Immobilier et loi sur le pouvoir d’achat : de nouveaux dégâts collatéraux pour les particuliers bailleurs
La loi sur le pouvoir d’achat et ses multiples mesures ne sont pas favorables à l’immobilier locatif. PAP fait la synthèse des impacts pour les particuliers bailleurs. La note s’alourdit encore un peu plus.
mercredi 3 août 2022, par Denis Lapalus
La loi pour la protection du pouvoir d’achat amène un nombre impressionnant de nouvelles mesures. Une partie d’entre elles concerne aussi les propriétaires bailleurs et les locataires. Les juristes de PAP ont décrypté les conséquences de cette loi pour l’immobilier.
Loyers plafonnés à 3,5 %
Depuis une loi du 8 février 2008 « pour le pouvoir d’achat », l’indice de révision des loyers (IRL) est calculé sur l’évolution des prix à la consommation. Mais ces derniers mois, l’inflation explose pour atteindre des niveaux plus connus en France depuis longtemps : entre 8 et 10 % sont attendus fin 2022 ! Conséquence pour les locataires : le dernier indice de révision de loyer, sorti le 13 juillet 2022, permet une hausse des loyers de 3,6%, et ce pourcentage ne peut qu’augmenter dans les prochains mois. Pour protéger le pouvoir d’achat des locataires de hausses insoutenables, le Gouvernement a donc décidé de prévoir un plafonnement de l’indexation. Le plafonnement de l’indexation est fixé à :
- 3,50 % en France métropolitaine ;
- 3,50 % en Corse mais ce taux pourra y être baissé jusqu’à 2 % près consultation pour avis de l’assemblée de Corse ;
- 2,50 % en Outre-mer
Renforcement de l’encadrement des loyers
Dans vingt-quatre villes de métropole s’applique aujourd’hui un encadrement des loyers consistant en un plafonnement des loyers d’habitation (Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Bordeaux, Montpellier, Plaine Commune et Est Ensemble). Cette mesure s’y justifie notamment par un niveau élevé des loyers. Or, la loi elle-même permet un dépassement du plafond, appelé « complément de loyer », lorsque le logement dispose de caractéristiques de confort ou de localisations relativement exceptionnelles. La loi ne définit cependant pas la nature de ces caractéristiques… pas plus que leur valorisation.
Complément de loyer soumis à conditions
Résultat, le complément de loyer est fréquent. D’après une étude menée sur les annonces de location publiées sur PAP à Paris en 2021, 42,1% des annonces appliquent un complément de loyer. Le phénomène est encore plus marqué sur les surfaces de moins de 20 m², qui appliquent un complément de loyer à 73,2 %... ce qui ne les empêche pas d’être les biens qui reçoivent le plus de contacts (entre 60 et 80 en moyenne). Face à ce constat, la loi pouvoir d’achat liste les défauts des logements qui ne peuvent faire l’objet de complément de loyer. Ainsi, un logement ne pourra plus faire l’objet d’un complément de loyer :
- S’il dispose de sanitaires sur le palier ;
- En présence de signes d’humidité sur certains murs ;
- S’il est de classe F ou G s’agissant de son niveau de performance énergétique ;
- Si des fenêtres laissent anormalement passer l’air (hors grille de ventilation) ;
- En présence d’un vis-à-vis de moins de dix mètres ;
- En cas d’infiltrations ou d’inondations provenant de l’extérieur du logement ;
- En cas de problèmes d’évacuation d’eau au cours des trois derniers mois ;
- En présence d’une installation électrique dégradée ;
- En cas de mauvaise exposition de la pièce principale.
Les passoires énergétiques dans la ligne de mire
L’interdiction du complément de loyer pour les logements classés F et G par le diagnostic de performance énergétique (DPE) est une nouvelle mesure qui s’inscrit dans la lutte contre ce qu’on appelle les « passoires énergétiques » ou les « passoires thermiques ». Rappelons que depuis la loi Climat et Résilience de 2021, les logements de la classe F ou G :
- ne peuvent plus faire l’objet d’une augmentation de loyer entre deux locataires en zone tendue... règle étendue à toute la France à compter du 24 août 2022 ;
- ne pourront plus, à compter du 24 août 2022, faire l’objet d’une indexation en cours de bail ;
- que les logements classés G seront interdits à la location en 2025 puis les logements classés F en 2028.
Et même que depuis la loi Climat de 2019, les logements dont la consommation excède 450 kWh/m²/an seront interdits à la location dès le 1er janvier 2023… Ces mesures de plus en plus strictes posent néanmoins de sérieux problèmes d’application. Après un couac important sur le Diagnostic de Performance Energétique fin 2021, un décret est actuellement en cours de préparation pour décaler la mise en place de l’Audit énergétique à la vente, initialement prévu le 1er septembre 2022.
