Achat immobilier : pourquoi attendre mi-2024, voire 2025 ou davantage, semble être une excellente idée

Vous avez un projet immobilier en tête, et vous vous demandez si c’est vraiment le bon moment pour passer à l’action. À contre-courant de nombreux articles publiés, il serait urgent d’attendre.

lundi 23 octobre 2023, par Denis Lapalus

La richesse est dans la différence. C’est suite à la publication de nombreux articles, initiés par des influenceurs soumis aux lobbys d’agents immobiliers ou d’intermédiaires en crédits immobiliers, indiquant qu’il fallait investir rapidement dans l’immobilier, que je réagit. Ma position est la suivante : l’essentiel de la hausse des taux d’intérêts est derrière nous. Les premières baisses de taux d’intérêts ne sont pas attendus avant le second semestre 2024 auprès des banques centrales. Compte-tenu de l’inertie du système financier, les premières baisses de taux d’intérêts, dans la vraie vie, ne seront effectives, au mieux, qu’en 2025. Se précipiter maintenant n’a pas de sens, alors que le marché immobilier semble lui-même se figer. Les prix de l’immobilier baissent pratiquement partout en France, et parfois avec une ampleur de plus de 10% pour la seule année 2023. En tenant compte de l’inflation actuelle (environ 5 %), même des prix stables sont, de fait, en baisse. En revanche, projeter l’inflation actuelle sur les années à venir me semble être effectivement une erreur. L’on n’emprunte pas sous prétexte que l’inflation passée (celle publiée par l’INSEE) est élevée, cela n’a vraiment aucun sens.

 Loin des lobbys

Si l’on écoute les agents immobiliers, les opportunités seraient optimales, et ce quel que soit le moment. Leurs opinions sont donc à considérer avec précautions. Du côté des banques ou des courtiers, si vous avez un bon dossier, avec un apport suffisant et des revenus cohérents avec votre projet, loin des informations des médias à sensation évoquant un "blocage du crédit", vous n’aurez aucune difficulté pour emprunter, que vous soyez primo-accédant ou pas. Du côté des plateformes d’annonces immobilières, le constat est simple : en moyenne, une annonce immobilière en 2023 génère 43 % de demandes de renseignements en moins qu’en 2022 (source Bien’ici, octobre 2023).

 Devenir propriétaire

Devenir propriétaire est légitime. Il ne s’agit en rien de renoncer à son projet d’acquisition immobilière. La majorité des Français n’oublient pas leur projet immobilier à juste titre, mais sont conscients que la meilleure façon de devenir propriétaire est de se constituer un apport conséquent pour décrocher des meilleures conditions de financement. Les taux de l’épargne sont attractifs, et la baisse des prix de l’immobilier a débuté. Les taux des crédits ne vont plus grimper fortement, il faut raison garder.

 L’apport est la clé

Ce n’est pas un secret, plus on possède d’apport et moins le crédit immobilier est un souci. Voici les raisons pour lesquelles il vaudrait mieux, selon moi, attendre des jours meilleurs, se constituer un apport conséquent pour décrocher un meilleur taux d’emprunt. Baisse faible des prix de l’immobilier, mais avec une inflation élevée, l’essentiel de la hausse des taux d’intérêt derrière nous, tout converge pour surtout ne pas se précipiter pour acheter.

 Taux de crédit à 6 %

Le taux promis à 5 % à fin 2023 est déjà arrivé. Pour rappel, les taux publiés par les différents baromètres (et ils sont tellement nombreux...), évoquent tous des taux de crédit hors assurance ! Ce n’est pas le reflet de la vie réelle. Un taux de crédit à 6 % n’est pas un souci. Les plus anciens ne cessent de le rappeler. Un taux de crédit de 6 % n’est pas une difficulté en soit, tant que les revenus suivent. L’inflation à venir s’annonce en baisse, sans toutefois atteindre ce seuil objectif des 2 %. Ainsi, reporter l’inflation actuelle (proche des 5 %) sur les prochaines années me semble être une erreur. Ainsi, argumenter le fait d’emprunter car l’inflation est élevée n’a pas de sens. Personne ne sait ce que l’inflation sera dans 6, 7, ou 10 ans.

Taux fixes moyens de marché des crédits immobiliers (TAEG) - Données actualisées au 04/11/2024
Durées de crédit Taux élevés (15% apport) Taux moyens (30% apport) Taux faibles (50% apport)
7 ans 3,86 % 3,42 % 2,88 %
10 ans 3,95 % 3,55 % 2,98 %
15 ans 4,32 % 3,78 % 3,42 %
20 ans 4,83 % 3,92 % 3,48 %
25 ans 5,22 % 4,08 % 3,28 %
(*) Mise à jour effectuée le 04/11/2024 . Taux assurance incluse d'un taux moyen d'assurance emprunteur de 0.45% (pour un couple). Considérer un taux d'assurance emprunteur de 0,20% pour une personne seule. Taux moyens de marché (avec 30% d'apport), calculés sur les relevés des courtiers en crédits immobiliers. Données indicatives uniquement.

 Achat immobilier ?

