Loi de finances 2025 : ce tsunami d’amendements pénalisant épargnants et investisseurs

La coupe est pleine. La foire aux amendements en défaveur des épargnants et investisseurs se termine enfin auprès de la commission des finances. L’heure d’un premier bilan après la tempête fiscale.

samedi 19 octobre 2024, par Denis Lapalus

En France, on n’a pas de gestionnaire, mais on a des impôts ! La folle trajectoire des finances publiques ne risque pas de changer en France. S’attachant davantage à faire augmenter les recettes qu’à baisser les dépenses, nos élus continuent donc de faire adopter des amendements afin de donner des tour de vis fiscaux supplémentaires. La liste des amendements adoptés par la commission des finances est longue, et douloureuse pour les épargnants et investisseurs.

Bon à savoir : Pas de panique ! Les points soulevés par ces différents amendements, adoptés par la commission des finances, ne figuraient évidemment pas dans le texte initial du projet de loi de finances 2025. Le débat parlementaire à l’Assemblée Nationale va débuter sur cette nouvelle base. Il est probable que la majorité de ces amendements ne soient pas adoptés lors de cette étape. Par ailleurs, compte-tenu de la probable "voie sans issue" parlementaire, le gouvernement pourrait faire valider son projet de loi de finances 2025 via un recours au 49.3, rejetant ainsi tout ou partie de ces amendements.

 Assurance-vie : fin de l’avantage fiscal

Avec 44 millions de contrats ouverts, et près de 1980 milliards d’euros d’encours, l’Assurance-Vie a toujours été la cible de toutes les propositions de ponctions fiscales. Cette fois-ci, il s’agirait tout simplement de remettre en cause l’avantage fiscal lié à la transmission du capital en cas de décès de l’assuré. Un comble, puisque avant de devenir un produit d’épargne, l’assurance-vie, qui est réellement un contrat d’assurance, d’où cette notion de prime versée, de capital appartenant à l’assureur et non à l’assuré, assurait la transmission du capital de l’assuré. Dénaturée, l’assurance-vie s’est transformée au fil des décennies en un placement épargne tel que l’on le connait aujourd’hui.

La transmission de capital en assurance-vie est hors succession, mais est déjà exposé à une fiscalité spécifique. Ce régime permet aujourd’hui une exonération fiscale totale des droits de successions lorsque l’assuré verse des primes avant l’âge de 70 ans, dans la limite de 152 500 euros par bénéficiaire. Au-delà de ce montant, les sommes transmises sont soumises à un prélèvement forfaitaire de 20 % pour la part comprise entre 152 501 € et 852 500 €, et de 31,25 % pour la part qui dépasse 852 500 euros. Les primes versées après 70 ans bénéficient d’un un abattement global de 30 500 euros. Un amendement prévoit d’aligner la fiscalité de l’assurance-vie à celle de la succession, soit 20 % jusqu’à 552 324 euros (au lieu de 700 000 euros), 30 % jusqu’à 902 838 euros, 40 % jusqu’à 1 805 677 euros et 45 % au-delà de 1 805 677 euros.

 Hausse de la fiscalité de l’épargne de +23.45%

La fiscalité portant sur la majorité des produits d’épargne passerait ainsi de 12.8% à 15.8%. Cette hausse de 300 points de base, soit +23.45%, de la fiscalité, porterait, si les prélèvements sociaux n’augmentent pas de leur côté (PLFSS), à 33%, soit 10% de hausse. Cette hausse massive renforcerait les placements d’investissement exemptés de fiscalité sur les produits, tel que le PEA notamment.

 Taxation des plus-values immobilières sur la résidence principale

Un amendement vise à tenter de réduire la spéculation immobilière. Ainsi, même en déclarant son bien comme résidence principale, les plus-values réalisée lors de la vente seraient imposables, au même titre que pour une résidence secondaire, dès lors que la durée de détention serait inférieure à 5 années. Des cas exceptionnels (séparation, mutation, hospitalisation…) d’évitement de la taxation seraient prévus. L’objectif est de limiter la spéculation immobilière d’investisseurs peu scrupuleux déclarant un bien comme résidence principale uniquement dans le but d’échapper à la taxation sur les plus-values.

 Refonte du calcul des plus-values immobilières

Les exonérations fondées sur la durée de détention seraient supprimées (aucune taxe à partir de 30 ans). La plus-value au moment de la cession est imposée à un taux global de 36,2 % (19 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux). L’exonération pourrait être remplacée par une indexation du prix d’acquisition en fonction de l’inflation. L’imposition se ferait ensuite sur la base de la Flat Tax. L’objectif annoncé est d’encourager à la revente, permettant théoriquement de fluidifier un marché immobilier devenu atone. Ainsi, les propriétaires n’auraient plus aucun avantage à conserver un bien immobilier durant 3 décennies.