Quant aux aides (en particulier MaPrimeRénov), elles sont essentiellement utilisées pour des « gestes », comme le changement du système de chauffage, plutôt que des rénovations globales. Sans oublier les difficultés pour les logements en copropriété à faire voter des travaux d’isolation à l’échelle de l’immeuble ! Ainsi, peu de logements sont actuellement sortis de leur statut de « passoire thermique ». On voit mal comment ces logements pourraient sortir du parc locatif, ce qui entrainerait une pénurie d’offres supplémentaire… et risquerait de poser des problèmes de pouvoir d’achat.
Loi sur le pouvoir d’achat
Liste des mesures de la loi sur le pouvoir d’achat
Loi séparée en deux volets, le premier volet a été adopté par les parlementaires le 3 août 2022.
N° | Thèmes | Mesures | Dates de mise en place | Français concernés |
---|---|---|---|---|
1 | Aide financière spécifique | Prime de 100 euros | Septembre 2022 | Public concerné de 10,8 millions de Français (bénéficiaires de la Prime d’Activité, ou de l’AAH, ou des APL, ou encore du RSA), virement bancaire adressé à la rentrée 2022 |
2 | Aide financière spécifique | Indemnité carburant travailleurs (chèque carburant) | 1er octobre 2022 | Réservé aux actifs les plus modestes, revenus mensuels nets inférieurs à 1500 à 1800 euros, montant forfaitaire par kilomètre |
3 | Allocations | Hausse des allocations (AAH, Prime d’Activité(PA), RSA) de 4% au 1er juillet 2022 | 1er juillet 2022 (effet rétroactif) | Allocataires actuels |
4 | Allocations | Hausse des APL de 3.5% | Septembre 2022 | Allocataires des APL |
5 | Allocations | Hausse de l’ARS (Allocation de Rentrée Scolaire) de 4% | 16 août 2022 | Allocataires ARS |
6 | Blocage des prix | Bouclier loyer : plafonnement de la hausse des loyers à 3.5% | Juillet 2022 | Tous les bailleurs |
6 bis | Blocage des prix | Bouclier loyers commerciaux : plafonnement de la hausse des loyers commerciaux à 3.5% durant une année | Septembre 2022 | Applicable seulement aux entreprises de moins de 250 salariés |
7 | Blocage des prix | Bouclier tarifaire sur les prix réglementés de l’énergie | Applicable jusqu’en 2023 | Tous les Français abonnés aux tarifs réglementés |
8 | Blocage des prix | Remise de 30 centimes par litre de carburant | Applicable jusqu’au 31/12/2022 | Tous les particuliers et toutes les sociétés |
9 | Blocage des prix | Prime fioul pour les chauffages au fioul | Applicable jusqu’au 31/12/2022 | 3 millions de foyers se chauffant au fioul |
10 | Blocage des prix | Utilisation de l’huile de friture usagée dans les carburants | Date non définie | Tous les particuliers et toutes les sociétés |
11 | Retraites | Pensions de retraite minimales à 1.100 euros, indexation sur l’inflation | Janvier 2023 | Tous les retraités du privé |
12 | Retraites | Revalorisation des pensions de retraite de 4% au 1er juillet 2022 | 1er juillet 2022 | Tous les retraités du privé et de la fonction publique |
13 | Emploi | Revalorisation de 3.5% du point d’indice des fonctionnaires | Rentrée 2022 | 5,7 millions de fonctionnaires |
14 | Emploi | Doublement de la prime transport de 200 à 400 euros | Rentrée 2022 | Tous les collaborateurs d’entreprises versant une prime transport |
15 | Emploi | Triplement de la prime Macron (jusqu’à 6000€) | Rentrée 2022 | Seuls les salariés dont les entreprises versent la prime Macron sont concernés |
16 | Emploi | Heures supplémentaires défiscalisées, extension du plafond de 50% | 31/12/2023 | Toutes les entreprises et salariés effectuant des heures supplémentaires |
17 | Emploi | intéressement personnalisé | Janvier 2023 | Possiblité de faire varier l’intéressement en fonction des collaborateurs |
18 | Emploi | Prime à l’apprentissage, 5000 ou 8000 euros | 31/12/2023 | Toutes les entreprises |
19 | Emploi | Réduction des cotisations sociales pour les indépendants et les micro-entrepreneurs | 2022 | Indépendants et micro-entrepreneurs modestes (<SMIC) |
20 | Emploi | Tickets restos, hausse de 4% à 11.84 euros (valeur faciale maxi.) + plafond de 19 à 25 euros + Fin des produits alimentaires interdits pour paiement via tickets restos | 1 septembre 2022 | Salariés bénéficiant des tickets restos |
21 | Fiscalité | Déblocage anticipé de l’intéressement et de la participation, plafond de 10.000 euros | 31/12/2022 | Tous les salariés bénéficiant d’une épargne salariale |
22 | Fiscalité | Suppression de la redevance TV | 31/12/2023 | Tous foyers fiscaux |