Bruno Le Maire encourage les entreprises à augmenter les salaires : mais c’est déjà fait ! Hausse moyenne au sein du CAC40 : +61% pour les dirigeants, +3.7% pour les collaborateurs !
Les rémunérations des dirigeants des grandes sociétés commencent à agacer sérieusement. Ce qui dérange le plus, ce n’est pas tant le salaire en lui-même, mais la disparité des hausses attribuées passe mal selon les critères ESG, dont tant de sociétés se targuent abusivement.
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Face à l’inflation qui s’accélère, le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire a appelé lundi les entreprises qui le peuvent à augmenter les salaires, lors d’une réunion à Bercy avec les organisations patronales. Une bonne blague. Il est vrai que sans appel à la hausse de salaires de M. Le Maire, les sociétés n’augmentent pas leurs collaborateurs.
Les dirigeants voient leur rétribution grimper de 61%
Avec le retour de l’inflation et les menaces sur l’économie, les rémunérations record de quelques grands patrons ont du mal à passer, même désormais auprès des actionnaires. Depuis quelques jours, de grands patrons américains ont essuyé des camouflets en ce qui concerne leur rémunération. Les actionnaires du fabricant de processeurs Intel ont ainsi voté en majorité la semaine dernière contre la rémunération de son nouveau directeur général Patrick Gelsinger qui atteignait le montant de 178,59 millions de dollars pour l’année 2021 (dont 170 millions en actions et options).
+93% pour les patrons du CAC
Les grands patrons du CAC40 ont profité du rebond de l’économie en 2021. Selon la plateforme Scalens, la rémunération moyenne totale (incluant salaires et variables) des patrons du CAC 40 a atteint 8,7 millions d’euros. En hausse de 93% par rapport à 2020 (année il est vrai d’"austérité") mais aussi de 61% par rapport à 2019 avant la crise du Covid (5,4 millions d’euros cette année-là). En pleine campagne présidentielle, la divulgation de la rémunération globale de Carlos Tavares, le Pdg de Stellantis, d’un montant de 66 millions d’euros avait deffrayé la chronique. Emmanuel Macron jugeant même cette somme "choquante" et "excessive".
"Nous n’avions pas anticipé un mouvement d’une telle ampleur, confie dans Le Monde Loïc Dessaint, chargé des questions de gouvernance à l’agence de conseil de vote Proxinvest. Chaque année nous recommandons à nos clients de voter contre les rémunérations de certains dirigeants, mais pour cette saison des assemblées générales, c’est nettement plus que d’habitude. Nous leur conseillons, par exemple, de s’opposer à des résolutions chez Teleperformance, AXA, Danone, Kering ou encore BNP Paribas.".
Quel est le problème soulevé par ces rémunérations record ? Pour Philippe Manière, le président du cabinet Vae Solis communications, la question n’est pas d’ordre économique. "Je pense que tout ça n’a pas la moindre importance par rapport aux chiffres que manient l’entreprise, estime-t-il ce mercredi sur BFM Business. Simplement, il y a une importance symbolique et on tombe sur la question de savoir qui doit décider de ça ? Si on pense qu’il y a des gens qui sont très bien payés et qu’ils doivent contribuer plus il y a un truc qui marche assez bien qui s’appelle l’impôt. Il ne faut jamais oublier que les chiffres dont on parle c’est avant impôt. Ils paient des impôts ces gens-là, on peut même plaider que plus ils gagnent plus c’est bon pour la collectivité.".
Si ces rémunérations aussi importantes soient-elles ne représentent qu’une part minime par rapport aux bénéfices et aux capitalisations boursières de ces entreprises, elles ont en revanche un impact politique sur l’ensemble de la société.
"La progression des très hauts salaires contribue à nourrir le sentiment d’inégalité en France, ça va au delà de la stabilité sociale, estime Christian Chavagneux d’Alternative Economiques. Est-ce que le salaire doit être lié à la performance boursière ou à la valeur ajoutée de l’entreprise ?" Alors que le pouvoir d’achat des Français a progressé de 1,9% en 2021 selon l’Insee et devrait se dégrader cette année du fait de l’inflation, la progression à deux chiffres des rémunérations d’une poignée de grands patrons nourrit un sentiment d’injustice.
Plafond à 450.000€ pour les sociétés publiques
Depuis le 25 juillet 2012, un décret plafonne à 450000 euros brut la rémunération annuelle des chefs d’entreprise publique comme EDF, la SNCF, La Poste ou encore France Télévisions. Un niveau de rémunération qui pourrait rendre moins attractives ces fonctions et faire fuir des talents. "450.000 euros c’est une somme considérable mais quand vous pouvez gagner 1, 2 ou 3 millions d’euros sur le marché il n’y a pas vraiment de raison d’accepter 450.000 euros, estime Philippe Manière. Bien sûr vous avez des saints, heureusement qu’il y a des saints laïques qui acceptent de faire un job très dur pour beaucoup moins que sa valeur objective. Mais on ne peut pas faire fonctionner une société sur uniquement les saints parce qu’ils ne sont pas assez nombreux."
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