Investir 100 euros par mois sur un ETF MSCI World, une erreur de débutant
Certains semblent encore convaincus qu’en investissant 100 euros tous les mois sur un ETF de type MSCI World Index, ils obtiendront un capital de près de 200.000 euros au bout d’une quarantaine d’années, de façon pratiquement certaine. Et bien, bonne chance les amis !
lundi 17 juin 2024, par Bourse Tendance
Investir régulièrement sur un ETF généraliste, un bon plan ?
De nombreux investisseurs novices en bourse ont cédé aux sirènes de l’investissement régulier, sans trop comprendre quels en sont les enjeux. En éludant les raccourcis pris par les personnes distillant ces conseils de néophytes, au bout de 40 ans, le capital risque bien de ne pas ressembler à celui escompté. Voici le genre de conseil que l’on peut trouver un peu partout sur la toile :
Propos régulièrement repris sur les réseaux sociaux, médias financiers distillant de piètres conseils : Compte-tenu du rendement moyen des marchés actions, de l’ordre de 6% par an, il suffit d’investir de façon régulière, par exemple 100 euros tous les mois, sur un ETF généraliste, par exemple l’ETF de Morgan Stanley, MSCI World Index. Au bout de 40 ans, votre capital devrait alors atteindre pas moins de 200.000 euros.
Dans le détail, au bout de 40 ans :
- Capital versé : 48.000€
- Rendement brut annuel espéré : 6%
- Intérêts composés (tous les revenus sont immédiatement réinvestis) : 191.696 €
- Intérêts simples (les revenus ne sont pas réinvestis) : 50.880 €
- inflation annuelle estimée : 3%
- Valeur du capital total au bout de 40 ans, à valeur d’aujourd’hui : 191.696 €
- Valeur du capital total au bout de 40 ans, à valeur d’aujourd’hui (inflation prise en compte) : 91.945 €
Une proposition bien foireuse
Si sur le plan mathématique, l’on ne peut pas vraiment dire que ce soit du grand délire, puisque effectivement, un placement régulier de 100 euros par mois pendant 40 ans, au taux moyen annuel de 6%, donne un capital de 192.000 euros, intérêts compris, au bout de 40 ans. Mais trois bémols importants s’imposent.
Hormis le fait que personne ne change pas de stratégie en 40 ans, l’ETF choisi aura probablement disparu d’ici là. Les tendances pour séduire les investisseurs sont ainsi faites. De nouveaux fonds, davantage prometteurs, seront lancés d’ici là. Mais soit, laissons ces points de coté. Des points peuvent plus lourdement en erreur les investisseurs en herbe.
Capital versé de 48.000 €
Déjà, en versant 100 euros tous les mois, pendant 40 ans, vous n’aurez pas gagné 200.000 €. En effet, dans ces 200.000 €, sont inclus les 48.000 € que vous avez versé. Le solde, en partant du bon nombre, c’est à dire, 191.966 €, tombe à 143.966 € de gains. Mais ce n’est pas tout.
Fiscalité, prélèvements sociaux
Le taux de rendement évoqué de 6 % est brut de fiscalité, tout comme des prélèvements sociaux. Au pire, il convient donc de retrancher 30%, au mieux seulement 17.20%. Le gain passe ainsi de 143.966 € à 119.203 € dans le meilleur des cas, cf paragraphe sur la fiscalité plus bas.
Composition des intérêts ?
La somme de 143.966 € est obtenue via un calcul de composition des intérêts. Les intérêts produits une année, produisent des intérêts à leur tour l’année suivante. Or, la composition des intérêts ne s’appliquent pas aux placements boursiers de type actions. En effet, même sur un ETF généraliste, type MSCI World Index, la hausse de la valorisation du fonds ne produit pas davantage de rendement.
Les intérêts composés ne fonctionnent qu’avec une progression positive, d’années en années...
Ce brillant calcul consistant à utiliser la composition des intérêts pour le calcul du gain visé au bout des 40 ans est faux. En effet, le calcul des intérêts composés fonctionnent quand le rendement est effectivement de 6% par an. En revanche, utiliser une moyenne de 6%, alors que dans la vraie vie, les rendements ne seront probablement qu’une suite de hausses et de baisses, par exemple de +11%, -8%, +4%, -12%, +18% etc. ne donnent pas tout le même résultat avec la composition des intérêts. Ce serait pourtant bien ce principe qu’il faudrait utiliser pour estimer le rendement d’un placement boursier sur 40 ans.
