Pourquoi la notation de la dette française n’a rien d’équivalente à un 17 sur 20 ?
Une idée reçue, souvent entendue sur les médias financiers, la notation de la dette française serait identique à un 17 sur 20. Une erreur de jugement largement répandue, et facilement explicable.
lundi 6 janvier 2025, par Denis Lapalus
Baisse de la notation de la dette française
Le 13 décembre 2024, l’agence Moody’s abaissait la note de la dette française au rang de Aa3. Plus tôt dans l’année, en juin, une autre agence de notation américaine, davantage scrutée par les investisseurs, avait abaissé la note française de AA à AA−. Ces baisses de note n’ont encore que peu d’effet sur les taux d’emprunt du pays, car elles étaient largement anticipées par les investisseurs. C’est pourquoi certains commentateurs financiers n’ont pas hésité à indiquer que la note française correspondait encore à un 17 sur 20. Une allégation erronée, puisque l’échelle de notation des agences de notation n’est pas linéaire. Il ne s’agit pas d’un système de notation comme nous l’avons connu durant nos périodes scolaires, sur une échelle linéaire allant de 0 à 20.
Note de la capacité à rembourser, et non pas de la dette en elle-même
Les agences de notation ne notent pas le ratio de dette des pays en tant que tel, mais ses estimations de capacité à rembourser cette même dette sans faire défaut (non remboursement des intérêts et capital sous un horizon de 12 mois). Cette capacité dépend avant tout des taux d’intérêts de marché, lié aux investisseurs eux-mêmes. Il s’agit d’un cercle vertueux ou vicieux, selon les anticipations des investisseurs.
La note française n’est pas équivalente à un 17 sur 20
De nombreux commentaires tentent de rassurer les Français en ramenant la notation de la dette française par les agences de notation. Il est vrai que la notation de la dette française n’a rien d’inquiétant, pour le moment. Pour autant, ramener les notations des agences à une échelle scolaire allant de 0 ou 1 à 20 induit en erreur. À partir d’une certaine note, correspondant au 9e échelon, la qualité de la dette décroit bien plus rapidement. C’est la distinction effectuée par les investisseurs entre les dettes d’investissements et les dettes à haut rendement (et donc à hauts risques).
Il est faux de dire que la notation de la dette française, publiée par les agences de notation, est équivalente à un 17 ou 18 sur 20. Cette affirmation repose sur une méconnaissance de la façon dont les agences de notation évaluent la solvabilité des États. Voici pourquoi cette comparaison est incorrecte :
- Les agences de notation n’utilisent pas une échelle de 0 ou 1 à 20,
- Échelle alphanumérique : Les agences de notation (comme S&P, Moody’s et Fitch) utilisent des échelles alphanumériques (AAA, AA+, AA, AA-, etc.) pour évaluer la qualité crédit d’un emprunteur, qu’il s’agisse d’un État, d’une entreprise ou d’une collectivité locale. Ces notes reflètent la capacité de l’emprunteur à honorer ses engagements financiers.
- Critères multiples : La notation ne se résume pas à un simple chiffre. Elle est basée sur l’analyse de nombreux facteurs économiques, politiques et financiers, tels que :
- La stabilité politique
- La croissance économique
- Le niveau d’endettement
- La situation budgétaire
- La flexibilité de la politique économique
- Les risques spécifiques au pays
- Nuances : Les notes attribuées par les agences de notation sont des appréciations qualitatives, qui prennent en compte un ensemble de facteurs complexes. Il n’y a pas de correspondance directe entre une note et un pourcentage.
- Évolution dans le temps : Les notations peuvent évoluer dans le temps, en fonction de l’évolution de la situation économique et financière du pays.
Echelle de notation, le seuil du high-yield
Dette : échelle de notation des agences
Rating (notation) des obligations : Echelle de notation
Niveau | Exposition aux risques | Moody’s | Standard & Poor’s / Fitch | Significations |
---|---|---|---|---|
1 | Aaa | AAA | Situation de l’émetteur excellente, perspectives d’activité et d’équilibre financier les meilleures, aptitude sans réserve à assurer le service et l’amortissement de la dette. | |
2 | Aa1 | AA+ | Mêmes critères que niveau 1 mais à un degré moindre. | |
3 | Aa2 | AA | Mêmes critères que niveau 2 mais à un degré moindre. | |
4 | Aa3 | AA- | Mêmes critères que niveau 3 mais à un degré moindre. | |
5 | A1 | A+ | Forte aptitude de l’émetteur à assurer de façon normale le service et le remboursement de la dette, mais sensibilité à l’environnement ou aux évolutions techniques qui peut introduire une légère incertitude pour l’équilibre financier à long terme, sans pour autant mettre en cause la bonne fin des créances. | |
6 | A2 | A | idem niveau 5 mais à un degré moindre. | |
7 | A3 | A- | idem niveau 6 mais à un degré moindre. | |
8 | Baa1 | BBB+ | Capacité satisfaisante de l’émetteur à assurer le service et le remboursement de la dette, mais activité s’exerçant sur un marché étroit ou instable entraînant des risques réels d’évolution négative en cas de situation économique défavorable. | |
9 | Baa2 | BBB | Idem niveau 8 mais à un degré moindre | |
10 | Baa3 | BBB- | Idem niveau 9 mais à un degré moindre | |
11 | Ba1 | BB+ | Service et remboursement des créances comportant une incertitude croissante. | |
12 | Ba2 | BB | Idem niveau 11 mais à un degré supérieur | |
13 | Ba3 | BB- | Idem niveau 12 mais à un degré supérieur | |
14 | B1 | B+ | Créances risquées | |
15 | B2 | B | Idem niveau 14 mais à un degré supérieur | |
16 | B3 | B- | Idem niveau 15 mais à un degré supérieur | |
17 | Caa | CCC+ | Créances en défaut de paiement prévisible à court terme. | |
18 | Ca | CCC | Créances en défaut de paiement prévisible à court terme. | |
19 | C | CCC- | Créances en défaut de paiement prévisible à court terme. | |
20 | / | D | Créances en défaut de paiement. |
Pourquoi cette confusion ?
Les raisons sont évidentes et sont même reprises par les générateurs de contenus automatisés :
- Méconnaissance du système de notation : Le public a souvent une vision simplifiée des notations, les assimilant à des notes scolaires.
- Besoin de repères simples : Comparer une notation à un pourcentage permet de se faire une idée plus intuitive de la qualité de la dette.
En conclusion, comparer la notation de la dette française à une note scolaire sur 20 est une simplification excessive. Les agences de notation utilisent des méthodes d’évaluation complexes et leurs notes reflètent une appréciation globale de la capacité de l’État à honorer ses engagements.