Immobilier : 5 bonnes raisons de ne pas se précipiter pour acheter dès maintenant. La pierre est le péché mignon des Français. C’est un attachement culturel, être le propriétaire de son bien. Un certain marqueur social de réussite, à l’instar d’une belle voiture pour certains. Le plus souvent être locataire est associé à une vision négative : ces loyers "perdus". Ce n’est pourtant plus vrai actuellement. D’ailleurs, en ce moment, plusieurs études montrent que, strictement financièrement parlant, être locataire serait plus avantageux que d’être propriétaire (loyers plafonnés, taxes foncière, coût du crédit, etc.). Mais le fait est là. Avec la chute des revenus lors de la prise de retraite, il est fortement recommandé d’être propriétaire de sa résidence principale. La question étant, est-ce le bon moment de le devenir, alors que les nuages s’accumulent dans le ciel du marché immobilier français ?

 1️⃣ L’impatience est un défaut

La technique dite de la "bouilloire". Les influenceurs favorables à un passage rapide à l’acquisition immobilière font miroiter deux risques : que les prix grimpent toujours plus, que les taux augmentent encore. Le troisième argument étant que plus tôt commence le crédit, plus tôt les remboursements se terminent. Ce n’est pas faux. Mais pour autant, emprunter sur 20 ans, implique 20 ans de remboursements. Et plus l’on commence tôt à rembourser (i.e. dès le début de sa vie active), moins l’on a de ressources financières disponibles. La patience n’est pas un défaut. Tout au contraire. Attendre n’a rien d’un risque !

  • Certains craignent que les taux d’intérêts s’envolent encore bien plus largement. Est-ce bien réaliste ? L’économie est déjà en ralentissement, les banques centrales ne vont pas augmenter les taux bien au-delà de leurs niveaux actuels, 0.50 %, 0.75 % au maximum ? Personne ne le sait. Mais dans tous les cas, anticiper des taux à 7 % ou 8 % en France, avec une inflation de l’ordre de 3 % dans les quelques années à venir, cela frise l’incohérence financière. La patience permet en attendant de se constituer un apport plus conséquent. Et c’est bien là le nerf de la guerre. Plus l’apport est important, et moins il faudra emprunter, et donc moins rembourser d’intérêts.
  • Du côté des prix, les faits sont là. Avec une inflation annuelle proche des 5% sur 2023, les prix de l’immobilier auront baissé en France de l’ordre de 10% au total. Rappel, 10% d’un bien cotant 300.000€, c’est déjà 30.000€ !

 2️⃣ Investir ? Un risque !

Les Français ont redécouvert que l’immobilier n’est :

  • pas un placement refuge préservant de l’inflation (les loyers augmentent bien moins vite que l’inflation), la valeur du bien peut baisser,
  • un placement à risque de perte en capital. La rentabilité d’un bien immobilier se juge après la revente, une fois les intérêts du crédit déduits.

Investir dans l’immobilier n’a donc rien d’une martingale. L’immobilier permet de gagner, à condition que les prix de marché grimpent... Or ce n’est pas le cas actuellement. En revanche, il est vrai qu’investir dans sa résidence principale reste l’investissement le plus important des Français.

 3️⃣ Nouveau PTZ 2024

Le nouveau PTZ 2024 arrive ! Cela ne va pas changer totalement la donne pour les primo-accédants, mais devrait bien aider quand même. D’après Bercy, ce nouveau PTZ, étendu à 100.000 € maximum, avec une quotité de 50% (soit un financement de 200.000 € au total), devrait bénéficier, au total, avec tous les cas de figures, à 40.000 primo-accédants. Se précipiter pour acheter fin 2023, tout en étant primo-accédant, sans étudier ce PTZ 2024, ne semble donc pas pertinent.

 4️⃣ Rendement vs Rentabilité

C’est le biais le plus commun. Confondre rendement et rentabilité. Dans toutes les publicités, et même les conseils formulés par les "experts", l’on vous parle toujours de rendements. Ces loyers qui vous permettent d’afficher des rendements immobiliers allant de 3 % à 7 % ou 8%, voire plus pour les bonimenteurs. Mais personne n’évoque la rentabilité de l’investissement. C’est à dire, le bilan global, une fois que vous aurez revendu votre bien. Regardez ce qu’il se passe sur les SCPI. Les rendements ne baissent pas, et ils seront même sans doute encore en hausse. Et pourtant, vous aurez de vous, forcément un épargnant pour lequel son investissement en SCPI ne sera pas que très rentable. Il suffit d’avoir investi sur une SCPI dont le prix de la part a baissé pour que le portefeuille voit sa rentabilité plonger.

 5️⃣ Charges & Taxe

Taxe foncière, charges de copropriété intégrales, ces dépenses explosent. Près de 20% des villes de plus de 40.000 habitants ont voté pour une augmentation de la taxe foncière. Pour les autres propriétaires, la hausse a été au minimum de 7,1%. Elle est liée à la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives, servant de base de calcul à la taxe foncière. Certains nouveaux propriétaires ont font l’amère expérience. Un bémol à placer dans la balance de la prise de décision, même si cela ne change rien à la décision finale. Il faudra acheter sa résidence principale, un jour ou l’autre. Mais se précipiter pour se débarrasser des mensualités de remboursements d’un crédit le plus rapidement possible ne doit pas être un argument pour le premier bien immobilier qui vous passe sous le nez. Investir dans l’immobilier dès ses premières feuilles de paie est, le plus souvent, une erreur grossière. Manque d’expérience, mauvais conseils formulés par des intermédiaires courant après les commissions, ou pire encore, achat compulsif, en couple, dont l’issu sera malheureusement douloureuse dans 75 % des cas en Ile de France. Autant de points qui militent pour ne jamais se dépêcher pour mener à bien son projet immobilier.

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