Distinctions (trophées, palmes, top, etc.) des placements financiers : la vérité sur le revers de la médaille

Chaque année les médias financiers nous abreuvent de trophées, médailles et autres distinctions en tous genres. Si certaines distinctions prêtent à sourire pour les épargnants avertis, beaucoup d’épargnants peu avisés ne font pas la différence entre distinction et marketing publicitaire. Décryptage.

lundi 7 novembre 2016, par Denis Lapalus

A l’instar du marché de l’alimentaire, le monde de la finance a sa période de publication de ses récompenses en tous genres. La saison des distinctions (attribution des trophées, médailles, élections du meilleur, du moins cher, du plus beau, du moins pourri, etc.) s’étale de la fin de l’année jusqu’au printemps suivant.

Assurance-vie, trophées, palmes, top... Dans tous les sens

Cela ne vous aura sans doute pas échappé : certains contrats d’assurance-vie, pour le moins moribonds, truffés de frais, aux rendements moyens, reçoivent d’année en année des distinctions : trophée, médaille, oscar, distinction, palmes, lauriers, que sais-je encore...

Troublant. L’historique de leurs rendements passés servant parfois même de critère de sélection. Le contraire de la logique, les performances passées ne préjugent en rien des performances à venir (dixit ces mêmes médias, selon la formule réglementaire à faire figurer sous chaque rendement publié). Or il s’agit des trophées pour l’année en cours ! Qui est capable de déterminer les rendements sur l’année en cours ? Personne. C’est juste du marketing.

Banques, laquelle n’a pas eu son titre de banque la moins chère ?

Du côté des banques, c’est encore plus comique. Certaines banques reçoivent les mêmes distinctions, pourtant de fait exclusives, comme celle de la "banque la moins chère". Surprenant. Elles sont ainsi plusieurs à pouvoir se targuer d’être la moins chère du marché. Evidemment, les petites lignes des mentions relativiseront le point de vue : pour un profil de client spécifique, selon une utilisation spécifique des moyens de paiement, etc... Donc bref, ce n’est pas la banque la moins chère du marché, mais plutôt du marketing grossier.

Enfin, pour que tout le monde gagne, les catégories de produits et profils de client sont multipliés à l’infini. Ces trophées de pacotille sont des pièges à gogos. Ne nous prendrait-on pas vraiment pour des imbéciles ?

Ce sont ces mêmes distinctions que vous retrouvez sur les plaquettes commerciales, comme pour attester de la qualité reconnue du produit financier. Recommandations attribuées par des journaux, des revues, des sites web, mais écrites par des journalistes, donc inattaquables par la DGCCRF. Tout est parfaitement légal. Un journaliste pouvant écrire ce qu’il veut... Liberté d’expression oblige. Ils ne s’en privent pas du reste.

Des récompenses parfois monétisées

Par contre, dès lors que l’attribution d’un trophée est monétisée, ce n’est plus la même chose. C’est de la publicité déguisée. Alors, pour contourner la loi, les rédactions ont trouvé une astuce. Les médias commercialisent le droit à l’image de leurs trophées (la création graphique) et mais non pas l’attribution du trophée en lui-même. La bonne affaire. Là encore, la DGCCRF connaît l’astuce, mais ne peut pas agir, c’est légal.

Les rédactions les moins scrupuleuses (car toutes ne le font pas !), via une société Adhoc, vendent donc uniquement un droit à l’image pour l’utilisation des médailles qui sont attribuées par leurs rédactions. Ainsi, les principaux annonceurs de la place gagnent, chaque année. Mais pour pouvoir utiliser leur médaille, ils doivent payer des droits d’usage de quelques milliers d’euros (entre 3.000 et 8.000€ !). Bref, il faut acheter le droit d’afficher la médaille que l’on a gagnée gratuitement.

Une affluence de médailles, trophées, palmes, tops, etc. Largement ridicules

Difficile pour l’épargnant de s’y retrouver, tant les médailles et autres distinctions décernées sont nombreuses. Chaque rédaction décerne plus de 50 distinctions, en multipliant les catégories, cela devient vraiment du n’importe quoi ! C’est l’école des fans, tous les contrats d’assurance-vie sont distingués, il suffit de multiplier les catégories. Pourquoi chaque média ne décerne-t-il pas un seul contrat d’assurance-vie, une seule banque, une seule mutuelle ? Parce que vous l’aurez compris, des profits sont à la clé...

Distinctions sur des placements financiers distribuées par des journalistes, est-ce bien fiable ?

Il faut reconnaître que les errements des années passées ont été un peu corrigés. Certains millésimes étaient pour le moins déroutant. Il est même arrivé qu’un magazine financier décerne un trophée à un contrat d’assurance-vie qui n’était même plus commercialisé ! Depuis l’an dernier, les critères d’attribution, s’ils restent évidemment totalement subjectifs, sont indiqués de plus en plus clairement. Les bons élèves reconnaissent même ouvertement la totale subjectivité de leurs attributions. Chapeau. Espérons que cela suffise donc aux lecteurs de ne pas en tenir compte.

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