Gestion pilotée en assurance-vie / PER : ces nouvelles règles ubuesques en vigueur dès le 24 octobre 2024

Les épargnants ayant opté pour une gestion pilotée en assurance-vie ou sur leur PER seront surpris par ces nouvelles règles régissant les allocations de portefeuille à compter d’octobre 2024.

mercredi 7 août 2024, par Denis Lapalus

L’arrêté du 1er juillet 2024 instaurant une gestion pilotée profilée en ce qui concerne les contrats de capitalisation et certains contrats d’assurance vie a été publié au Journal Officiel du 6 juillet 2024, n°159. Ce décret entre en application au 24 octobre 2024.

Allocations en assurance-vie : ne plus faire vraiment n’importe quoi ?

Relative bonne nouvelle : votre intermédiaire financier (courtier, conseiller en gestion de patrimoine, etc.) ne pourra plus, réglementairement parlant, vous proposer de placer à 70% sur des unités de compte à risque de perte en capital, si vous avez un profil d’investisseur prudent. La bonne blague ! Les assureurs et gérants de mandats de gestion en assurance vie sont tenus de respecter des allocations minimales sur des actifs à faible exposition au risque pour chaque type de profil de gestion.

Seulement 3 profils d’investisseurs retenus !

Là aussi, c’est une surprise. Désormais la réglementation ne comprend plus que 3 profils d’investisseurs, au lieu des 4 décrits par le passé dans le manuel du bon Conseiller en Gestion de Patrimoine. Oubliez donc les profils Défensif ou encore Agressif, cela n’existe plus que dans les mauvais articles contenant de piètres conseils financiers. Ainsi, désormais les épargnants peuvent être uniquement qualifiés de prudents, équilibrés et dynamiques. Exit donc également le profil sécuritaire, si cher à près de la moitié des épargnants ! Ces épargnants averses aux risques, investis sur les fonds euros. Encore l’effet du lobbying des assureurs ?

Profils d’investisseurs et allocations d’actifs

Profils d’investisseursAllocation fonds euros (% min)Private equity (% min)
Prudent50% (30% si horizon > 10 ans)0 %
Équilibré30% (20% si horizon > 10 ans)4 %
Dynamique20% (10% si horizon > 10 ans)8 %
Source : décret du 1er juillet, publié au JO du 6 juillet 2024, applicable au 24 octobre 2024. Réallocation obligatoire tous les 6 mois. Le décret ne mentionne pas fonds en euros mais indique investissement à faible risque.
  • Profil prudent : Peuvent être qualifiés de prudent les profils d’investissement dont la part des engagements présentant un profil d’investissement à faible risque est au minimum égale à 50 % de l’encours. Par dérogation, si l’horizon de détention du souscripteur ou de l’adhérent est supérieur à 10 ans à la date de souscription du contrat ou d’actualisation de son profil, cette part est au minimum égale à 30 %.
  • Profil équilibré : La part des engagements présentant un profil d’investissement à faible risque est au minimum égale à 30 % de l’encours. Par dérogation, si l’horizon de détention du souscripteur ou de l’adhérent est supérieur à 10 ans à la date de souscription du contrat ou d’actualisation de son profil, cette part est au minimum égale à 20 %, La part des versements vers des unités de compte constituées de catégories d’organismes de placements collectifs et de titres de sociétés commerciales mentionnées au III est au minimum égale à 4 % ;
  • Profil dynamique : La part des engagements présentant un profil d’investissement à faible risque est au minimum égale à 20 % de l’encours. Par dérogation, si l’horizon de détention du souscripteur ou de l’adhérent est supérieur à 10 ans à la date de souscription du contrat ou d’actualisation de son profil, alors cette part est au minimum égale à 10 % ; La part des versements vers des unités de compte constituées de catégories d’organismes de placements collectifs et de titres de sociétés commerciales mentionnées au III, est au minimum égale à 8 %.

C’est assez lunaire, mais c’est ainsi. Un conseiller peut donc inciter un épargnant ayant un profil prudent, à miser 50% de son capital sur un ETF MSCI World Index. Il respecterait ainsi cette nouvelle réglementation, et tant pis si les marchés américains chutent lourdement. Le recours à cet argument éternel du placement sur le long terme serait alors nécessaire pour justifier cette allocation hasardeuse. Sur un horizon de 8 ans, les marchés actions vont bien finir par remonter un jour. En revanche, l’épargnant pourrait certainement demander des comptes à son conseiller, en cas de chute du marché actions américain. Car cela n’ayant effectivement rien de prudent comme approche.

Obligations d’investir dans les actifs non cotés (private equity)

Mais ce n’est pas tout. Ce décret impose également un investissement obligatoire dans des actifs non cotés (private equity). Cela tient du non sens absolu. Forcer un investisseur à miser sur une classe d’actif particulière n’est clairement pas un bon signal envoyé aux investisseurs. Ainsi, pour les profils équilibré et dynamique, les allocations en gestion pilotée seront automatiquement chargées en private equity, selon les modalités suivantes :

  • Profil équilibré : 4 % de l’encours doit être alloué à des fonds de capital-investissement par exemple, ou à des fonds immobiliers non cotés.
  • Profil dynamique : 8 % de l’encours doit être placé sur des actifs non cotés. Cette proportion plus conséquente reflète la capacité des épargnants adoptant ce profil à supporter un risque plus élevé.

L’objectif affiché de cette mesure est de diversifier les investissements des contrats d’assurance vie et de soutenir le financement des entreprises non cotées, qui jouent un rôle important dans l’économie réelle. Mais évidemment, personne n’est dupe, compte-tenu du niveau des frais de gestion.

Les assureurs se frottent les mains

Cela sent le lobbying à outrance de la part des assureurs pour caser leurs lignes de private equity. Ces derniers se frottent évidemment les mains, puisque le private equity est sans conteste une source de revenus supplémentaires. Des valorisations opaques, des frais empilés jusqu’à plus soif au sein de ces fonds, le plus souvent de seconde main, dont les institutionnels ne veulent plus. Si certains fonds de private equity semblent irréprochables, la majorité sentent le souffre. Le décret prévoit néanmoins des dérogations aux obligations d’investissement sur des actifs à faible risque et non cotés pour les contrats d’assurance vie dont l’horizon de détention est supérieur à 10 ans.

Réallocation obligatoire au moins 1 fois par semestre !

Le décret précise une bonne chose pour les épargnants : « Les seuils concernant les engagements présentant un profil d’investissement à faible risque mentionnés au présent article s’apprécient au moment des réallocations qui interviennent au minimum une fois par semestre. »

Le décret précise par ailleurs les modalités de calcul des proportions, en cas d’arbitrage : « Lorsque des montants sont réaffectés à un profil, en provenance d’un autre profil ou d’un autre mode de gestion, ces montants réaffectés sont considérés comme des versements pour l’application du présent article. »

Il est à noter que ce décret concerne également les contrats de capitalisation ainsi qu’évidemment que les PER en gestion pilotée.

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