Le fonds souverain norvégien a perdu 170 milliards d’euros de valorisation au premier semestre 2022
Pire semestre depuis la crise financière de 2008, le fonds norvégien a vu sa valorisation chuter de 14.4%, soit la bagatelle de 170 milliards d’euros. Mais rien de grave, les recettes du pétrole continuent de couler à flot, encore 36 milliards d’euros de liquidité versés cette année... De quoi moyenner les prix de revient des actions à la baisse.
jeudi 18 août 2022, par Denis Lapalus
Ce qui s’appelle glisser au fonds du fjord...
Le fonds souverain norvégien c’est le fonds de pension des Norvégiens, toute la richesse du pays, issu du pétrole, capitalisé pour tous les habitants. Cet argent investi sur les marchés financiers internationaux l’est au bénéfice des générations futures du pays, quand la manne pétrolière se sera tarie dans quelques décennies. C’est le plus grand fonds souverain au monde, d’une valorisation totale de 1.250 milliards d’euros à mi-août 2022. Fortement exposé en actions à près de 70%, ce fonds a logiquement connu une chute de 14,4 % de sa valorisation au premier semestre 2022. La perte semestrielle la plus importante depuis 2008, soit pas moins de 170 milliards d’euros de dépréciation. Mais rien de grave.
Jusqu’à 500 milliards d’euros de pertes envisagées
Nicolai Tangen, le dirigeant du fonds souverain norvégien , avait même averti que le fonds d’investissement étatique pourrait perdre en plusieurs années jusqu’à 500 milliards d’euros dans un environnement dégradé. En six mois, 170 milliards d’euros se sont déjà volatilisés. Sa perte des 6 premiers mois dépasse l’ensemble des gains réalisés en 2021 ( 157 milliards d’euros ). Le rendement du fonds a toutefois moins baissé que son indice de référence, ce qui lui a fait économiser autour de 16 milliards d’euros. Les 272 gérants, analystes et traders du fonds ont prouvé que contrairement aux critiques, ils n’étaient pas de simples fonctionnaires de la gestion, sans valeur ajoutée. Leur marge de manœuvre et leur flexibilité restent néanmoins limitées et encadrées. Les gérants externes sélectionnés par le fonds ont aussi permis d’amortir la chute des marchés.
Pas de vente à découvert, donc aucun moyen de jouer la baisse des marchés
A la différence du hedge fund (AKO Capital) qu’avait fondé dans la première partie de sa carrière Nicolai Tangen , la vente à découvert n’est pas autorisée au fonds pétrolier norvégien rappelle Les Echos. Elle permet pourtant de limiter les pertes dans les phases de chute des marchés. La remontée des taux et la correction des Bourses mondiales pénalisent ainsi fortement le fonds, qui n’est investi pour l’essentiel que sur deux classes d’actifs, actions et obligations. L’immobilier non coté, qui offre une protection contre l’inflation, lui a rapporté 7,1 % sur les 6 premiers mois de l’année, mais il ne représente que 3 % de ses capitaux.
Si le fonds norvégien vend... Les places financières chutent
La taille de ce fonds est telle, que si le fonds norvégien se met à vendre des titres, afin de réduire ses risques, il pousserait de facto les marchés financiers vers la baisse. Son poids étant élevé (1.5% de toutes les positions mondiales) par rapport aux autres acteurs du marché, chacune de ces décisions influence directement les cours de bourse.
Un fonds investi à près de 70% en actions
Les actions ( 68,5 % de ses actifs ) ont plongé de 17 %. Le secteur qui a subi la plus forte baisse est celui de la technologie (-28 %). Le fonds a été pénalisé par ses investissements massifs dans Meta, Amazon, Apple, Microsoft, Alphabet, Tesla et Netflix . En revanche, les valeurs du secteur pétrole-énergie (13 %) lui ont permis de gagner de l’argent, notamment au travers des investissements dans Shell et Exxon Mobil.
Près de 28% en obligations
Mais si la hausse des matières premières a dopé ce secteur, elle a aussi alimenté l’inflation et le fort rebond des taux. Sans surprise, le portefeuille obligataire (28,3 % des actifs) du fonds souverain norvégien a cédé 9,3 %. Dans sa réallocation de capitaux, l’investisseur a privilégié la dette d’Etat américaine (treasuries) et canadienne au détriment notamment des dettes françaises, italienne et anglaise.
Remontée des cours
Grâce au rebond cet été des marchés boursiers, qui concentrent l’essentiel de ses placements, les actifs du fonds sont de nouveau proches de l’équilibre à la mi-août, à 1.250 milliards d’euros, soit trois fois le produit intérieur brut de la Norvège de 2021.
Nouveau versement de 36 milliards d’euros grâce au pétrole
Cette année, grâce à l’envolée des cours du pétrole, le fonds a reçu 36 milliards d’euros de l’Etat norvégien. Ces liquidités supplémentaires vont lui permettre d’investir progressivement quand les actions chutent, ce qui permettra normalement de profiter davantage des rebonds des marchés boursiers. Toutes classes d’actifs confondues, les Etats-Unis restent la principale zone d’investissement du fonds avec près de 45 % de ses capitaux. Cette année, la France (4,5 % des actifs) a rétrogradé d’une place de la 4e à la 5e place au bénéfice de la Suisse (4,7 %).