Marchés financiers : publication des résultats et posture de la BCE, que faut-il en penser ?
Vincent Manuel, Directeur des investissements chez Indosuez Wealth Management, apporte son éclairage sur la saison de résultats et les dernières annonces de la BCE.
vendredi 29 octobre 2021, par Vincent Manuel
La saison de résultats
« En amont des publications du troisième trimestre, il était logique de s’attendre à une dynamique moins forte après un deuxième trimestre record, dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et de tensions sur les chaines d’approvisionnement. Cette prudence trouvait sa traduction dans une révision (modérée) à la baisse des attentes de croissance de résultats dans les quelques semaines qui ont précédé les annonces de résultats. A ce jour, au moment où près de la moitié des sociétés ont publié leurs résultats, la tendance demeure bien orientée globalement : une très grande majorité de sociétés ont publié des résultats au-dessus des attentes. En effet environ 70% des sociétés en Europe et 80% des sociétés aux Etats Unis surprennent positivement. Le dépassement est assez modeste sur les chiffres d’affaires (environ 1%) et plus importante sur les résultats (autour de 10% de croissance supplémentaire). Les secteurs de l’énergie et des matériaux affichent les meilleurs taux de croissance tandis que les surprises positives sont assez élevées dans le secteur financier, avec des banques américaines qui ont sorti de très bons résultats au début de la saison de résultats. Le secteur technologique américain montre un visage contrasté, avec de très bons résultats chez Microsoft et Google, et des déceptions chez Apple et Amazon. En effet, cette saison de résultats confirme sur le plan financier la forte perturbation des chaines d’approvisionnement et la hausse des couts de l’énergie et de main d’œuvre. Ces perturbations ne concernent plus uniquement le secteur de la distribution traditionnelle et l’industrie, mais également deux grands leaders de la technologie américaine, Apple et Amazon, dont les résultats en forte croissance ressortent néanmoins en deçà des attentes en raison de difficultés d’approvisionnement. Ces dernières auraient ainsi « couté » 6 milliards de dollars de chiffre d’affaires à Apple ce trimestre et pourraient peser sur les ventes d’i-phones du trimestre à venir. De son côté, Amazon enregistre lui aussi une croissance moins forte de ses ventes et subit des hausses de coûts logistiques et salariaux ; Dans ce contexte Amazon se met en position de pouvoir livrer pendant les fêtes de Noël, quoi qu’il lui en coûte, ce qui devrait permettre d’atteindre ses objectifs de vente mais dégrader temporairement la générations de cash-flow. Ce qui fait dire à certains analystes que les beaux jours d’Amazon seraient derrière nous, avec une croissance des ventes qui se tasse et des contraintes de l’économie réelle qui commencent à peser sur les résultats et à affecter le géant du e-commerce dont le troisième a été sauvé par la division cloud. Cette situation montre bien qu’il y a donc une distinction à opérer au sein des valeurs technologiques face à ces chocs exogènes, certaines étant au final plus digitales que d’autres (et d’ailleurs Apple et Amazon ne sont pas classées dans le secteur technologique aux Etats Unis). Ces phénomènes valident selon nous la nécessité de se focaliser sur les secteurs moins impactés par les difficultés liées à l’énergie et aux chaînes d’approvisionnement : d’un côté les secteurs qui bénéficient de la reflation et des taux qui remontent (banques et secteur énergétique), de l’autre les entreprises bénéficiant d’un pricing power élevé, telles que celles du luxe, ou peu exposées à ces difficultés (secteur du digital). »
Les banques centrales : un temporaire qui dure plus longtemps ?
« Du côté de Frankfort, rien de nouveau n’était attendu sur le plan décisionnel et l’enjeu central de la conférence de Christine Lagarde était de positionner un discours sur la tendance actuelle de hausse de l’inflation et ses implications sur la politique monétaire. La BCE admet désormais que la hausse de l’inflation durera plus longtemps que prévu et ne rebaissera qu’au cours de l’année 2022. Le sondage téléphonique réalisé par la BCE auprès des entreprises –cité par Christine Lagarde- semble montrer que la résolution des difficultés d’approvisionnement prendra une bonne partie de l’année 2022. Ce qui n’empêche pas la BCE de maintenir son cap : fin du programme d’achats d’actifs liée à la pandémie (PEPP) programmée pour mars prochain, mais pas de hausse de taux en vue dans la mesure où la BCE ne voit pas le taux d’inflation s’établir durablement au-delà de 2%. L’effet sur les marchés de ces commentaires n’a pas tardé à se faire sentir avec un euro en hausse et une remontée des taux longs, mais paradoxalement les anticipations d’inflation se sont plus tassées sur la séance. Le phénomène le plus spectaculaire demeure la forte remontée des taux longs en Australie qui montent ce matin de 24 bps en amont de la réunion de la banque centrale la semaine prochaine. Ceci fait suite au fait qu’hier la banque centrale a laissé les taux à 3 ans dériver, en ne défendant pas la cible de 0,1%. Ceci constitue de facto un abandon de la politique de contrôle de la courbe des taux et signifie que le marché peut s’attendre désormais à une modification de la politique monétaire de la banque centrale. »