Rachat d’actions : quel est l’intérêt pour une société cotée de racheter ses propres actions ?
Les sociétés cotées en bourse sont de plus en plus nombreuses à lancer des programmes de rachat de leurs propres actions. Quels sont leurs objectifs ? Est-ce un bon signe ?
dimanche 5 mars 2023, par Denis Lapalus
Rachat d’actions : plus qu’une tendance
Lors des annonces des résultats, les sociétés cotées sont désormais nombreuses à annoncer des programmes de rachat de leurs propres actions. Le plus souvent, ces rachats consistent à annuler les actions ainsi rachetées. Pourquoi ces sociétés mettent-elles ces plans de rachat d’actions en place ? Est-ce un bon plan pour les actionnaires ?
Rachat d’actions strictement encadrée
Un rachat d’actions est une opération par laquelle une entreprise rachète ses propres actions sur le marché. Cette pratique est aujourd’hui tout à fait légale, mais strictement encadrée par les autorités de régulation des marchés financiers, comme la Securities and Exchange Commission (SEC) aux États-Unis ou l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, notamment afin d’assurer une égalité de traitement pour l’ensemble des actionnaires et d’éviter tout risque de manipulation des cours.
Total Energies, LVMH, BNP Paribas...
Ainsi, Total Energies, BNP Paribas, Stellantis... ont annoncé des programmes de rachat d’actions. Ces programmes de rachat d’actions sont une aubaine pour les actionnaires. En effet, cela signifie que le cours des actions de ces sociétés sera soutenu, et devrait probablement progresser, pour une raison simple. Chaque action rachetée pour être annulée vient augmenter mécaniquement la valeur des autres en circulation.
Rachat d’actions 2023
Liste des rachats d’actions annoncés en 2023
Sociétés (ISIN) | Montant total maximum rachat d’actions (en millions d’euros) | Date de fin du programme de rachats d’actions |
---|---|---|
BNP PARIBAS | 5000 M€ | 31 décembre 2023 |
TOTALENERGIES | 2000 M€ | 31 mars 2023 |
LVMH | 1500 M€ | 20 juillet 2023 |
STELLANTIS | 1500 M€ | 31 décembre 2023 |
AXA | 1100 M€ | 16 mai 2023 |
CARREFOUR | 800 M€ | 31 décembre 2023 |
SAFRAN | 650 M€ | 31 mars 2023 |
FDE | 500 M€ | 30 janvier 2024 |
SOCIETE GENERALE | 440 M€ | 31 décembre 2023 |
VINCI | 250 M€ | 29 mars 2023 |
ING | 50 M€ | 7 mars 2023 |
CARMILA | 20 M€ | 29 septembre 2023 |
(source : FranceTransactions.com / publication des sociétés cotées)
Dans sa présentation des perspectives boursières pour 2023, Warren Buffett a qualifié les personnes opposées aux rachats d’analphabètes financiers. Le milliardaire précise que s’opposer aux programmes de rachat d’actions, c’est la preuve que l’on ne comprend pas réellement comment fonctionnent les marchés financiers. Les rachats contribuent à réduire le climat de crainte qui règne sur les marchés alors que les taux d’intérêts ne cessent d’augmenter.
Petits calculs
Afin de bien comprendre pourquoi ces rachats d’actions sont une aubaine pour les actionnaires détenant ces titres, livrons nous à un petit calcul. Supposons que la société ABC possède 200 millions d’euros de liquidités et 10 million d’actions en circulation, au prix de 10 € l’action. Le bénéfice de la société est 5 millions d’euros, soit 50 cents par action (5% par action). Si la société rachète 1 million d’actions afin de les annuler, en utilisant 10 million € de ses liquidités, il restera en circulation 9 millions d’actions en circulation et 190 millions € de liquidités. Le bénéfice par action augmentera algébriquement à 5.55%, soit 55,5 cents par action, pour le même bénéfice. Une hausse de rendement de plus de +10%. Logiquement, le cours de l’action devrait alors grimper au moins d’autant. En effet, de même la part de capital que représente chaque action augmentant de la même proportion (ratio des actions annulées / total des actions en circulation).
Des bémols...
Mais si l’on voit bien que pour l’actionnaire, un programme de rachats d’actions en vue d’annulation est avantageux, il faut pondérer ces programmes, via deux points importants.
1️⃣ Un rachat d’actions ne veut pas forcément dire annulation de ces actions. En effet, deux possibilités s’offrent à l’entreprise ayant racheté une partie de ses propres actions : – les annuler, ce qui entraîne une diminution du capital social de l’entreprise ; – les offrir ou les attribuer à ses salariés et dirigeants, par exemple dans le cadre d’un plan d’actionnariat salarié. Dans ce cas, le rachat d’actions n’apporte aucun avantage aux actionnaires ne faisant pas partie de la société. 2️⃣ La société rachetant ses propres actions ne voit aucune solution d’investissement plus avantageuse que de procéder à son propre rachat. Si la société Apple avait défrayé la chronique en 2021 en empruntant à bon marché pour racheter ses propres actions, l’on peut se demander si l’objectif ne serait pas plutôt de rémunérer indirectement ses plus gros détenteurs d’actions. La redistribution des liquidités de la société aux actionnaires est-elle vraiment une stratégie visionnaire ? Certains en doutes, d’autres pas.