Loi de finances 2025 : le Haut Conseil des finances publiques confirme la nécessité d’une vigilance accrue de la dette

Le Gouvernement a saisi le Haut Conseil des finances publiques de projets de loi de finances et de financement de sécurité sociale pour 2025. Le rapport de l’Institution a été publié.

jeudi 10 octobre 2024, par Denis Lapalus

Avis du Haut Conseil des finances publiques

Le Gouvernement a saisi le Haut Conseil des finances publiques de projets de loi de finances et de financement de sécurité sociale pour 2025. Le Haut Conseil des finances publiques a émis des réserves sur les projets de loi de finances pour 2024 et 2025. Les principales conclusions du HCFP sont :

  • Dégradation des finances publiques : Le déficit public s’est fortement dégradé en 2023 et 2024, malgré les prévisions initiales.
  • Incertitudes sur les prévisions : Les prévisions économiques et budgétaires pour 2025 sont jugées fragiles, notamment en raison d’un scénario macroéconomique optimiste et d’un manque de détails sur certaines mesures.
  • Plan de redressement ambitieux mais incertain : Le plan de redressement des finances publiques prévoit un ajustement budgétaire important, mais son exécution reste incertaine en l’absence de détails concrets sur les mesures à mettre en œuvre.
  • Dette publique : Le niveau d’endettement de la France reste élevé et sa trajectoire est préoccupante, malgré une légère amélioration ces dernières années.

En résumé, le Haut Conseil met en garde contre les risques pesant sur les finances publiques et souligne la nécessité de mettre en œuvre des mesures structurelles pour redresser la situation et garantir la soutenabilité de la dette à moyen terme.

Le Haut Conseil recommande donc une plus grande prudence dans la gestion des finances publiques et appelle à une meilleure visibilité sur les mesures à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de consolidation budgétaire.

Dans le détail, pour 2024

Les projets de loi de finances et de financement de sécurité sociale pour 2025 confirment pour 2024 une dégradation pour la deuxième année consécutive du solde public (prévu à -6,1 points de PIB), et prévoient de ramener le déficit à 5,0 points de PIB en 2025 grâce à un ajustement budgétaire massif en 2025 (-1,1 point de PIB). Cela marquerait une inflexion de tendance par rapport à ces deux dernières années.

Le Haut Conseil constate que le déficit public pour 2024, prévu à 4,4 points de PIB en projet de loi de finances pour 2024, puis à 5,1 points de PIB dans le Programme de stabilité, est désormais prévu à 6,1 points, soit un écart de 1,7 point de PIB par rapport à la prévision initiale et une dégradation de 0,6 point par rapport à 2023. Il souligne la nécessité, confortée par les dérapages majeurs en 2023 et 2024 des finances publiques, de retenir des hypothèses prudentes, notamment en matière de prévision des recettes ou de ralentissement des dépenses des collectivités locales, lorsqu’il n’y a pas de dispositifs robustes prévus à cet effet. Il regrette enfin que la préparation du PLF et du PLFSS pour 2025 n’ait pas été accompagnée de mesures de frein plus efficaces au deuxième semestre 2024.

Des anticipations 2024 réalistes

Le Haut Conseil estime que les prévisions de croissance (1,1 %), de masse salariale (2,9 % dans les branches marchandes non agricoles) et d’inflation (2,1 %) du Gouvernement pour 2024 sont réalistes. Il considère que la prévision de recettes, de dépenses et donc de solde public pour 2024 est encore affectée d’une incertitude non négligeable, mais est cohérente avec les informations comptables et budgétaires disponibles et avec le scénario macroéconomique. En revanche, il estime que le scénario macroéconomique pour 2025 est dans l’ensemble fragile. La prévision de croissance pour 2025 (1,1 %) apparaît en premier lieu un peu élevée compte tenu de l’orientation restrictive du scénario de finances publiques associé, qui se traduit notamment par un repli de la demande publique et des mesures de hausse des prélèvements obligatoires atteignant un point de PIB. Pour compenser cet impact restrictif, la prévision de croissance pour 2025 retient des hypothèses favorables sur le commerce mondial, l’investissement des entreprises et la baisse du taux d’épargne des ménages, qui correspondraient à une nette accélération de l’activité sans ajustement budgétaire. En dépit du soutien que peut apporter la baisse des taux d’intérêt, une telle accélération apparaît optimiste au regard des indications données par les enquêtes de conjoncture disponibles.

La prévision de masse salariale pour 2025 (2,8 % dans les branches marchandes non agricoles) est un peu optimiste, du fait à la fois de la prévision d’emploi, en lien avec l’appréciation portée sur le PIB, et de celle du salaire moyen par tête. Enfin la prévision d’inflation (+1,8 %) paraît un peu élevée au regard de l’ampleur du mouvement de désinflation observé depuis le début de cette année.

