L’Europe voit rouge, un taillage à la serpe des obligations réglementaires de la finance verte (CSRD)

Sous prétexte d’une hausse de la compétitivité des entreprises européennes, les règles imposées au secteur de la finance verte vont être recyclés verticalement à la poubelle. Le greenwashing pourra faire son grand retour.

vendredi 28 février 2025, par Denis Lapalus

Taillage à la serpe du CSRD

La Commission européenne s’apprête à publier un plan d’allègement de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), répondant ainsi aux inquiétudes des entreprises face à la complexité des normes de reporting extra-financier. Cette initiative, qui s’inscrit dans le cadre de la loi Omnibus est largement discutée. Les impacts pourraient être les suivants :

  • Un assouplissement des réglementations pourrait réduire la pression sur les entreprises pour qu’elles adoptent des pratiques plus durables.
  • Cela pourrait également limiter la transparence des informations environnementales et sociales, rendant plus difficile l’évaluation de l’impact réel des entreprises.
  • Un allègement des règles pourrait faciliter les pratiques de greenwashing, c’est-à-dire la communication trompeuse sur les performances environnementales des entreprises.

80% des entreprises françaises satisfaites !

80% des entreprises sont satisfaites de la CSRD et en demande avant tout de soutien et d’allègements. Cette consultation inédite menée en ligne et sur les réseaux sociaux a été organisée par makesense, à l’initiative de 24 organisations expertes de la RSE. Les entreprises, notamment ETI et PME n’ont pas eu voix directe au chapitre dans le cadre de la consultation organisée par la Commission Européenne sur ce projet. Près de 300 cadres et dirigeants français en entreprise (DG, DAF, directions RSE, directions des risques), responsables de la préparation à la CSRD pour leur organisation, ont pu s’exprimer à l’occasion d’une Consultation Nationale lancée le 10 février 2025, en amont des échanges européens sur la loi Omnibus portant le projet de réforme de la CSRD, de la CS3D et de la taxonomie verte.

Certaines entreprises ayant répondu sont très avancées (30% ont déjà choisi leur auditeur de durabilité) et d’autres (17%) n’ont pas encore commencé leurs travaux de préparation, montrant une bonne représentativité du panel. 78% des répondants sont issus d’entreprises dites de la deuxième vague, c’est-à-dire des PME et ETI non cotées qui publieront en 2026. Le reste des répondants travaille dans des entreprises cotées qui ont déjà réalisé les travaux de préparation et publient dans les prochaines semaines (11%), dans des entreprises publiant leur rapport de manière volontaire par ailleurs (10%) et 1% dans des PME cotées (publication en 2027). Ces résultats devraient nourrir les réflexions des décideurs politiques français et européens (Ministres du Conseil Européen, Députés Européens) qui seront appelés à voter le texte final cette année.

Greenwashing II, le retour

Le greenwashing, ou écoblanchiment en français, est une pratique de communication trompeuse utilisée par certaines entreprises, organisations ou institutions pour se donner une image de responsabilité écologique, alors que leurs actions réelles ne sont pas à la hauteur des affirmations avancées.

Philippe Vachet, Directeur de l’Agence LUCIE, alerte : « Il est choquant de voir à quel point la CSRD est attaquée de manière injustifiée, on entend parler de 12000 points de contrôle obligatoires, ce qui est totalement faux, il y en a un peu plus de 1000 possibles et la réalité est autour de 500 dont moins d’un tiers de quantitatifs et nombre d’entre-eux sont « cumulatifs » c’est-à-dire qu’on demande de rédiger un texte expliquant une position et intégrant plusieurs points, chacun des points est considéré comme un indicateur, donc on répond avec 1 seul texte à plusieurs indicateurs. La question est surtout de clairement et ouvertement rassurer les entreprises sur les niveaux d’exigences qui doivent rester élevés sur ce qui est essentiel, et en effet assouplis ou facilités sur ce qui ne l’est pas.

Par exemple, il semble qu’il y a clairement un décalage entre le niveau d’exigences pressentis par les entreprises, voir les évaluateurs, et le niveau réel d’attentes de la directive. En particulier sur l’analyse de matérialité, si des méthodes d’évaluation sont suggérées, il semble que des entreprises ont passé plus de temps à se demander comment exclure un sujet qu’à tout simplement le traiter. C’est ce que nous recommandons vivement : emparez-vous d’un maximum de sujets, mais traitez-les avec le niveau adapté à votre taille et vos enjeux, nombre d’indicateurs sont facultatifs, et nombre d’indicateurs peuvent facilement être désactivés sans avoir à y passer beaucoup de temps. Par ailleurs nombre d’indicateurs précisent que l’exigence est limitée aux enjeux importants. Si tel est le cas cette analyse est profondément utile à l’entreprise, ne l’oublions pas, la démarche est vertueuse. C’est pourquoi nous insistons sur le fait de travailler de concert entre son plan d’action RSE et son reporting RSE. »

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