6% un rendement moyen
En revanche, le rendement de 6% par an est une moyenne historique (et donc, comme vous le savez le passé reste du passé...) et il faudra serrer des fesses pour que les cours ne chutent pas à l’approche de la fin de la période des 40 ans. Sans quoi ce serait une épargne de 40 ans pour un rendement bien plus faible que prévu...
Inflation et fiscalité, de 6% à 4.97% ou 4.2%
Par ailleurs, il faudra surveiller l’inflation, car sur 40 ans, inutile de dire que la plus grosse perte sera dû à l’inflation. Comptez 2% à 3 % d’inflation par an. De même, l’on suppose que la fiscalité n’entre pas en ligne de compte, un PEA par exemple comme support. Sauf qu’évidemment les vrais ETF MSCI World Index ne sont pas éligibles au PEA. Il faudra alors faire avec des ETF approchant, qui répliquent plus ou moins l’indice MSCI World. Mais dans tous les cas, les prélèvements sociaux de 17.2% seront à payer. Cela ampute donc le rendement idéalisé de 6% pour aboutir à 4.97% au mieux. La seule bonne nouvelle étant que ces prélèvements sociaux seront payés à la sortie du PEA.
Hors PEA, la fiscalité n’a rien d’un détail. En effet, en appliquant la fiscalité de 30%, dans le monde idéal, le rendement annuel baisserait donc à 4.2%.
Pourquoi vous n’obtiendrez pas 200.000 euros au bout de 40 ans ?
Ce type de conseil est évidemment à destination des néophytes, ceux qui sont attirés par la bourse, sans toutefois vouloir en comprendre son réel fonctionnement. Pourquoi ce conseil, visant la stratégie de l’éléphant, est-il un mauvais conseil ? Pas le plus mauvais que l’on puisse donner en bourse, mais vraiment sans doute le moins éclairé. Oui, il est vrai qu’il ne faut pas se focaliser sur les mouvements erratiques des cours de bourse. On ne gagne pas vraiment en bourse en faisant des achats/reventes sur des actions, uniquement avec la variation des cours. Certains jouent à cela, peuvent avoir de la chance, mais à long terme, ils seront perdants. Les crises financières et boursières reviennent en moyenne tous les 8 ans. Donc faites le calcul, sur 40 ans, l’investisseur avide de gains rapides sur les cours des actions devrait se prendre au moins 2 fois avec certitude les pieds dans le tapis, et constater au moins -30% de moins-values sur son portefeuille.
L’effet trompeur de progression des indices boursiers sur le long terme
La très grande majorité des indices boursiers sont dividendes inclus. Il n’y a guère que notre CAC40 pour lequel les dividendes ne sont pas inclus dans l’indice. Ce qui fait fortement progresser ces indices boursiers au fil des années, ce sont bien les intégrations des dividendes. Sans quoi, leurs évolutions n’auraient rien d’attractives.
Exemple sur le CAC 40 : Depuis le 1er janvier 2000 jusqu’au 31 décembre 2020, soit en 20 ans, l’indice CAC40 a progressé de +32.48%, soit +1.62% brut en moyenne par an. Cela ne montre pas que l’investisseur ne peut pas gagner sur la variation des cours de l’indice CAC40, cela montre juste que la variation seule des cours de l’indice CAC40 n’est pas à jouer sur le long terme. L’indice CAC40 est un indice hors dividende. L’indice CAC40 Total Return, de son côté, inclue les dividendes versées par les entreprises composant l’indice. Sa progression depuis 2009 (pas de cotation accessible auparavant) est de + 143%, soit +13% par an.
En bourse, les gains sont forgés sur les dividendes
Oubliez donc les plus-values. Pour un investissement de long terme, il faut chercher le rendement, issu des dividendes des actions. Ces mêmes qui font l’objet de la critique des personnes qui ne comprennent pas que tous les investisseurs en bourse ne sont pas des gens fortunés nés avec avec une cuillère d’argent dans la bouche. Ainsi, sur un horizon de placement de 40 ans, seuls les dividendes permettront de réaliser des gains en bourse. Loin des paris de casinos sur des valeurs prometteuses, seuls les dividendes comptent ! Les achats récurrents pour lisser le prix moyen de revient n’ont pas de sens sur le long terme.