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Nouvelle enquête de L214 dans un élevage de lapins situé en Bretagne dans les Côtes-d’Armor à Langoat. Les images montrent des lapereaux vivants à la poubelle, des nouveau-nés à l’agonie, des lapins entassés dans des caddies de supermarchés, des antibiotiques en excès.
200.000 lapereaux par an
Les bâtiments abritent cinq fois plus de lapines reproductrices que la moyenne nationale [1] : elles sont plus de 3 000 à donner naissance chaque année à environ 200 000 lapereaux. Il s’agit de l’un des plus gros élevages de lapins en France. Tous les 75 jours, 25 000 lapins sont envoyés à l’abattoir après avoir vécu dans des bâtiments clos, enfermés dans des cages exiguës au sol grillagé. Commentées par le jeune militant écologiste Vipulan Puvaneswaran, les images montrent de nombreux lapins à l’agonie ou déjà morts dans leur cage, souvent au milieu de leurs congénères. Des lapereaux sont retrouvés vivants dans le bac d’équarrissage de l’élevage, survivant au milieu des cadavres en décomposition. Certains nouveau-nés sont déjà morts, d’autres sont coincés entre les grilles et en suspension au-dessus de la fosse à lisier. Pour déplacer les lapins d’une salle d’élevage à une autre, les employés utilisent des caddies de supermarchés dans lesquels les lapins sont entassés les uns sur les autres. L214 porte plainte pour mauvais traitement contre l’élevage auprès du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc.
Usage massif d’antibiotiques
L’enfermement, la densité et la promiscuité augmentent les risques de propagation rapide de maladies. La rentabilité de cette production intensive dépend donc principalement de l’usage préventif et massif d’antibiotiques permettant ainsi de réduire la mortalité et les retraits [2] à l’abattoir : entre le 31 mai et le 19 septembre 2021, pas moins de 112 kg d’antibiotiques ont été livrés à l’élevage. On y dénombre 6 familles d’antibiotiques [3] dont 3 sont classées par l’OMS en importance critique et priorité majeure pour la santé humaine dans le cadre de la surveillance de l’antibiorésistance (polymyxines, macrolides, quinolones) [4]. En France, les élevages cunicoles ont le taux le plus élevé d’exposition des animaux aux antibiotiques (ALEA5) avec une valeur de 1,910 en 2020 (contre 0,358 pour les volailles). Les 28 millions de lapins tués chaque année dans les abattoirs français consomment à eux seuls 30 tonnes d’antibiotiques. Malgré cela, 22 % des lapins engraissés et 29 % des lapines reproductrices meurent en période d’élevage [5].
Pour Sébastien Arsac, cofondateur de L214 : « Quand on voit ces lapins jetés dans des poubelles, enfermés dans des cages exiguës, sans accès à l’extérieur, nous sommes à l’opposé de ce qu’attendent les 85 % de Français favorables à l’interdiction de l’élevage intensif [6]. Avec cette enquête, nous mettons le focus sur les conditions de vie effroyables des lapins en cage, sur les difficultés des éleveurs et sur un problème de santé publique alarmant : l’antibiorésistance. La fin de ce type d’élevage est l’unique voie de sortie des problématiques auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés : souffrance des animaux, problèmes environnementaux, risques sanitaires et conditions de vie difficiles des éleveurs. »
Pour Vipulan Puvaneswaran, militant écologiste et l’un des deux protagonistes du documentaire Animal : « La faute n’est pas imputable directement aux éleveurs. [...] l’élevage intensif est producteur d’aliénation pour les éleveurs et pour les animaux. Les deux actions importantes à faire sont de mettre [en place] un moratoire contre l’élevage intensif et d’accompagner les éleveurs pris en étau par ce système. Il faut sortir de ce faux combat entre éleveurs et militants pour toucher le vrai problème qui est l’agro-industrie, les coopératives… »
Une nouvelle étude sur l’antibiorésistance
Le Dr Kazuaki Miyagishima, directeur du département Sécurité sanitaire des aliments, zoonoses et maladies d’origine alimentaire à l’OMS, rappelle que des preuves scientifiques démontrent que l’utilisation excessive d’antibiotiques chez l’animal peut contribuer à l’émergence de résistances à ces médicaments. Ce phénomène est une menace majeure pour la santé causant plus de décès que le VIH ou le paludisme selon une nouvelle étude parue le mois dernier dans The Lancet. Ce rapport rappelle l’estimation du nombre de 10 millions de morts par an en 2050 liés à la résistance aux antibiotiques. Depuis les années 2010, l’OMS alerte sur les risques importants pour la santé humaine, allant jusqu’à appeler à cesser d’utiliser des antibiotiques chez des animaux en bonne santé.
