Livret A, taux gelé pendant 2 ans, mais qui veut la peau du livret A ?
Secret de polichinelle, Bruxelles a, depuis de nombreuses années, le livret A dans le collimateur. La proposition de figer le taux du livret A par le gouvernement Macron offrirait une porte de sortie élégante pour la première niche fiscale de France. Une opportunité d’avoir la peau du livret A, tout en douceur...
jeudi 14 septembre 2017, par Denis Lapalus
Taux figé du livret A pendant 2 ans... La mort du livret A à petit feu est en marche. Entre Bruxelles, les assureurs et les banques étrangères, de nombreux acteurs voudraient bien avoir la peau du livret A. L’agonie du livret A est en marche.
Vers une lente agonie du livret A, tout en protégeant la sensibilité des Français sur ce sujet...
Le livret A n’est pas à destination des Français les plus modestes ! Ces derniers ont en effet le LEP (livret epargne populaire), bien plus avantageux, à leur disposition. Le Livret A convient davantage aux épargnants aisés, largement imposés sur les revenus. Cette niche fiscale permet de placer à bon compte, et pour tous les membres de la famille un pécule important (91.800 € pour une famille de 4 personnes, sans compter les 2 LDDS...), sans la moindre fiscalité, ni prélèvements sociaux. Le fait de (re)passer au 1er janvier 2018, au prélèvement libératoire forfaitaire, comme avant 2012, via le PFU (Flat Tax) n’y changera rien. Le livret A est une spécificité française, unique en Europe, qui ne respecte en rien les règles de la concurrence.
Un taux figé pendant 2 ans, pour protéger les épargnants ? La bonne blague...
Le taux du livret A sera gelé pour les deux années à venir. Selon l’équipe aux commandes du pays, il s’agit de protéger les épargnants contre la chute des taux d’intérêt et l’absence d’inflation pour les deux années à venir. Quel vista ! Connaître l’évolution des taux sur les deux années à venir, alors qu’à l’horizon de 3 mois, personne n’est capable de la définir avec certitude, c’est fort.
Ce qui est encore plus étrange, c’est que le gouvernement anticipe par ailleurs une hausse des taux d’intérêts, avec la reprise de la croissance pour les années à venir. Mince alors...
Bruxelles somme la France depuis des années de mettre un terme au livret A
En application des règles de non-distorsion de la concurrence, il faut bien avouer que la présence du livret A en France est un camouflet de premier ordre. Référence des référence de l’épargne de précaution en France, le livret A n’a aucun sens dans une société ouverte à la concurrence.
L’utilité du livret A pour le financement des logements sociaux peut-être largement remise en cause. Les fonds disponibles, centralisés à la CDC (70% des dépôts effectués en banque), sont trois fois plus importants que nécessaire. Une décollecte massive du livret A ne changerait pas la donne. Le souci des logements sociaux, c’est le manque de foncier, pas son financement. Comment font donc les autres pays européens pour financer leurs logements sociaux ?
De leur côté, les banques ponctionnent des frais pour la gestion du livret A. C’est l’Etat qui régale à tous les niveaux. Les frais étaient de 1% ces dernières années, ils ont été abaissés récemment, un abus sensiblement réduit. Pour les banques, c’est une manne bien sympathique, car cela leur permet également de fidéliser leurs clients.
Les banques étrangères ont la hantise du livret A
Si les banques étrangères, présentent sur le sol français, peuvent évidemment proposer le livret A, elles sont moins enclines à jouer avec cette concurrence étatique. Par ailleurs, sans connaissance marquée de l’affectif des Français pour ce livret, difficile pour elles de bien appréhender le marché de l’épargne.
Les assureurs voient le livret A comme un concurrent des fonds euros
Alors que la finalité des deux placements est aux antipodes, le livret A servant à rémunérer les liquidités, l’assurance-vie étant un placement long terme, les assureurs voient, de toute façon, le livret A comme une anomalie de marché. Avec la baisse des rendements des fonds euros, le livret A s’affirme comme un concurrent des fonds euros. Les assureurs ne seraient pas mécontents de la disparition du livret A. Ils pourraient alors mettre en avant l’usage de contrats d’Assurance-Vie, comme de simples livrets épargne, enfin, en théorie.
Livret A : une carte politique avant tout
Certains gouvernements avaient tenté par le passé de calmer le jeu en instituant une formule de calcul du taux proposé aux Français. Une formule dont le résultat était bien peu fréquemment suivi, une farce de plus.
Non, le livret A est véritablement une carte politique, une carotte pour les élections. La promesse de Mr Hollande d’en relever son plafond des versements en était la preuve marquée : d’aucune utilité pour les logements sociaux, l’objectif visé était bien électoraliste.
Alors sous couvert d’une protection des épargnants, en fixant un taux à 0.75% pour les deux années à venir, alors que personne ne peut prévoir ce que seront les taux dans trois mois, c’est juste dire autrement : préparez-vous la fin du livret A, ce serait dans moins de cinq ans. Et au final, pourquoi pas... Passons à autre chose.