Euro/Dollar, pourquoi l’euro devrait continuer de chuter face au dollar ?
20 ans que cela n’était pas arrivé, cette parité euro-dollar est de nouveau touchée. Et l’euro devrait continuer de chuter face au Dollar. Pourquoi ?
jeudi 14 juillet 2022, par Denis Lapalus
Pourquoi l’euro chute-t-il face au dollar ?
- Arbitrages purement financiers : La chute de l’euro est essentiellement liée aux marchés financiers, et n’est pas fondé sur les craintes en zone euro, comme l’on peut lire souvent. Sans quoi, l’euro aurait du chuter fortement depuis février dernier. Or ce n’est pas le cas. Cette chute est essentiellement liée aux décalages temporels des politiques monétaires respectives des banques centrales. Ainsi, si la FED pousse ses taux d’intérêts fortement vers le haut depuis quelques mois, la BCE ne va augmenter, et que très modestement (25 points de base) son taux directeur qu’à partir de ce 21 juillet. Ainsi, les investisseurs ont tout avantage à se diriger vers les obligations libellées en dollars, plus rémunératrices, qu’en euros. Ainsi, c’est le billet vert américain qui devient attirant pour les investisseurs. "Si on regarde depuis le début de l’année, ce n’est pas tant l’euro qui est faible que le dollar qui est fort, traditionnellement parce que le dollar est une valeur refuge quand il y a des conflits internationaux. La preuve de ça, c’est que l’euro a plutôt monté contre d’autres devises comme le Yen japonais ou la livre britannique", explique François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, sur franceinfo mercredi. La remontée des taux directeurs par la Réserve fédérale des États-Unis (FED), a notamment stimulé le dollar.
- Conditions économiques en Europe : Cette inflation, qui dépasse par exemple les 20% dans les pays baltes, est liée principalement aux prix de l’énergie (électricité, pétrole, gaz...) qui s’envolent avec la guerre. La très forte dépendance des pays européens aux hydrocarbures russes alors que le Kremlin menace de couper son approvisionnement accentue la pression sur leur économie et les craintes de récession. Pour preuve, l’agence Standard and Poor’s place la croissance de l’économie en zone euro dans le secteur privé en juin au plus bas depuis 16 mois.
Cette parité va-t-elle durer ?
La parité 1 euro = 1 dollar est un seuil psychologique très important. En cas de passage sous ce support, l’euro pourrait continuer de chuter fortement. Personne ne peut lire avec certitude dans le marc de café. Toutefois, l’inflation américaine du mois de juin est ressortie à 9.1% ! La FED n’aura pas d’autres choix que d’être extrêmement agressive lors de sa prochaine réunion et certains opérateurs essayent même déjà d’intégrer dans les prix une hausse surprise de ses taux directeurs de 100 points de base pour fin juillet. À l’inverse, la BCE a publié son planning de hausse de taux d’intérêt, avec seulement 25 points en juillet et 50 points en septembre, en partant d’un taux négatif, alors qu’aux USA les taux ne sont pas descendu sous 0%. Bref, le jour et la nuit. C’est pourquoi, en toute logique, si toutefois une logique existe encore sur les marchés financiers, l’euro devrait continuer de baisser face au dollar. Pour l’instant, les banques centrales surveillent. Ainsi le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau : "Ce n’est pas nous, les banques centrales, qui fixons le taux de change (…) mais nous suivons la situation parce que ça compte sur l’inflation." La politique monétaire mis en place par la Banque centrale européenne sera déterminante à l’image de ce que la Réserve fédérale américaine a mis en place.
Parité Euro/Dollar : quels impacts ?
La principale conséquence, et la plus directe, est que cette chute de l’euro par rapport au dollar alimente l’inflation en particulier sur les prix des hydrocarbures. C’est pourquoi les prix des carburants devrait remonter pour les Européens, même avec l’amorce de cette récession tant annoncée. "C’est plutôt une mauvaise nouvelle car cela va nourrir l’inflation", explique sur franceinfo Jean-Paul Pollin, membre du Cercle des économistes. Par exemple, le prix du pétrole est fixé en dollar et si la monnaie européenne baisse par rapport à la monnaie américaine, cela veut dire que le prix en euros va être plus élevé." Si l’euro ne remonte pas rapidement, les prix à la pompe risquent donc de remonter. Un poids supplémentaire sur le portefeuille des ménages alors qu’ils viennent de passer sous les 2 euros le litre récemment en France.
Tous les actifs libellés en dollars augmentent...
C’est la mauvaise nouvelle pour les Européens. En effet, le pétrole, principal source de l’inflation subie actuellement est coté sur les marchés internationaux en Dollars. Indépendamment donc de la propre variation de son cours, pour un cours donné, un acheteur en euros devra débourser davantage afin d’acheter un baril de pétrole brut. Les autres matières premières, à l’instar du cuivre ou de l’or se négocient également en dollars. Pour les fonds d’investissements dont les revenus (distribution) sont versés en EUR, et crédités sur les comptes titres des investisseurs en USD, les investisseurs concernés sont également pénalisés.
Ainsi pour le pouvoir d’achat des Européens, les conséquences sont négatives et se font déjà sentir avec l’inflation. Par exemple, un téléphone qui vaut 500 dollars pouvait être acheté l’équivalent de 420 euros il y a un an quand l’euro valait 1,19 dollar. Désormais, avec la parité, il vaut donc théoriquement 500 euros. Une perte nette de 80 euros de pouvoir d’achat. Les produits non-alimentaires pourraient à leur tour connaître une poussée inflationniste si l’euro poursuit sa chute. Or c’est le cas des 25 catégories de produits les plus achetés en France (informatique, téléviseurs, textile, équipements divers...) sont tous majoritairement importés. Idem pour le carburant : les achats de pétrole son libellés en dollars et le décrochage de l’euro pourrait atténuer l’impact de la baisse des cours observée depuis quelques semaines.
En revanche, les investisseurs percevant des revenus en dollar bénéficient ainsi de la hausse du dollar face à l’euro. Au niveau des sociétés, cela fait dire qu’une entreprise comme Airbus, dont les factures sont émises en dollar, bénéficie de cet envolée du dollar. En revanche, la compagnie aérienne Air France, dont les coûts sont en dollars et les revenus majoritairement en euros, est largement pénalisée.