeur nette reste constante.
Nous postulons que cette fausse idée de leur richesse peut jouer un rôle important dans l’explication de la consommation individuelle et des décisions d’emprunt qui peuvent sembler irrationnelles au regard de l’économie dominante.
En effet, les implications potentielles d’un tel biais cognitif sont considérables. Quelqu’un dont la perception de la richesse est déformée peut se croire plus riche qu’il ne l’est, consommer plus, emprunter plus et surestimer sa capacité à rembourser sa dette.
Ce comportement a des conséquences non seulement pour l’emprunteur, mais aussi pour le prêteur : l’incapacité de l’emprunteur à honorer ses dettes entraîne une accumulation de créances non performantes dans le bilan des institutions financières sur le marché du crédit.
Si l’on étend ce raisonnement, il est possible que les fluctuations macroéconomiques s’expliquent (au moins partiellement) par l’excès de dépenses et d’accumulation de la dette déclenchée par le biais de levier. C’est le cas lorsqu’un grand nombre de personnes pensent être plus riches qu’elles ne le sont : leur consommation augmente globalement, de même que leur dette, puisqu’elles sont persuadées, à tort, de pouvoir la rembourser. Avant la crise financière de 2007, le niveau d’endettement des ménages avait explosé, dépassant 100 % du PIB. À l’époque, les États-Unis étaient passés facilement et rapidement de l’endettement au surendettement.
Si l’on ne peut certes pas attribuer toutes les dettes personnelles accumulées dans la société à des erreurs comportementales, il serait néanmoins intéressant de déterminer l’ampleur du coût de ces perceptions erronées des ressources, car celui-ci pourrait être conséquent, tant au niveau individuel que macroéconomique.
Traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe pour Fast for Word.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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