Impôt : le fisc continue d’augmenter les contrôles ciblés grâce à l’intelligence artificielle, 50% des contrôles ciblés 2022 seront assistés par l’IA
Le machine learning est une des branches d’activités de l’intelligence artificielle la plus utilisée. Les services fiscaux ne sont pas en reste, et les contrôles d’erreurs déclaratives (absences ou erronées) fonctionnent bien avec ce type de technologie. Et contrairement à cette légende urbaine, l’IA pour la détection de piscines non déclarées, prend l’eau...
mercredi 22 juin 2022, par Denis Lapalus
L’IA pour traquer les fraudeurs
La traque des omissions ou erreurs de déclarations fiscales s’intensifie avec ces nouveaux outils. Ces logiciels font désormais appel aux technologies que l’on retrouve dans les entreprises devant traiter des quantités d’informations importantes : le machine learning. Les serives fiscaux renforce ainsi chaque année son recours à l’intelligence artificielle pour lutter contre la fraude et améliorer l’efficacité de ses services. En 2021, la part des contrôles ciblés par l’IA était de 45%, contre 32,5% un an plus tôt. Depuis quelques semaines, les équipes de la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) se familiarisent avec un nouvel outil. Son nom : Galaxie. Approuvée le 11 mars par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), l’utilisation de ce nouveau logiciel informatique de traitement automatisée des données des contribuables doit permettre aux agents du fisc de mieux traquer les fraudeurs.
Montants encaissés suite aux contrôles fiscaux
Années | Montants encaissés en milliards d’euros | Variations N-1 en % |
---|---|---|
2021 | 10,7 Mds € | +37,35% |
2020 | 7,79 Mds € | -29,18% |
2019 | 11,0 Mds € | nc |
Galaxie : des étoiles dans les yeux des contrôleurs fiscaux
Son déploiement au sein des locaux de la DGFIP s’inscrit dans le cadre du projet PILAT lancé en 2018 pour moderniser le système de contrôle fiscal. L’arrêté du 11 mars décrit cette nouvelle arme de lutte contre la fraude comme "un outil de visualisation, au niveau national, d’une part des liens existant entre des entités professionnelles (liens de participation), et entre des entités professionnelles et des personnes physiques (liens de dirigeant, d’associé ou d’actionnaire), et d’autre part, des éléments de contexte sur la situation patrimoniale et fiscale de ces personnes". Galaxie permet ainsi d’agréger des données comme le revenu fiscal de référence, l’identité du conjoint ou encore les obligations fiscales pour les particuliers. Mais aussi le numéro de Siren, le statut juridique, la catégorie de chiffre d’affaires ainsi que les impôts et taxes auxquels sont assujetties les personnes morales.
45% de contrôles ciblés par intelligence artificielle
En 2021, 13,4 milliards d’euros de redressements ont été notifiés aux particuliers et aux entreprises et 10,7 milliards d’euros ont été encaissés. Un niveau proche du record de 2019 (11 milliards) que l’administration fiscale attribue en grande partie au "recours au data mining pour mieux cibler les contrôles fiscaux" alors que la part des contrôles ciblés par intelligence artificielle et data mining était de près de 45% l’an passé, contre 32,5% en 2020 et 21,95% en 2019. Pour 2022, elle table sur 50% de contrôles ciblés grâce à l’IA.
Le fisc ne cache d’ailleurs pas son intention "d’accroître le recours à l’intelligence artificielle". Et pas uniquement pour lutter contre la fraude. Depuis mars 2021, le déploiement des assistants digitaux "dans le recouvrement des amendes a permis de traiter automatiquement l’imputation comptable des virements bancaires reçus, et aux agents d’améliorer les résultats du recouvrement forcé grâce à l’intensification des poursuites", explique la DGFIP.
En 2021 toujours, l’administration fiscale a commencé à recourir à l’intelligence artificielle pour "aider les agents des centres de contact à répondre aux courriels des usagers portant sur des difficultés de paiement". Elle a aussi mis en œuvre le projet "Signaux faibles" qui repose sur un algorithme capable de "cibler les fragilités des entreprises afin de mettre en place des actions d’accompagnement le plus en amont possible". Ce dispositif a permis de détecter 23.227 entreprises en difficulté. Parmi elles, 11.952 ont été sélectionnés pour être contactées et se voir proposer un soutien.
La détection des piscines prend l’eau
Sur les réseaux sociaux, la détection de piscines ou d’abris de jardin non déclarés inquiètent davantage que les fraudes à la déclaration d’intérêts croisés entre une entreprise individuelle et la perception d’allocation logement. C’est dire si ce type de fraude doit être important. Mais les fraudeurs peuvent être temporairement rassurés, l’IA ne permet pas de façon suffisamment pertinente d’automatiser à grande échelle la détection de piscines ou d’abris de jardin. Les fraudeurs ont anticipé et le recours aux bâches de même couleur que l’environnement proche du bien camouflé fonctionne encore bien.
Ainsi, en phase d’expérimentation, le projet "Foncier innovant" de la DGFIP vise de son côté à utiliser une intelligence artificielle pour détecter automatiquement à partir de vues aériennes les bâtis et piscines qui n’auraient pas été déclarées. Problème, le dispositif testé dans neuf départements ne serait pas vraiment au point, avec des taux d’erreur de 30% à ce stade. L’outil identifierait par exemple des piscines imposables alors qu’il s’agit de piscines hors sol non soumises à l’impôt. Les syndicats remontent également des situations dans lesquelles l’intelligence artificielle voit "des bâtiments à taxer à la place de bâches, de routes, de trottoirs, de parkings, de dalles", indiquait au Parisien Frédéric Scalbert, représentant de la CGT.