S’agissant du réalisme des prévisions de recettes et de dépenses sur lesquelles reposent le PLF et le PLFSS pour 2025, le Haut Conseil relève que, malgré ses demandes, l’information qui lui a été communiquée n’est pas suffisante pour apprécier les mesures de hausse des prélèvements obligatoires et de freinage de la dépense, d’un montant très important. Le détail des économies attendues sur le budget de l’État et les dépenses d’assurance-maladie, ainsi que certaines hausses de prélèvements obligatoires (baisse des allègements généraux de cotisations, mécanisme d’imposition minimale pour les particuliers), notamment, ne sont pas documentés. Enfin, les modalités des « mécanismes de résilience » et des autres mesures d’économie attendues pour les collectivités locales n’ayant pas été précisées, la prévision d’un fort ralentissement du volume des dépenses de fonctionnement des APUL lui paraît particulièrement fragile. De surcroît, le solde présenté dans l’article liminaire de ce projet (-5,2 points de PIB) est, de manière inédite, différent de celui sur lequel le Haut Conseil est appelé à se prononcer (-5,0 points de PIB), certaines des mesures prises en compte dans la prévision de déficit n’étant pas intégrées à ce stade au projet de loi de finances, mais devant être introduites par amendement lors du débat parlementaire pour un effet additionnel de 0,2 point de PIB. L’objectif de 5,0 points de PIB de déficit en 2025 dépend donc de la capacité du Gouvernement à les mettre en œuvre. La prévision de croissance spontanée des recettes est en revanche cohérente avec le scénario macroéconomique. Au total, la prévision de déficit public de 5,0 points de PIB pour 2025 est fragile du fait de l’optimisme du scénario macroéconomique sur lequel elle repose et de l’ampleur des mesures à mettre en œuvre sans que celles-ci soient documentées à ce stade.

Le solde structurel présenté par le Gouvernement s’élève à -4,5 points de PIB en 2025, après -5,7 points en 2024, soit un ajustement structurel de 1,2 point. L’écart entre le déficit structurel prévu et celui de la loi de programmation s’élèverait à 2,0 points de PIB en 2024 et 1,2 point de PIB en 2025. Ces écarts sont largement supérieurs à 0,5 point de PIB et laissent présager qu’ils seront importants au sens de la loi organique lors de l’examen par le Haut Conseil des projets de lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années afférentes. Le Haut Conseil relève que l’ajustement structurel de 1,2 point de PIB en 2025 suppose un effort structurel de 1,4 point (42 Md€) compte tenu de l’impact négatif à hauteur de 0,2 point d’une croissance spontanée des prélèvements obligatoires, à législation constante, inférieure à celle du PIB. Cet effort repose à 70 % sur des hausses de prélèvements obligatoires (30 Md€, soit un point de PIB) et à 30 % sur les dépenses (12 Md€, soit 0,4 point de PIB). Ces proportions diffèrent de celles retenues par le Gouvernement qui, sur la base de modes de calcul différents, estime que l’effort de consolidation budgétaire s’élève à 60 Md€, se décomposant en 40 Md€ de réduction de dépenses et 20 Md€ de hausse de prélèvements obligatoires. Le chiffre de 40 Md€ représente en effet l’effort de réduction des dépenses par rapport à une évolution tendancielle estimée à un niveau très élevé de + 2,8 % en volume, soit bien au-dessus de la croissance potentielle (+1,2 %) comme de la croissance effective (+1,1 %). Le Haut Conseil n’est pas en mesure d’apprécier la pertinence de cette estimation. Du fait de ce choix méthodologique, l’effort en dépenses affiché par le Gouvernement de 1,3 point de PIB ne réduit le poids des dépenses dans le PIB que de 0,4 point. Les 20 Md€ de prélèvements obligatoires, quant à eux, ne tiennent pas compte de certaines mesures figurant dans le projet de budget (une partie de l’augmentation de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité par exemple). Par ailleurs, la réduction des exonérations de cotisations employeurs, ordinairement classifiée en hausse de recettes et de prélèvements obligatoires, est ici affichée comme une réduction de dépenses.

Le plan 2023-2027 obsolète

Le Haut Conseil considère que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, pourtant promulguée il y a moins d’un an, constitue une référence dépassée, du fait de la forte dégradation de la situation des finances publiques en 2023 et en 2024. La trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme, que la France doit transmettre à la Commission européenne à la fin du mois, constitue aujourd’hui une référence plus pertinente et doit absolument être respectée.

Conclusion

La soutenabilité à moyen terme des finances publiques appelle à une vigilance accrue et des efforts immédiats et soutenus dans la durée. La France doit impérativement respecter la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme, pour garder le contrôle de ses finances publiques, maîtriser son endettement, tout en finançant les investissements prioritaires et en veillant à ne pas trop affecter son potentiel de croissance.

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