Renouvellement de bail commercial : une demande adressée uniquement à l’usufruitier est nulle
A l’heure où la suppression de l’ISF et la mise en place de l’IFI annoncent que l’avenir de l’immobilier serait dans le démembrement de propriété, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la demande de renouvellement adressée par un locataire commercial, uniquement à son bailleur usufruitier, encourt la nullité.
lundi 8 janvier 2018, par Nicolas Sidier et Aurélie Pouliguen-Mandrin
La demande de renouvellement d’un bail commercial adressée uniquement à l’usufruitier est nulle [1]
Ce locataire exploitait une activité de boucherie-charcuterie-traiteur dans des locaux qui lui avaient été donnés à bail en 1988 par deux époux. Le bail avait été renouvelé en 1998 par un acte auquel était intervenu le fils des bailleurs qui était devenu nu-propriétaire à la suite du décès de son père, sa mère étant restée usufruitière.
Le bail renouvelé venu à échéance s’était poursuivi ensuite par tacite prolongation. Afin d’éviter que sa durée effective ne dépasse douze ans et de risquer un déplafonnement du loyer, le preneur avait délivré une demande de renouvellement. Cette demande n’avait toutefois été notifiée qu’à l’usufruitière c’est-à-dire la partie qui facturait le loyer.
Les bailleurs ont attendu que la durée du bail dépasse les 12 ans pour offrir le renouvellement en déplafonnant le loyer. Ils poursuivaient également l’annulation de la demande de renouvellement délivrée par le locataire.
La Cour de Cassation saisie une première fois en 2014 avait retenu que l’usufruitière n’avait pas le pouvoir d’acquiescer sans le concours du nu-propriétaire à la demande de renouvellement. [2]
L’affaire revenait une nouvelle fois devant la Cour de Cassation qui a rejeté le pourvoi du locataire et réaffirmé « qu’ayant relevé que la demande de renouvellement du bail commercial avait eu pour unique destinataire l’usufruitière du bien loué, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche ou de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ».
La solution aurait-elle été différente si le preneur n’avait pas été tenu informé du démembrement du droit de propriété de ses bailleurs ? C’est possible, mais en l’occurrence tel n’était pas le cas, puisque le nu-propriétaire était intervenu à l’acte de renouvellement.
Cette décision est conforme aux exigences de l’article 595 alinéa 4 du Code civil qui dispose : « L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. »
La même solution s’applique au renouvellement du bail commercial [3].
Compte tenu de la gravité de la sanction encourue, l’on ne peut que conseiller aux preneurs d’anticiper leur demande de renouvellement et d’user de l’interpellation interrogatoire instituée à l’article 1158 du Code civil, par l’ordonnance du 1er octobre 2016 dans le cadre de la réforme du droit des obligations. Le preneur pourrait ainsi s’assurer de la régularité de sa demande de renouvellement, ou le cas échéant en cas de défaut de réponse du bailleur, couvrir une éventuelle nullité.