Lapins d’origine France
En France, plus de 99 % des lapins sont élevés en cage, sans accès à l’extérieur ni lumière naturelle : des conditions qui ne permettent pas l’expression de leurs comportements naturels comme bondir, creuser, courir… Contrairement à l’élevage de poules pondeuses ou de cochons, il n’existe pas de réglementation spécifique pour l’élevage des lapins. Par conséquent, il n’y a pas de règles précises à respecter sur la taille des cages, les densités ou les aménagements.
28 millions de lapins sont tués chaque année dans les abattoirs français, provenant des 550 élevages principalement répartis dans les Pays de la Loire, la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine. La France est le 3e producteur européen après l’Espagne et l’Italie. Toutefois, sa production baisse d’année en année avec 32 tonnes produites en 2020 contre 43 tonnes en 2015. La France enregistre aussi chaque année depuis 10 ans une baisse de 5 % du nombre d’éleveurs cunicoles, passant de 1 200 éleveurs à 800 en une décennie. Cette diminution sera probablement plus importante en 2022, avec le départ à la retraite d’un quart des producteurs [7].
La consommation de viande de lapin en chute libre
Depuis 20 ans, la consommation de viande de lapin baisse de 3,3 % en moyenne chaque année : les Français en consomment deux fois moins qu’en 2000, et 20 % n’en consomment jamais [8]. Aujourd’hui, la consommation moyenne de viande de lapin par an et par habitant (90 % des consommateurs ont plus de 50 ans) est descendue à 445 g. À titre de comparaison, la consommation de viande de porc atteint 34 kg par an par habitant.
Une série d’enquêtes avant le Salon de l’agriculture
Ce samedi 26 février s’ouvre le Salon international de l’agriculture où sera dressée une image idyllique et fantasmée de l’agriculture française. En contrepoint, et pour montrer la réalité concrète de ce que vivent les animaux, L214 diffuse du 22 au 26 février 2022 une série d’enquêtes représentatives de l’élevage en France, où 80 % des animaux abattus proviennent de systèmes intensifs. Ce triste constat est très éloigné des attentes des Français qui sont 85 % à être favorables à l’interdiction de l’élevage intensif (dont ruraux, 86 % ; Paris, 81 % ; gauche, 88 % ; majorité présidentielle, 85 % ; droite, 82 % ; droite radicale et RN, 89 %) sondage Ifop pour la Fondation 30 Millions d’Amis de 2022.
L’élection présidentielle, une occasion pour les candidats de s’engager contre l’élevage intensif
La cause animale, l’environnement, la santé publique et la détresse du monde agricole constituent des enjeux électoraux majeurs. Si des responsables politiques prennent peu à peu la mesure des attentes des citoyens, leurs actes ne sont toujours pas à la hauteur.
Dans le cadre de l’élection présidentielle, L214 encourage les candidats à prendre des engagements significatifs et les recense sur son observatoire Politique et Animaux. Parmi les mesures portées par l’association figure la sortie de l’élevage intensif d’ici 10 ans. Cette sortie de l’élevage intensif ne peut se faire que si elle est accompagnée d’une forte baisse de la consommation de viande, lait et œufs : une réduction de 50% en 5 ans s’accorde aux alertes climatiques lancées entre autres par le GIEC.
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