Fiscalité / niches fiscales : un grand débat ? Surtout une grande cacophonie !
Réflexions à voix haute, déclarations polémiques et volte-face : le grand débat agite le gouvernement, qui multiplie les propositions fiscales contradictoires, donnant une impression de cacophonie... même si certains évoquent des ballons d’essai lâchés par l’exécutif.
lundi 25 février 2019, par FranceTransactions.com (avec AFP)
Fiscalité : côté gouvernement, un "grand débat" aux airs de grand bazar
Faut-il raboter les niches fiscales pour les contribuables les plus aisés ? Réduire la fiscalité appliquée aux donations ? Toucher aux plus values sur les résidences principales ? Ou bien encore revoir le nombre et le niveau des tranches d’impôt sur le revenu ?
Depuis début janvier, pas une semaine ne passe sans qu’un ministre n’avance de piste de réforme, disant vouloir alimenter le débat lancé face au "ras-le-bol fiscal" des gilets jaunes. Un "concours Lépine" de la fiscalité parfois ponctué de rappels à l’ordre de Matignon ou de l’Elysée.
Dimanche, la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault a ainsi proposé, dans une interview au JDD, que chaque Français s’acquitte de l’impôt sur le revenu, même à hauteur d’"un euro", afin de "redonner à chacun le sens de l’impôt". "La piste d’un impôt sur le revenu universel n’est pas à l’étude", a fait sèchement savoir quelques heures plus tard l’entourage d’Edouard Philippe, rappelant dans une déclaration à l’AFP que l’engagement pris par le gouvernement était "bien" de "baisser" les impôts.
Le gouvernement tâtonne
Cetépisode, loin d’être isolé, est venu s’ajouter à une liste déjà longue de couacs gouvernementaux depuis le lancement du "grand débat". "Sur les sujets fiscaux, on sent que le gouvernement tâtonne", souligne Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’institut Ifop.
Fin janvier, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a ainsi proposé de réduire les niches fiscales pour les contribuables les plus riches, en échange d’un geste pour les classes moyennes : une piste écartée quelques jours plus tard par Emmanuel Macron, selon plusieurs médias.
Mi-février, François de Rugy et Brune Poirson — respectivement ministre et secrétaire d’Etat à la Transition écologique — se sont à leur tour fait reprendre au vol après s’être prononcés pour un retour de la taxe carbone. Hors de question d’"augmenter la pression fiscale", a prévenu Edouard Philippe.
Ajoutés aux prises de position divergentes de la majorité sur les droits de succession, sur l’ISF et sur la taxe d’habitation, ces signaux contradictoires ont fait naître une impression de flottement au sein de l’exécutif, alors que le mystère demeure sur les mesures qui seront retenuesà l’issue du "grand débat".
Questions inflammables
Pourquoi cette cacophonie ? Côté gouvernement, on justifie ces prises de position contradictoires par la liberté laissée à chaque ministre de s’exprimer dans le cadre du grand débat. "La proposition que j’ai faite, elle sera prise ou pas. En tous cas j’y contribue comme citoyen", a avancé la semaine dernière Gérald Darmanin.
"Les questions de fiscalité sont des questions inflammables, cela explique sans doute les hésitations" de l’exécutif, avance de son côté Frédéric Dabi, pour qui le gouvernement se trouve dans une situation "inconfortable" : "il doit tenir compte du ras-le-bol fiscal tout en faisant attention au dérapage du déficit", souligne-t-il.
Le fait de souffler le chaud et le froid pourrait aussi — selon certains observateurs — être une façon de lancer des "ballons d’essai", destinés à observer les réactions de l’opinion sur certaines mesures.
"C’est quand même curieux d’avoir une ministre qui, sur une double page dans le JDD, avance une proposition et deux heures après est démentie par le Premier ministre, dont on sait qu’il avait lu l’interview au préalable. Si ça n’est pas un ballon d’essai, ça y ressemble", a ironisé Ian Brossat, têtede liste PCF pour les européennes, sur BFMTV.
Un avis partagé par Frédéric Dabi. "Il y sans doute des éléments visant à tester l’opinion. L’idée, c’est de faire en sorte que les Français aient moins l’idée que le système est opaque et que l’impôt est injuste", estime le politologue, qui évoque une "succession de petits cailloux" posés dans une perspective de "long terme".
L’équation "ne se résoudra pas en quelques semaines, mais l’avantage du grand débat c’est qu’il peut permettre d’ouvrir des chantiers de longue haleine", a assuré dimanche le président du Modem, François Bayrou.