 LMNP : fin de l’aubaine

Le calcul des plus-values réalisées lors de la vente d’un bien LMNP en cours d’exploitation serait revue. Les amortissements consentis lors de l’exploitation du bien seraient réintégrés dans le calcul de la plus-value du bien.

 Refonte du Pacte Dutreil : nouvelle tentative

Chaque année, la remise en cause de la fiscalité applicable dans le cadre d’un Pacte Dutreil est évoquée. Ce dispositif permet de transmettre une entreprise familiale avec un abattement de 75 %. Accusé de constituer une niche trop généreuse pour les ménages les plus aisés, cet atout pourrait être considérablement restreint. Un amendement prévoit que seule la fraction de la valeur correspondant strictement aux actifs professionnels serait éligible à l’exonération partielle. Concrètement, les actifs financiers ou immobiliers détenus au sein de l’entreprise, mais n’étant pas en lien direct avec son fonctionnement, ne bénéficieront plus de l’avantage fiscal. En plus de cette limite, le texte prévoit qu’au moins un des donataires soit âgé de 18 à 60 ans au moment de la transmission. Enfin, le calcul de la plus-value est remis en question par un texte adopté en commission. Lors d’une revente après une succession en Dutreil, l’exonération appliquée au moment de la succession n’est actuellement pas prise en compte pour le calcul de la plus-value. Concrètement, imaginons qu’une personne reçoive une entreprise en donation, et que sa valeur soit d’un million d’euros. Grâce au pacte Dutreil, 75 % de cette valeur est exonérée, donc 750 000 euros ne sont pas pris en compte pour les droits de donation. Avec cet amendement, la valeur d’acquisition serait de seulement 250 000 euros. Si, plus tard, le donataire décide de vendre l’entreprise pour 1,5 million d’euros, la plus-value sera calculée comme ceci : Plus-value = Prix de vente - Valeur d’acquisition. Avec l’ancien système, la plus-value aurait été : 1,5 million - 1 million = 500 000 euros. Mais avec l’amendement, la plus-value imposable sera de 1,5 million - 250 000 euros = 1,25 million euros.

 Impôt universel pour les non-résidents français

Aujourd’hui, les non-résidents sont imposés en France uniquement sur leurs revenus de source française (comme les revenus immobiliers ou les revenus d’activité générés en France). Visant l’exil fiscal, un amendement cible les personnes ayant résidé en France pendant trois ans sur les dix dernières années. Les expatriés ayant la nationalité française seraient imposables sur leurs revenus mondiaux, qu’ils soient soumis à l’Impôt sur le revenu ou à la flat tax. Cette mesure, difficile à mettre en œuvre, permettrait de créer un impôt universel ciblant particulièrement les paradis fiscaux. Le texte soumis précise que « ce dispositif cible les pays dont les taux d’imposition sont au moins 50 % inférieurs à celui de la France, que ce soit en matière d’impôt sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine ». Les impôts payés dans le pays de résidence seraient soustraits de la facture finale.

 Héritage : une augmentation des taux d’imposition

Enfin, les députés Ensemble pour la république (EPR) ont proposé un texte permettant, d’un côté, une exonération plus importante pour les donations en ligne indirectes. L’amendement « vise à doubler les abattements dont peuvent bénéficier les frères et soeurs, les neveux et nièces et à créer de nouveaux abattements pour les enfants de conjoint et petits-enfants de conjoint, dans le cadre d’une donation ». Mais cet avantage n’est pas sans inconvénient. Une deuxième partie du texte propose de financer cette première mesure en augmentant le taux d’imposition de la tranche la plus élevée, actuellement fixé à 3 611 354 €. Le taux appliqué passerait de 45 % à 49 %.

 Donation : 150.000 € sans fiscalité

En Allemagne, les dons d’argent allant jusqu’à 500.000 € sont exempts de taxes. En France, ce seuil est de 100.000€. Mais, en cas de financement d’un bien immobilier, un don d’argent de 150.000 € pourra être effectué sans taxation, en plus du don d’argent de 100.000 € actuellement en vigueur. Cette exonération s’appliquerait à condition que le donataire soit un descendant dont le projet est d’acheter un logement neuf, pour en faire sa résidence principale. Le texte, s’il est adopté, n’est prévu que pour un an, du 1er janvier au 31 décembre 2025. C’est le seul amendement favorable de cette liste à la Prévert.

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